Magazine Générique(s) de mai 2008 - N°15 - (Page 64)

ZOOM / NIP tuck n ip/Tuck est parfois critiquée pour faire l’apologie du culte du corps. Cette vision des choses est réductrice. Que la série ne verse pas dans cette autre expression du politiquement correct qui consiste à faire de la chirurgie plastique le nouvel antéchrist, c’est un fait et c’est tant mieux. Mais ce refus du jugement moralisateur n’a pas vocation à reproduire cyniquement les normes aliénantes de la perfection physique. Il s’agit plutôt de prendre acte d’une possibilité offerte à l’humanité, à l’heure où convergent progrès technologique et fin des grandes idéologies, de refaire son corps à l’image qui lui convient. De ce point de vue, le show est incroyablement subversif : dans une société américaine présidée par un adepte du créationnisme, Nip/ Tuck se permet de tourner le dos à la tradition chrétienne pour faire de l’homme sa propre créature. Il ne s’agit pas pourtant de fermer les yeux sur les excès de la fabrique des corps, quand l’hypercapitalisme tend à réduire l’individu à sa valeur matérielle. Au sommet des cotations, le corps des stars devient l’échelle illusoire à laquelle chacun se mesure, au risque de perdre sa singularité. De sosies pathétiques de Marilyn en ados s’affamant pour ressembler aux top-modèles, Nip/Tuck guette le désespoir et la folie dans la recherche frénétique d’une apparence stéréotypée. « Je veux être parfaite », dit à Christian la pourtant sublime Kimberley. « La beauté, c’est la symétrie », répond le goujat en traçant sur son visage au rouge à lèvres les zones à retravailler. ciVilisAtion du pArAître Ramenée au calcul mathématique, évidée de sa dimension relationnelle, la beauté s’érige en canon implacable. Chirurgie, régime, gymnastique… Tout est bon pour rester dans la norme, jusqu’à tomber dans la dysmorphophobie, cette crainte pathologique d’être laid que Christian et Sean traquent avec professionnalisme dans les demandes de leurs patients. La série n’élude pas la morbidité de l’équation selon laquelle le beau reposerait sur l’addition de parties sans défaut. Les deux chirurgiens doivent ainsi défaire le travail d’un employé de la morgue, qui a assemblé des morceaux de plusieurs cadavres pour créer la femme idéale. Le générique dénonce déjà ce qu’il y a de vicié à considérer la beauté comme une valeur morale : « Une âme parfaite, un esprit parfait, un visage parfait… Un parfait mensonge. » Passés les dangers de la civilisation du paraître, Nip/Tuck fait aussi de la réinvention du corps une démarche positive. On peut sculpter son apparence pour masquer son âme, mais également 64 / NUMÉRO 15 - GÉNÉRIQUE(S) photos : WArner bros internAtionAl teleVision LE cORps pour donner une chance à son être intérieur de s’exprimer. Cette réflexion moins consensuelle, s’aventurant sur les chemins du postmodernisme, autorise l’individu à tenir la réalité pour tributaire de son désir. On voit ainsi une jeune femme recourir à la chirurgie pour correspondre à l’image qu’elle a vantée à son prétendant virtuel, qui insiste pour la rencontrer. « Ça n’était pas bien de mentir, mais je travaille dur pour en faire une vérité. ». La vérité, c’est qu’elle est déjà mince parce qu’elle se veut ainsi : il ne lui reste plus qu’à mettre son corps en conformité. Dans d’autre cas, il ne s’agit même plus de projection mais de conviction profonde, comme celle de Sofia, un transsexuel qui se sait femme malgré ses attributs masculins. Nip/Tuck explore la souffrance d’être prisonnier d’un corps qui ne correspond pas à ce que l’on est, que le décalage soit physiologique ou psychologique. Le sentiment d’incomplétude, ou à l’inverse la sensation d’être embarrassé d’un corps étranger, se manifeste de manière bénigne (une stripteaseuse gênée par l’ampleur de sa poitrine, Liz décidant d’évacuer son trop-plein de graisse) ou plus dramatique, comme chez ce patient voulant être amputé d’une jambe qu’il ne découpé, reconstruit, fAntAsmé : dAns nip/tuck, parvient pas à intégrer à son schéma corpole corps humAin s’impose comme un objet impur rel. Si le corps commence dans la tête, le et hybride, fAit de chAir et de sAng, mAis Aussi transformer peut favoriser l’épanouissement, d’imAginAire et de sentiments. cAroline VeunAc en harmonisant dehors et dedans. Parallèle-

Table des matières de la publication Magazine Générique(s) de mai 2008 - N°15

Couverture
Edito
Sommaire
ACTUALITES - Tour du monde
- La sélection du mois
- 5 bonnes raisons d'attendre In Treatment
- Décryptages : Pushing Daisies vu par J-P Jeunet
- Miami et les séries
- Les stars télé en librairies
- Tournage : rien dans les poches (Canal+)
VO.VF - George Pelecanos, Romancier et scénariste de The Wire
- Cynthia Mort, créatrice de Tell Me If You Love Me
- Virginie Brac, scénariste d'Engrenages saison 2
DOSSIER Royaume-Uni : My Télé is Rich | Introduction
- L'autre pays des séries
- Le ton British
- Le modèle BBC
- L'exemple Kudos
- Les indispensables en DVD
ZOOM | NIP TUCK : Une série des années 2000
- Ryan Murphy, l'art discret de la provocation
- McNamara / Troy : portrait croisé
- L'image du corps
- La critique, saison par saison
- Les guest stars
- Galerie de patients
- Pour ou contre
CRITIQUES DVD - 30 Rock (S.1)
- Destination danger (S.2)
- Doctor Who (S.3)
- Scrubs (S.6)
- V (Episodes 1 à 10)
- How I Met Your Mother ( S.2)
- Chez Maupassant (S.2)
- Les Routes du Paradis (S.1), Hotel Babylon (S.1)
- Las Vegas (S.4), Sliders (S.4)
- Stargate Atlantis (S.3), La Cour des Grands (Intégrale)
POINTS DE VUE | Générique : Le Prisonnier
- Musique : Jeff beal
- Personnages : Barney
- Jack Malone
- Séquence : Dirt
- Gros Plan : Les thérapies de groupe
- La Voix Off
- Horizon : Les déclinaisons des Desperate Housewives
- Classique : Les Shadoks
- Ma série et moi : David Wolstencroft (Mi-5)

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