La revue RH&M - N°62 - Juillet 2016 - 50

FOCUS Christian BARTHÉLÉMY, Directeur Capital Humain DELOITTE INTERNATIONAL BOUGER OU ÊTRE LICENCIÉ POURQUOI LES ACCORDS DE « MOBILITÉ INTERNE » N'ONT PAS LE SUCCÈS QU'ILS MÉRITERAIENT ? L a philosophie du dispositif né de la loi LSE de juin 2013 était plutôt claire en théorie ; il s'agissait d'organiser « à froid » les conditions d'une mobilité professionnelle ou géographique interne d'un salarié, en dehors de tout plan social. L'accord de « mobilité interne » qui aurait été ainsi conclu, rendait l'acceptation de la mobilité interne du salarié quasi inévitable, faute de quoi il serait licencié à titre individuel pour motif économique. Les articles L. 2242 21 à L. 2242 23 nouveaux du Code du travail organisent ce dispositif novateur sur la mobilité interne à travers deux angles : L'initiative de l'employeur de négocier sur le thème de la mobilité interne L'employeur peut engager une négociation portant sur la possibilité d'imposer une mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs. * Cet accord, conclu dans le cadre de la GPEC s'impose au contrat de travail. Pour les entreprises non assujetties à l'obligation triennale de négocier un accord de GPEC, l'accord de mobilité interne porte, en plus de la mobilité professionnelle ou géographique, sur les évolutions prévisionnelles des emplois et des compétences dans l'entreprise, ainsi que les mesures susceptibles de les accompagner. * La mobilité ne peut se faire que dans le cadre de l'entreprise et pas au niveau du groupe, le texte n'envisageant pas de mobilité à l'intérieur d'un groupe de sociétés. * L'accord définit des mesures collectives, et son champ d'application peut être limité à une catégorie de salariés. Le refus du salarié de se voir appliquer les mesures de mobilité interne En cas de refus, le salarié est licencié à titre individuel pour motif économique, ce qui implique que même si au moins 10 salariés refusent cette mobilité, l'employeur n'a pas à mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). P.50 | Juillet 2016 | LA REVUE RH&M N°62 * Ce licenciement prend les effets d'un licenciement économique. Le salarié aura donc droit à l'indemnité de rupture propre aux licenciements économiques et un droit au reclassement. * La rupture du contrat de travail se fait selon la procédure de modification du contrat pour motif économique. - L'employeur informe chaque salarié de sa proposition, par lettre recommandée avec accusé de réception, en lui précisant qu'il dispose d'un délai d'un mois pour répondre et faire connaître, éventuellement, son refus. - Passé ce délai, le salarié sera réputé avoir accepté la modification et ne pourra plus exprimer son refus. - L'employeur ne pourra pas déclencher la procédure de licenciement avant le délai d'un mois, délai de réflexion pour le salarié, même si ce dernier a déjà informé de son refus de modification du contrat. Dès lors qu'un accord de mobilité interne est conclu, l'employeur est en droit d'imposer une mobilité géographique ou professionnelle. Or, dans l'hypothèse du refus par le salarié de la mobilité, le licenciement repose, selon la loi, sur un motif économique et il est prononcé selon les modalités d'un « licenciement individuel pour motif économique ». Autrement dit, pas de PSE à organiser, ni de plan de reclassement à prévoir. Telle est la principale critique portée à ce dispositif : le risque que l'employeur n'instrumentalise un accord de mobilité interne pour s'affranchir d'un PSE. Jusqu'à ce jour, cette méfiance a eu raison de l'insuccès du dispositif de mobilité interne prévu par la LSE de juin 2013. La loi Macron, qui a apporté quelques correctifs à la LSE, n'est pas revenue sur la mobilité interne. Pour donner force et vigueur à ce dispositif novateur, ne faudrait-il pas faire un effort de pédagogie et mieux l'inscrire dans l'obligation de développement de l'employabilité des salariés ? Contact : Christian BARTHÉLÉMY, Directeur Capital Humain chbarthelemy@deloitte.fr Rubrique dirigée par Philippe BURGER, Associé, DELOITTE - 185 avenue Charles de Gaulle 92524 - Neuilly sur Seine phburger@deloitte.fr

Table des matières de la publication La revue RH&M - N°62 - Juillet 2016