La revue RH&M - N°62 - Juillet 2016 - 60


LU POUR VOUS
Par Jean-Michel Garrigues, Directeur des Ressources Humaines
et du développement, BLB Associés

Tous les chemins
mènent à l'autre
Chroniques d'un tour du monde interreligieux
Samuel Grzybowski - Editions de l'Atelier 2015
Le fait religieux est une des problématiques complexes que doit traiter
l'entreprise, car le sujet est évidemment particulièrement sensible, toute
mesure étant qualifiée, tantôt de
discriminatoire, tantôt de partisane,
au grand dam des parties prenantes
internes.

D'évidence, la difficulté du contexte
vient du conditionnement exclusif
des différentes cultures, alors même
que les textes (hormis les écrits les
plus anciens) prônent le plus souvent
tolérance et acceptation de l'autre.

Un parcours pénétrant
L'auteur, tout jeune homme engagé
dans le partage de valeurs communes,
après un chemin marquant dans le
scoutisme, a créé en 2010 Coexister,
un mouvement interreligieux de
jeunes, visant à emmener les uns
chez les autres, autant en termes de
connaissances que de voyages.

Ensemble, ils entreprennent un
voyage d'un an à travers le monde,
40 pays, 70 villes, 450 personnes
rencontrées, 250 entretiens qualifiés,
plus de 9.000 photos, un passionnant
carnet de routes qui trace les initiatives pionnières, les tentatives, contre
vents et marées, d'inventer ensemble
une société métissée, un cadre de vie
empreint d'acceptation de l'autre.
Un regard éclairant
Evidemment, un fâcheux constat de
ce périple, c'est que « l'autre » c'est

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presque toujours celui qui n'est pas
de « ma » religion. D'où cette volonté
de créer une coexistence active, dans
laquelle chacun se sent responsable
du fait que celui qui ne partage pas
la même religion puisse croire, pratiquer et vivre pleinement et librement
ce qu'impliquent sa foi et sa tradition.
Les exemples de certains pays de
ce tour du monde, Bosnie, Liban,
Burkina-Faso, notamment, illustrent
parfaitement ce paradoxe apparent
mais tellement signifiant : c'est de
pratiquer l'autre qui permet de mieux
le comprendre. C'est l'enseignement
des différences qui permet de vivre les
convergences, les valeurs communes.

Ce tour du monde en est tellement
l'image que l'auteur n'a de cesse,
depuis lors, de s'associer à des
initiatives d'identités communes,
de compréhension réciproque, de
dialogue conscient. Et l'entendre
en parler est d'une richesse inouïe,
d'autant plus que son regard est
pleinement conscient des fossés
toujours plus profonds que creusent
les thuriféraires de l'exclusion.
Partout dans leurs échanges, ses
interlocuteurs évoquent les difficultés extrêmes qu'ils rencontrent dans
une vision du dialogue différente de
celle édictée par les gouvernants du
pays, quand il ne s'agit pas purement
et simplement d'une interdiction
absolue de tout contact avec les autres
religions, les autres ethnies, les autres
univers de pensée.

Un chemin pertinent
Au-delà de l'impression étonnante
laissée par les écrits et les propos de
l'auteur, empreints d'une incroyable
maturité, chacun doit être impacté par
cette évidence première : l'assemblage
hétérogène, mais pas hétéroclite, de
religions ou d'agnosticismes, doit être
le garant de la liberté religieuse et de
la liberté de conscience.

En fait, pour le dirigeant moderne,
l'entreprise doit jouer un rôle qui
n'est plus nécessairement celui de
la famille, de l'école, de la société :
tenter de pallier l'ignorance de l'autre,
vouloir le connaître, le rencontrer,
pour favoriser une liberté tolérante
de pensée.
Nulle naïveté, nul angélisme : dans
toute rencontre, l'information sereine
est source de progrès, dans des
univers qui s'ignorent : le politique
et le sociétal, le patronal et le syndical, le riche et le pauvre, l'éduqué et
l'illettré.
Ainsi que me le dit souvent un ami
libanais, chrétien syriaque araméen,
avant que l'on ne décrète une réalité
différente, les multiples confessions présentes dans le pays avaient
coexisté paisiblement pendant des
siècles...
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