La revue RH&M - N°62 - Juillet 2016 - 39

les femmes et les hommes dans l'accès et la fourniture des biens et services. DES ÉTATS MEMBRES ET LEURS DÉFINITIONS En France, le harcèlement sexuel était condamnable au titre pénal dès juillet 1992 et aujourd'hui, suite à la loi de janvier 2002, la définition retenue interdit les «agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers. » (art L1153-1 code du travail) à laquelle il faut associer la définition de la loi de mai 2008 de transposition de la directive européenne de 2006: « tout agissement à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Dans les autres Etats membres, à l'exception du Danemark qui a traduit mot pour mot, la directive dans son droit national, les autres Etats ont une phraséologie adaptée à leur culture, ce qui les éloigne parfois de la version européenne. Toutefois, le caractère intentionnel du harcèlement sexuel pour être condamné, a été retiré dans tous les Etats membres pour éviter les cas de personnes qui déclareraient qu'elles « harcelaient sans le savoir » et donc sans intention de harceler alors que les faits de harcèlement ont été établis. Ce qui les mettrait hors du champ d'application de la loi. Ainsi, selon un rapport du Sénat de 2013, « dans les États soumis au droit communautaire, les différentes versions officielles utilisent, pour transposer les directives et décrire ce type de harcèlement, des concepts voisins mais non identiques : « caractère » sexuel, « connotation » ou « nature » sexuelle du comportement, « situation », « environnement », « ambiance » ou encore « situation objective » (code pénal espagnol), dont la portée précise est difficilement saisissable hors de chaque contexte pratique, juridique et langagier. » L'Allemagne et le Royaume Uni ne reprennent pas les termes qui décrivent l'expression du comportement non désiré « s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement. ». En Allemagne, Belgique et Danemark, la définition ne mentionne pas des conséquences directes sur le travail ou l'emploi de l'intéressé. CONDAMNATIONS PÉNALES OU PAS ? Le harcèlement sexuel au travail n'est pas pénalement condamnable dans beaucoup de pays de l'Union. C'est essentiellement en France, en Espagne et en Belgique que le droit pénal a des dispositions sur le harcèlement sexuel. Les autres Etats ont des procédures civiles avec des pénalités et dommages et intérêts pour la victime, bien que certains aient mis dans leur arsenal pénal, les violences sexuelles sans pour autant assimiler le harcèlement sexuel à de la violence. C'est particulièrement le cas pour l'Allemagne, le Danemark, l'Italie, les Pays Bas, le Portugal, le Royaume Uni ou la Suède. L'absence de condamnation pénale est sans doute, une explication du retard pris par certains Etats dans la lutte contre le harcèlement sexuel, surtout que les sommes versées au titre civil restent faibles (moins de 10 000 € alors que pour la France, le maximum est de 30 000 €). Toutefois, il faut se poser la question de la prévention car il n'est pas rare que la réalité du harcèlement sexuel soit encore « ignorée » dans les entreprises et même dans les partis politiques qui pourtant fournissent les législateurs ! Comme toute évolution législative liée à une évolution sociétale, la notion de « raisonnable » chère aux anglo-saxons, doit l'emporter même si dans les faits, les Etats-Unis semblent en faire un business dans certains cas. A titre de comparaison, lorsque le harcèlement moral est entré dans le droit français, les prud'hommes avaient systématiquement des chefs de demande de harcèlement moral sans réel fondement, associés aux affaires plaidées dans les premières années. Par la suite, une régulation s'est établie. INVERSION DE LA PREUVE ? En France, le principe d'établissement d'une présomption de harcèlement, est nécessaire. C'est au salarié concerné d'établir des faits qui pourraient présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de démontrer que ces faits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement. La Cour de Cassation a même pratiqué l'inversion de la preuve en demandant à un employeur de prouver la falsification d'un courriel par une salariée qui se déclarée harcelée (25 septembre 2013). Les directives précitées, assimilent le harcèlement sexuel à une forme particulière de discrimination et donc, la position française est conforme à celle de l'UE concernant la lutte contre les discriminations et qui « autorise le partage de la charge de la preuve dès lors que le requérant peut présenter des faits permettant d'établir une présomption de discrimination, la charge de la preuve incombe à l'auteur des faits, qui est alors tenu de démontrer le contraire (..) Le principe du partage de la charge de la preuve est bien ancré dans le droit de l'UE et de la CEDH » (manuel de l'agence des droits fondamentaux de l'Union Européenne) CONCLUSIONS Le harcèlement sexuel est aujourd'hui reconnu comme une forme de discrimination mais il n'est pas encore suffisamment pénalisé dans certains États membres. La culture et l'histoire des États ont encore une influence considérable sur les comportements des citoyens et lorsque le personnel politique ne pratique pas un respect mutuel entre les personnes, cela ne peut que retarder la lutte contre ces formes de discriminations. Le harcèlement moral ne bénéficie pas de directive (seulement un accord entre partenaires sociaux européens) et cela montre que la question des harcèlements reste encore un objectif long à atteindre. LA REVUE RH&M N°62 | JUILLET 2016 | P.39

Table des matières de la publication La revue RH&M - N°62 - Juillet 2016