La revue RH&M - N°62 - Juillet 2016 - 42

RECHERCHES ACADÉMIQUES

Les nouveaux paradigmes de

es DRH sont devenus
des acteurs de premier
plan dans la conduite
du changement dans le
contexte de la révolution
numérique et de la transformation
digitale que connaissent toutes les
organisations. Ils ont contribué à
faire évoluer la manière de penser
et de mettre en œuvre la conduite du
changement pour réussir les projets
de transformation. En s'appuyant
sur les recherches récentes dans
ce domaine, les DRH adoptent une
approche expérientielle.
La conduite du changement est apparue
dans les années 1990 pour accompagner
les grands projets informatiques sous la
forme d'actions de communication et de
formation. Elle s'enrichit des études d'impact et de plans d'accompagnement des
transformations. La conduite du changement est devenue un important domaine
de recherche et les chercheurs se sont en
particulier intéressés aux conditions d'adhésion des acteurs et d'appropriation des
nouvelles pratiques suscitant un changement de paradigme et, en 5 ans, une évolution radicale de la pensée en conduite du
changement. Pendant 30 ans (1978/2008),
la conduite du changement a été structu-

rée autour du modèle instrumental initié
par la roue du changement de Kanter. Les
évolutions consistaient à intégrer de nouveaux outils dans une démarche structurée
(cadrage, levier d'actions, et pilotage). Les
travaux de la socio-dynamique (Fauvet,
Crozier) ainsi que les démarches managériales de Kotter ont été intégrées dans ce
modèle.
La remise en cause du modèle instrumental
Pendant 30 ans le modèle instrumental,
calqué sur la gestion de projet classique, a
proposé un processus et des livrables. Les
livrables étaient réalisés par des experts de
la conduite du changement. Le principe
sous-jacent à ces démarches est la notion
de résistance au changement au sens de
Lewin. Les individus sont résistants au
changement par peur de perdre leurs routines et acquis et par l'effort d'apprentissage. Dès lors, la conduite du changement
consiste à expliquer le « pourquoi », le
« quoi » et le « comment » par des actions
de communication, de formation et d'accompagnement opérationnel. Les salariés concernés par le changement sont
accompagnés mais ne participent pas ou
peu aux changements qui les concernent
directement. Ce modèle classique a montré ses limites dans un contexte marqué

Jean-Marie Peretti,

Professeur à l'ESSEC Business
School et à l'IAE de Corse

David Autissier,

Chaire ESSEC du changement
ESSEC-Business School

P.42 | JUILLET 2016 | LA REVUE RH&M N°62

par la révolution digitale et l'explosion du
collaboratif.
La révolution digitale et l'explosion
du phénomène collaboratif.
Toutes les entreprises vivent une révolution numérique qui remet en cause les
schémas traditionnels d'organisation et
les pratiques managériales imposant un
rythme rapide de changement et de fortes
innovations managériales.
Dans ce contexte, l'augmentation du
nombre de projets de changement et la
charge de travail associée produisent des
goulets d'étranglement et provoquent
une saturation au changement. La
conduite instrumentale apparaît comme
une « surcouche bureaucratique » qui
consomme beaucoup de temps, produit
des livrables pas toujours efficaces et crée
des risques psycho-sociaux.
Les entreprises ayant conduit à marche
forcée les projets de changement ont souvent connu une poussée de l'absentéisme,
des maladies professionnelles et même
parfois des suicides sur les lieux de travail. Le changement a été montré du doigt
comme facteur de stress et de risque psycho-sociaux. Les techniques de conduite
du changement ont été perçues comme des
pratiques visant à accélérer de manière forcée l'adoption du changement.
Ces critiques ont mis en relief la question
du bien-être et de la santé au travail dans
les actions de changement et permis de
redécouvrir l'actualité du constat fait il y
a 2500 ans par Jiting dans le « Livre des
transformations » : pour être durable, tout
changement doit être source de plaisir et
de profit.
La technologie digitale a favorisé le développement de la collaboration, du codéveloppement et de la co-construction du
changement. Elle permet un apprentissage
par l'échange d'expériences et l'enrichissement mutuel. Les recherches montrent que
l'action collaborative contribue à développer chez les salariés l'aptitude au changement et les comportements innovateurs.

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