Magazine JDI de septembre 2008, n°1620 - (Page 13)

13 adulte capable de gérer ses conflits intérieurs, contre le pulsionnel et avec la loi, la responsabilité. Certains enfants sont pris entre deux cultures : n’ayant pas cette lecture de l’implicite, ils ne savent comment se positionner. Avec sa violence verbale, le monde extérieur fait irruption dans l’école, mais ce n’est pas du fait des enfants. On stigmatise les enfants, alors que leurs actes sont les effets des dysfonctionnements des conduites d’individus (peu adultes!), se comportant de façon réactive et individualiste. Les enfants ne font que recopier, mettre en scène ce que les “adultes” véhiculent. L’enseignant est dérouté. JDI : Pourquoi certains établissements sont-ils davantage touchés ? E. T.-G. : Lorsqu’un établissement scolaire est confronté à la violence, aux vols, aux coups – enseignants recevant des coups de pied, enfants qui se battent, etc. –, les causes sont multiformes, individuelles, familiales sans doute, mais surtout liées à cette école-là, à son mode de fonctionnement, aux relations qui s’établissent entre les personnes. Les causes sont sociales, sociétales, mais aussi politiques et économiques. Dans une société sans projet, une rancœur existe pouvant se transformer en acte de violence pour interpeller, décharger ce mal-être dont on ne sait quoi faire. Dans une école où je suis beaucoup intervenue, avec des élèves issus de multiples cultures, au sein même de l’équipe enseignante, il y avait de grandes tensions, des non-dits, des conflits sur les procédures (enseignants trop laxistes ou trop exigeants). Lorsque les conflits caractérisent les relations entre professionnels cela se ressent dans la classe. JDI : Il s’agit alors de reconstituer un collectif vivant et agissant… E. T.-G. : On peut intervenir, à condition que la situation ne se soit pas installée. Le changement naîtra du dynamisme que les personnes ont encore, de leur capacité à regarder leurs difficultés sans mettre à mal l’image d’elles-mêmes, à construire des projets. C’est parfois trop tard : déprimés, les professionnels ont baissé les bras. Ce n’est pas lié à l’âge, il y a des cultures d’établissement, surtout en collège, que les anciens transmettent aux plus jeunes. Il est alors difficile d’intervenir. JDI : N’a-t-on pas parfois tendance à confondre hyperactivité et violence ? E. T.-G. : L’hyperactivité recouvre plusieurs symptômes dont, au premier plan, l’impossibilité de contrôler ou contenir l’action. Lorsque l’enfant hyperactif produit un passage à l’acte (acte non mentalisé) violent, la procédure réglementaire n’est pas suffisante pour faire échec à la répétition de ce type d’acte. Car à l’origine de l’hyperactivité, il y a un mode de structuration psychique (manière de penser, d’ordonner, de conceptualiser) différent, comme dans la dyslexie. La violence est un acte ayant pour but de détruire, elle est punie par le Code pénal. La plupart du temps, on voit des actes d’opposition, s’exprimant diversement, surtout chez les petits. Il ne s’agit pas de violence, mais de confrontation, de rapport de pouvoir. Il faut composer avec le “non” de l’enfant, qui est structurant. Si l’on entre dans un rapport de forces, on crée une situation relationnelle déplorable, n’aidant pas l’enfant à se structurer. L’homme se façonne au fil des interactions, pour construire un sens moral et acquérir des compétences relationnelles. Les enseignants devraient être formés aux règles de fonctionnement de la violence, réactions en chaîne dont le premier maillon est du registre du conflit. S’il y a surenchère, à un moment donné, l’enfant qui n’a plus de ressource conceptuelle ou verbale va passer à l’acte, alors que l’enseignant est encore capable de raisonner. Les enseignants doivent prendre conscience, impérativement, qu’avec certains élèves, ils doivent s’arrêter, reprendre plus tard, en vis-à-vis. L’enseignant doit résister à son envie de dominer l’élève. JDI : Connaître les règles de fonctionnement de la violence permet de la gérer mieux… E. T.-G. : Et de trouver des stratégies pour que cette violence que chacun porte en soi ait des lieux d’expression, fortement réglementés. Au Canada, dans certaines écoles élémentaires, une petite salle capitonnée permet de décharger l’agressivité, sans culpabilité ! Adultes et jeunes vont hurler quand ils en ont besoin. J’ai connu une maîtresse à Cergy qui avait installé un punching-ball. Elle réglementait son utilisation en fonction du degré d’agressivité des enfants : très énervé = dix coups dans le punching-ball. Se “lâcher” dans un cadre très réglementé permet d’éviter l’explosion de soi. Car le risque est là : l’individu envahi par la violence est aliéné et se met en danger. L’enseignant a aussi besoin de lieux où il peut se décharger, dans les lieux de parole spontanée par exemple. • « Les enseignants devraient être formés aux règles de fonctionnement de la violence. » septembre 2008 - n° 1

Table des matières de la publication Magazine JDI de septembre 2008, n°1620

Couverture
Editorial
Sommaire
- En bref : Les primaires bloguent
- allô docteur ! L’élève menteur
- Une année avec… Une école tout en couleur
Le dossier : Problématique, la violence à l’école
- Entretien avec Édith tartar-Goddet
- Analyse : définir la violence
- Reportage : Quand le travail apaise la violence
- Sommaire des fiches
- Projet La lutte et le respect de l’autre
- Français : Lecture/Écriture
- Mathématiques : Connaissance des nombres
- Découverte du monde : Espace
- Projet : Endiguer la violence
- Français : Grammaire
- Mathématiques : Grandeurs et mesures
- Sciences et technologie : Démarche expérimentale
- Pratiques de classe
- Bloc-notes
Culture Générale
- Débat philo
- Jeunes enseignants | Stage filé
- Pédagogie
- Nouveautés jeunesse
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