Expertises des Systèmes d'information - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - Décembre 2015 - n°408 - 432
doctrine Contrat informatique Le recours à la méthode Agile à l'épreuve des tribunaux Si aucun arrêt n'a été, à ce jour, rendu par la Cour de cassation au sujet du recours aux méthodes Agile pour la gestion de projets informatiques (création et refonte de sites web, développement de logiciels...), la cour d'appel de Paris (Pôle 5 ) a été amenée, au cours de cette année, à se prononcer à plusieurs reprises sur les responsabilités respectives du client et du prestataire dans des projets informatiques qui avaient eu recours à ces méthodes1. L es méthodes Agile (notamment la méthode dite « Scrum »), qui partent du « principe que spécifier et planifier dans les détails l'intégralité d'un produit avant de le développer est contre-productif, et qu'il vaut mieux affiner le besoin au fur et à mesure de sa conception » , sont aujourd'hui fréquemment utilisées dans la gestion des projets informatiques, comme une alternative aux méthodes classiques de conception dites « en V » ou « en cascade ». Elles se caractérisent par une plus grande implication du client au niveau de l'expression de ses besoins et ce, tout au long du projet, dans l'objectif de permettre une meilleure réactivité du prestataire face aux éventuels changements requis pas le client. Alors qu'il y a peu de contentieux de projets de développement en méthode Agile , deux arrêts viennent d'être successivement rendus par la cour d'appel de Paris, respectivement les 3 juillet et 1er octobre 2015 (voir décision p.444) Ces décisions sont l'occasion de faire un point sur le partage des rôles et responsabilités du client et du prestataire dans les projets informatiques ayant recours aux méthodes Agile. Dans la première affaire, la société SET Environnement (SET) a confié au prestataire informatique S.A Française d'expertise informatique et de réalisation (SFEIR) le développement 432 d'un programme informatique de gestion de son activité, sur la base de l'outil informatique métier de SFEIR, dans le cadre d'un contrat signé le 3 octobre 2011. La société SET, considérant que le prix contractuel était forfaitaire et se plaignant de nombreux dysfonctionnements, a refusé de payer des factures. SFEIR l'a donc assignée devant le tribunal de commerce d'Evry qui, par jugement du 13 mars 2013, l'a condamnée à verser à son prestataire la somme de 195.418,82€ TTC et de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, assortissant sa décision de l'exécution provisoire. Le 8 juillet 2013, la société SET a interjeté appel de cette décision et sollicité de la cour d'appel de Paris qu'elle prononce la résiliation du contrat informatique aux torts du prestataire et condamne ce dernier à lui rembourser les sommes au paiement desquelles elle a été condamnée en 1ère instance. Dans cette affaire, les revendications de la société cliente étaient fondées sur des inexécutions contractuelles « classiquement » reprochées par un client à l'encontre de son prestataire informatique : un non-respect des délais et du montant contractuels, une insatisfaction quant à la qualité des prestations, une absence de livraison ou recette du travail, un défaut de visibilité de l'état d'avancement des prestations par rapport aux factures reçues, EXPERTISES DÉCEMBRE 2015 une absence d'évolution du champ contractuel, un manque de ressources compétentes mises à disposition par le prestataire, et enfin, une absence d'information de modification de l'enveloppe globale. Pour sa défense et contester la résiliation aux torts exclusifs réclamée par la société SET, le prestataire SFEIR a pour sa part soutenu qu'elle avait pleinement satisfait à son obligation de conseil et invoqué des arguments eux aussi « classiquement » avancés par un prestataire dans ce type de contentieux : un cahier des charges présenté par le client comme référentiel de l'expression de ses besoins alors qu'il n'était pas un document contractuel et ne pouvait, de ce fait, servir de référentiel pour l'appréciation d'insatisfactions quant à l'outil développé, un contrat qui portait sur la réalisation d'un logiciel spécifique pour répondre aux besoins spécifiques de la société cliente, une facturation en mode régie, l'absence de date précise prévue au contrat pour finaliser le projet et la validation conjointe des évolutions qui ressortait des comptes rendus des comités de pilotage. En plus de ces arguments, le prestataire a également invoqué le fait que le contrat prévoyait un développement « en mode Agile » pour contester les griefs de manquement à son obligation de conseil. Dans la deuxième affaire, la société First caution, société suisse d'assurance,
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