produit de la mer - n°172 - Mai 2017 - 43

Dossier ❘ AQUACULTURE

(1) Increasing Industrial Resource Efficiency in
European Aquaculture

L'aquaponie sous pilote

Serre aquaponique de Morannes en Anjou : maillons indispensables, les micro-organismes décomposent
l'ammoniaque des déjections des poissons en nitrates « bio » utilisables par les plantes.

ascal Goumain a créé Aquaponic Management Project (AMP) en 2010 et
quatre ans plus tard, il reprend Saumon
de France à Cherbourg. En mai dernier, AMP
accueille dans son capital le groupe l'Occitane qui « nous apporte les moyens de notre
ambition », remarque-t-il. À la fois pour diversifier les sites, les espèces et créer une écloserie
à Tourlaville doublée d'une unité de pré-grossissement de smolts qui fonctionnera en aquaponie. » Tout dépend maintenant du feu vert
des autorités pour modifier le plan d'urbanisme. Ce qui peut prendre du temps.
En attendant, Pascal Goumain suit de près
les sites piscicoles où il expérimente l'aquaponie. À la ferme aquacole de Morannes
en Anjou, AMP dispose d'une serre aquaponique pilote associant la pisciculture de
truites, de saumons de fontaine et de carpes
koï avec la production de salades en hiver et
de tomates et de fraises en été. Pour 1,2 kg
d'aliment distribué, la production atteint
environ un kilo de poissons et 4 kg de végé-

turbot et cabillaud associés à la laitue
de mer et l'oursin en Écosse, bar, daurade et mollusques en Méditerranée
(Italie, Chypre, Israël). Parmi les enseignements figurant dans le rapport, l'absence
de licences multi-espèces dans les réglementations des différents pays complique
sérieusement les développements. Autre
contrainte, la production en lanterne
de coquillages et les cultures sur filières
nécessitent des zones abritées alors qu'il
faut un minimum de profondeur pour les
cages à poissons. Par ailleurs, la collaboration avec des stations de recherche s'avère
précieuse pour définir les protocoles d'élevage. Idem entre les éleveurs de poissons
et de coquillages dont les métiers diffèrent.
Outre le regroupement des compétences,
la polyculture génère un surcroît de travail et une rentabilité moindre dans le cas
du saumon par rapport à la monoculture.
L'aquaculture multitrophique génère toutefois des bénéfices induits comme la présence de lompes dans les algues où les
poissons nettoyeurs de poux trouvent un
habitat favorable.
À terre, la polyculture de poissons et
de végétaux, ou aquaponie, s'expérimente depuis des lustres. Les Aztèques
cultivaient des jardins flottants, il y a mille
ans. Les systèmes intégrés riz-pisciculture existent depuis très longtemps en
Asie et en Afrique. La redécouverte, outreAtlantique, de cette polyculture va faire
des émules en Europe, où la recherche y
voit une solution de phyto-épuration. Le
couplage entre l'aquaculture et la production végétale hors sol avec recirculation de l'eau révèle ensuite l'aquaponie
comme modèle de production alimentaire durable. Au-delà de l'effet de mode
qu'elle suscite en ville, l'aquaponie intéresse les aquaculteurs et les horticulteurs.
Plusieurs fermes sont opérationnelles :
Urban Organics aux États-Unis, Urban
Farmers en Suisse, ECF Farmsystems en
Allemagne et la France se lance à son tour
sous l'impulsion du projet Apiva. « Il existe
un foisonnement d'idées autour de l'aquaponie à des fins professionnelles ou de hobby,
observe Aurélien Tocqueville du service
aquaculture de l'Itavi. En jouant sur le circuit
direct producteur-consommateur, la proximité et l'ultra-fraîcheur d'un produit cueilli à
maturité, l'aquaponie urbaine semble la plus
rémunératrice. » ■

taux. Selon les variétés, le pilote obtient 20 à
60 kg de végétaux/m2 et selon les espèces
de poisson, élevées à des densités comprises
entre 10 et 40 kg/m3, la production piscicole
est de 400 kg par an. En Sologne, AMP va
tester cet été, avec le laboratoire Marionnet
spécialisé en sélection végétale, un pilote
de culture verticale de framboises et fraises
avec des truites. « L'expertise est importante
dans les deux métiers, aquatique et végétal.
Les deux activités sont découplées avec une
gestion autonome pour limiter les risques.
L'objectif est de valider que les apports nutritifs
aquacoles sont plus efficaces que les engrais
classiques », précise Pascal Goumain.
AMP prend aussi ses quartiers en ville avec
plusieurs projets de fermes aquaponiques
en Île-de-France et au Havre. Un petit
démonstrateur (100 m2) sera opérationnel
cet été à Vincennes. Beaucoup plus ambitieuse, est l'unité d'un hectare d'AMP prévue à Villepinte sur la zone d'aménagement
de 10 ha dédiée à la construction de la salle
Colisée Arena par le groupe Eiffage. « La
ferme aquaponique, dont les travaux doivent
démarrer à l'été 2018, représente un investissement de 2 millions d'euros. AMP y produira
150 tonnes de poissons et 300 tonnes de fruits
et légumes », prévoit Pascal Goumain. L'avenir dira si l'aquaponie commerciale peut
vivre grandeur nature en France, comme
ailleurs en Europe.
Système vertical testé à Soings en Sologne
chez le sélectionneur Marionnet.

PRODUITS DE LA MER N°172 MAI 2017

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