Capital Privé Magazine - n°2 Décembre 2007 - (Page 81)

decouvertes I buzz I 83 Les collectionneurs sur le divan Être collectionneur, est-ce grave docteur ? C’est une question sur laquelle s’est penché Gérard Wajcman, psychanalyste et écrivain. L’homme connaît bien les collectionneurs. Il les suit et les observe depuis de longues années. Il a même orchestré une exposition il y a quelque temps à la fondation privée la Maison Rouge sur le thème « L’intime, le collectionneur derrière la porte ». sandrine l’herminier « Les collectionneurs vont bien. Ils savent ce qu’ils veulent quand ils se réveillent le matin : trouver un nouvel objet. Leur vie est consacrée à la recherche. Ils ont chacun une histoire et une géographie particulière », argue Gérard Wajcman qui réfute toute pathologie liée à la souffrance derrière cette forme d’addiction. Passion exigeante, obsession… Certainement, admet Gérard Wajcman qui a étudié la nécessité pour certains d’accumuler les objets. « Les collections sont fondées sur la frustration. Dès qu’une collection est complète, elle n’intéresse plus son propriétaire. » Mais, s’il est un trait de caractère commun aux collectionneurs, ce n’est pas l’appât du gain. « Une collection n’est pas seulement associée à l’argent. Ce n’est pas le seul moteur. C’est l’objet qui les intéresse plus que sa valeur », souligne le psychanalyste qui n’hésite pas à battre en brèche certaines idées reçues. Obscur objet de desir Faut-il que collection rime avec passion, voire avec ostentation ? L’art est-il un instrument de prestige ? Il faut examiner l’histoire pour comprendre et interpréter la place et le rôle de l’art dans la société. Dans la Rome antique, les habitants collectionnaient le butin volé aux populations conquises. L’idée de collection était alors condamnable. Un revirement s’opère dès la Renaissance. « La collection n’est plus regardée comme une thésaurisation, ce qui est un péché, mais comme un trait de magnificence, une vertu sociale et publique. Le collectionneur participe à la grandeur de la cité. » Malheureusement, déplore le spécialiste, « nous avons perdu cette notion de puissance. Le grand public regarde avec méfiance le collectionneur ». Car la richesse aujourd’hui n’est plus seulement morale mais sociale. La collection est associée aux dépenses donc à la richesse. Nous sommes dans l’économie de la jouissance. Certains idéaux ont disparu pour laisser la place aux objets, vecteurs d’un certain statut social. Pour mieux comprendre les ressorts psychologiques du collectionneur, explique Gérard Wajcman, il faut regarder ailleurs. Hors des murs et des frontières. « Faire une collection, c’est faire entrer l’ailleurs et l’autre chez soi. C’est inviter les étrangers. C’est recevoir le plus intime de ces étrangers. C’est accueillir chez soi d’autres regards », écrit le psychanalyste… À ce titre, l’image d’Épinal du collectionneur narcissique, replié sur lui-même et sur son patrimoine est erronée. Celui-ci vit beaucoup moins chez lui qu’à l’extérieur. Il est ouvert sur le monde. Il prête ses œuvres à des musées ou à des fondations. « Collection privée ne veut pas dire privé de collection », conclut Gérard Wajcman qui voit dans l’œuvre du collectionneur une œuvre alourdie du désir de l’œuvre.■ Vue de l'exposition “l'Intime, le collectionneur derrière la porte”, présentée à la Fondation la Maison Rouge. Capital Privé Magazine n°2 – Décembre 2007

Table des matières de la publication Capital Privé Magazine - n°2 Décembre 2007

Couverture
Sommaire
Actualites
Sagas
- Alexandra Gauquelin, une quadra très carrée
- Margaret Milan en toute simplicité
Patrimoines
- Focus : Des cours de finance pour jeunes héritiers
- Conseils juridiques et fiscaux
- Quand la défiscalisation fait son cinéma
- Dossier finance
Networking
- Les clubs passions : des réseaux très impliquant
Ils vous rendent la vie plus facile : Les ailes de la liberté
- Le shopping sans stress avec un personal shopper
Une vie tres privee
- Portrait : Laurent Dassault, parcours complet
- Dossier voyage
- Destination hyperluxe
- Passion privée : Paul Kerr à voile et à bicyclette
- Chroniques
- Automobile : petites histoires entre amis
- Gérald Genta : le styliste de l’horlogerie
Buzz : Mobilité
- Futurs
- Découvertes
- Soin de soi
- Sport
Contrepoint : À quoi sert l’investissement socialement responsable ?

Capital Privé Magazine - n°2 Décembre 2007

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