La revue RH&M - N°67 - Octobre 2017 - 64

| LU POUR VOUS |
Par JEAN-MICHEL GARRIGUES, Directeur des Ressources Humaines
et du développement, BLB Associés

GÉOPOLITIQUE
DU MOUSTIQUE
Erik Orsenna & Dr Isabelle de Saint-Aubin - Fayard 2017

C

ertes, l'idée d'illustrer cette
fiche de lecture par un ouvrage sur les moustiques peut
paraître décalée, voire inepte.
Et pourtant, comme l'intitule
le rusé Erik Orsenna, quelles leçons
de vie et de survie pouvons-nous tirer
de ces insectes, pour réfléchir à nos
évolutions et à nos perspectives !

Les injonctions contradictoires
La plupart d'entre nous pensent que
le moustique est nuisible, qu'il passe
son temps à piquer les animaux
vertébrés, au point d'ailleurs d'être
responsable de près de 750.000
décès par an dans le monde.
Dans nos sociétés, du moins occidentales, nous oeuvrons chaque
jour davantage pour la parité et la
diversité, et nous nous méfions trop
souvent, instinctivement, de l'irruption de cultures exogènes, qui nous
semblent inconciliables avec nos
valeurs.
Chez les moustiques, seule la femelle
se nourrit du sang de ses proies. Les
mâles ne servent qu'à la reproduction. Et pourtant elles ne piquent
que pour trouver, dans le sang, les
nutriments nécessaires à leurs œufs
pour arriver à maturité.
Plus globalement, dans le registre
des fléaux universels, on vilipende
les microbes et autres bactéries. Ils
nous rendent néanmoins de fieffés
services : épuration des eaux, production d'énergie, recyclage des
matières organiques, et surtout régu-

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lation de notre corps. Nous voici donc
bien face à des besoins vertueux, qui
nous amènent à reconsidérer l'utilité
globale du micro-monde des êtres
parfois presqu'invisibles. Mais la
cinquième colonne veille...
Les conjonctions fâcheuses
La pique du moustique est douloureuse, mais le plus souvent
inoffensive. Ce sont les parasites,
transmis par la salive lors du contact
avec la peau, qui prolifèrent très rapidement et s'adaptent à leur nouvel
environnement en un temps record.
Car l'espérance de vie très réduite de
ces petits organismes les pousse à devoir évoluer constamment pour se
fondre dans le contexte, ils sont dans
un cycle de vie extrêmement rapide,
surtout en comparaison avec les
rythmes lents de l'espèce humaine.
Qui plus est, le réchauffement climatique amène des nuées d'insectes
dans des zones géographiques
longtemps protégées par le froid,
déplaçant ainsi dans le même mouvement les parasites qu'ils véhiculent.
Ces dérèglements conduisent à la succession de phénomènes extrêmes : à
des sècheresses terribles succèdent
des inondations meurtrières. Or l'eau
est la première matrice des maladies,
surtout lorsqu'elle stagne et ne s'évacue pas.
Les solutions intelligentes
L'histoire de la lutte contre les
moustiques est très instructive :

elle s'appuie beaucoup aujourd'hui
sur les connaissances naturelles des
lieux infestés. Car au fil du temps
se sont imposées des solutions
pragmatiques, dont l'efficience est
aujourd'hui évidente.
Dans les villages, les forêts, les campagnes, partout dans le monde, se
sont développées des pratiques, des
remèdes, des modes de vie, permettant de lutter efficacement contre ces
espèces endémiques. Ce retour aux
ressources de proximité, allié aux
techniques modernes, scientifiques
et médicales, est un facteur d'espoir,
d'autant plus important que le risque
est chaque année plus élevé.
Ce fléau invertébré n'a pas de frontières, de passeport, de contraintes.
Seule l'union des ressources financières et humaines mondiales peut
envisager des réponses appropriées,
loin des enjeux politiques.
En outre, plus nous développons
des moyens d'action, plus les cibles
résistent, mutent, clonent. Nous
devons donc nous remettre en
cause en permanence, faire preuve
d'une incroyable agilité d'esprit et
de comportement, pour ne pas être
constamment dépassés.
Bienveillance, diversité, lucidité,
mondialisation, climat, subsidiarité,
agilité, biotopes, de la géopolitique
du moustique à la gouvernance éclairée des problématiques collectives,
il n'y a donc qu'un pas. Anophèles et
humains, même combat ! Qui l'eût
cru ?
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