La revue RH&M - N°67 - Octobre 2017 - 49

Par ailleurs, dans le domaine de
l'innovation, les organisations
requièrent de pouvoir créer un
environnement où les personnes
se sentent libres d'initier, de faire
autrement... Elles ont besoin d'être
dans un terrain de confiance, qui les
laisse pratiquer le droit à l'erreur, la
prise de risque. Le contrôle se doit
d'être limité. Rien n'indique que
la transparence complète soit de
rigueur. L'innovation la plus expérimentale est d'ailleurs souvent
pratiquée en marge des activités traditionnelles (communément appelé
core business), à la périphérie des
organisations (intrapreneuriat)
voire en dehors (start-ups) pour
préserver un certain cadre de confidentialité ou de liberté. Nous l'appelons la mise sous cloche. Elle permet
aux personnes qui mènent l'expérimentation de limiter la communication extérieure aux intéressés,
au moins dans un premier temps,
pour pouvoir itérer, stabiliser ou
au contraire arrêter l'innovation.
L'opacité en matière de création
a donc quelque chose d'utile voire
de nécessaire. Elle offre un certain
cadre de protection, comme le cadre
de confidentialité.
Dans ce sens, il est intéressant de
voir que la transparence est une
notion relativement nouvelle appliquée à la communication organisationnelle et utilisée au sens de « ne
rien cacher, ne rien dissimuler ».
Par ailleurs, différentes expériences
que nous avons pu menées dans les
organisations ont montré que le travail à distance enlève de la qualité
relationnelle et de la profondeur aux
échanges. Or le présentiel apparaît
comme nécessaire pour entretenir
la qualité des échanges. Alors que
la dématérialisation et l'automatisation se développent, les technologies réinterrogent la place réelle de
l'homme dans l'univers digitalisé. Il
est des domaines comme ceux des
tâches répétitives ou nécessitant

" La transparence est une spirale
vertueuse qui permet de créer un climat
de confiance dans l'organisation pour
faciliter la coopération. "

beaucoup de calcul ou de gestion de
masse d'information qui demandent
une aide des algorithmes et de l'intelligence faible. Il est également
des domaines où le robot sera plus
efficace que l'homme. Pour autant,
l'interface numérique ne pourra
remplacer l'homme sur tous les
fronts, c'est particulièrement vrai
dans les services de proximité ou
de services à la personne. Le remplacement du travail de l'homme
par la machine intègre une part de
subjectivité importante à la fois,
psychologique, selon les personnes,
mais aussi culturelle.
De même, la surcharge informationnelle peut brouiller la communication en la rendant inefficace.
Pour certains jeunes interviewés
« les outils numériques pénalisent
les gens qui ont du mal à faire du
multi-tasking. » Les technologies
numériques demandent une certaine forme de rigueur et d'autres
formes d'organisation pour être efficaces. Nous avons remarqué que ce
sujet commence tout juste à interpeller les organisations. Certaines
étudient le droit à la déconnexion
comme Atos ou Orange, d'autres
appellent à limiter le volume
d'emails ou à favoriser d'autres ressorts communicationnels comme
le téléphone, les réseaux sociaux
internes ou les instant messageries.
Mais cela ne suffira probablement
pas. Le flux croissant d'informations nécessite une approche spécifique pour prendre en compte le

volume d'information exponentiel,
la nécessité de gérer les flux sans
pour autant nous déresponsabiliser, nous en remettre uniquement
aux algorithmes et à l'intelligence
artificielle.
La surcharge informationnelle participe aux enjeux éthiques de transparence communicationnelle au
sens où elle peut favoriser un certain
prisme informationnel, une vision
totalitaire de l'information car trop
descendante ou monopolistique,
un manque de recul et de prise en
compte des sources d'information,
des recoupements et de temps pour
l'analyse des informations. C'est ce
caractère aliénant qui est décrit par
Hartmut Rosa et constitutif selon
lui de l'accélération au sens de critique sociale 3.
L'accélération nécessite d'être
conscientisée et prise en compte par
l'organisation à un triple niveau :
par l'institution en tant que corps
social, par ses dirigeants et par
l'ensemble des collaborateurs. Elle
appelle un esprit critique, une forme
de dialogue, une confrontation des
paradigmes et des points de vue
sans pour autant chercher un compromis envers et contre tout.

1. Comprendre les risques Ressources Humaines, Gereso, 2017,
Dufour N., Abdel B.
2. François Dupuy, Lost in management, Seuil, 2011.
3. Harmut Rosa, Aliénation et accélération, vers une théorie critique
de la modernité tardive, La découverte, traduit de l'anglais (2014),
édition originale (2010).

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