La revue RH&M - N°67 - Octobre 2017 - 46

RECHERCHES ACADÉMIQUES

BONHEUR AU TRAVAIL, BONHEUR
PAR LE TRAVAIL

es liens entre le bonheur
et le travail suscitent un
intérêt croissant qu'illustrent l'apparition de
"chief happiness officer" dans les entreprises
et la multiplication d'articles, conférences et
ouvrages consacrés au « bonheurisme ». Trois principales
questions mobilisent les chercheurs en GRH : Quels sont les
impacts du bonheur au travail
(BAT) sur l'engagement des
salariés et la performance de
l'organisation ? Quels sont les
déterminants du BAT et les
politiques et pratiques RH pour
le développer ? Le travail luimême est-il créateur de bonheur (bonheur par le travail) et
dans quelles conditions ?
L'emploi du mot "bonheur" ne fait
pas l'unanimité dans le cadre professionnel. Les chercheurs comme
les DRH utilisent les notions de
« bien-être au travail » et de « qualité de vie au travail » plutôt que
celle de « bonheur au travail »,

plus délicate à définir et à opérationnaliser. Selon le fichier central
des thèses, un seul projet de thèse
en sciences de gestion, déposé fin
2016 à l'université de Poitiers par
Isabella Tater, l'aborde explicitement : « Quel lien entre bonheur
au travail, engagement professionnel et performance? Approche en
sciences de gestion ».
Bonheur au travail, facteur de
performance ?
« Le bonheur au travail », documentaire de Martin Meissonnier
sur Arte en 2015, a popularisé cette
idée en s'appuyant sur quelques
exemples d'« entreprises libérées ».
Si les recherches sur le lien entre le
sentiment de bonheur au travail et
la performance sont encore rares
en France, du fait notamment de
la difficulté à construire une échelle
de mesure valide du BAT, celles sur
le lien entre bien-être au travail,
engagement et performance au travail font généralement ressortir un
impact positif..
Le bonheur étant défini comme
« un état durable de plénitude, de

JEAN-MARIE PERETTI,
Professeur à l'ESSEC Business School
et Titulaire de la Chaire ESSEC du changement

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satisfaction ou de sérénité, d'où la
souffrance, le stress, l'inquiétude et
le trouble sont absents», il faut créer
des outils pour mesurer ces différents termes. Cependant, les composantes du sentiment de bonheur
au travail sont proches de celles du
bien-être au travail et des échelles
de mesure communes peuvent être
utilisées.
Dans un article intitulé « Happiness and Productivity » publié
dans le Journal of Labor Economics, en février 2014, A. J. Oswald,
E. Proto, et D. Sgroi, chercheurs
de l'université de Warwick (UK)
ont présenté une recherche expérimentale montrant que le fait d'être
heureux augmentait la productivité
de près de 12%. D'autres études,
essentiellement nord-américaines
font ressortir que les salariés « heureux » sont moins malades, moins
absents, plus loyaux, plus productifs
et plus créatifs.
Conscient de l'impact positif du
BAT sur la performance, les organisations souhaitent identifier les
leviers sur lesquels agir pour rendre
plus heureux au travail leurs salariés.
Les déterminants du bonheur
au travail
Les déterminants du bonheur au
travail peuvent être environnementaux, sociodémographiques et individuels. La plupart des recherches
sur les déterminants du sentiment
de BAT adaptent les modèles de
Karazek et de Siegrist concernant
le stress au travail. Karasek étudie

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