La revue RH&M - N°76 - Janvier 2020 - 56

| LU POUR VOUS |
Par JEAN-MICHEL GARRIGUES, Directeur des Ressources Humaines
et du développement, BLB Associés

LE MONDE QUI VIENT
Christophe Victor - Plon (2019)

N

ous voici de retour
dans une thématique
d'actualité, autant économique que sociétale.
Le livre est sous-titré :
« comment reprendre
le contrôle sur les technologies  ».
L'auteur, ancien Directeur Général
des Echos et cofondateur de Viva
Technology, nous offre le grand mérite
de la critique constructive, de l'observation éclairée, une approche typique
de journaliste (qu'il n'est pas), qui décrit, qui explique, qui apprécie.
1 - Un quotidien accéléré
Loin des affrontements virulents
entre tenants et opposants de sujets
modernes (l'intelligence artificielle,
l'entreprise libérée, l'omnipotence
des réseaux sociaux, notamment), cet
ouvrage dresse un constat clinique de
l'existant : comprendre les révolutions
technologiques, et identifier leurs impacts sur l'homme, dans toutes ses
composantes  : citoyen, travailleur,
consommateur, etc...
Il illustre l'impact quotidien de ce
nouvel existant en prenant l'exemple
d'une famille imaginaire, qui en
quelques pages, au début de chaque
chapitre, voit son univers évoluer au
fil du progrès collectif, et, parfois,
de la régression individuelle, quand
par exemple un banquier sexagénaire subit le remplacement de son
travail par des outils numériques
hyper-performants, non seulement
dans la technique mais aussi dans le
conseil. En effet, le développement

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considérable des nanotechnologies,
des biotechnologies, du cognitivisme
et bien sûr de l'informatique, accroît
tellement vite le champ des possibles
que même la prospective se trouve régulièrement rattrapée par la réalité, et
ce qui apparaissait encore comme de
l'utopie visionnaire voici quelques années est déjà dépassé par les nouveaux
existants.
2 - Une éthique bousculée
Certes, chacun peut approuver ou
refuser une vision économique du
progrès, des bouleversements de l'organisation interne des entreprises aux
incertitudes grandissantes nées de la
mondialisation des échanges. Leurs
impacts sur la vie des populations
mondiales sont évidemment majeurs
et amplement commentés. Mais les
perspectives morales sont encore plus
bouleversantes, car elles ébranlent
la conception même de notre propre
pensée, de la génétique sélective à la
banalisation des faits alternatifs, de
l'émergence de l'homme augmenté à
l'inexorable déclin des autorités traditionnelles (politiques, monétaires,
intellectuelles).
Le risque de cette tendance est évidemment prégnant : pour la première
fois, le perfectionnement toujours
progressif de l'humanité est remis en
question, la dynamique née de l'accélération technologique semble ne
plus être maîtrisable. L'incertitude
crée l'angoisse, d'autant plus dommageable dans un environnement de plus
en plus incertain.

3 - Une raison d'être retrouvée
Comme souvent en période de troubles,
les tendances sont contraires : soit
un repli sur soi, vers des modes de
cohabitation communautaire et de
consommation autosuffisante, soit une
accentuation du rythme actuel, vers un
progrès définitivement libéré des régulations qui le ralentiraient. L'auteur
évoque une troisième voie, ne reniant
rien de l'essentiel des deux extrêmes :
rester dans la course à l'innovation,
bien sûr, comme un vecteur de croissance (dans une vision mondiale),
comme une solution à la protection
de l'environnement, en favorisant
une consommation critique, en agissant sur une fiscalité incitative, en
accompagnant les individus victimes
des transformations.
Reprendre le contrôle des GAFA (des
ressources, des marchés, des datas,
des algorithmes), refonder le pacte citoyen (social, démocratique, européen,
éthique), préserver les piliers d'un
monde libre (éducation, formation, information, art et culture), constituent
des objectifs essentiels pour construire
un monde équilibré.
Comment ne pas partager cette vision
résolument optimiste ? Mais comment
aussi ne pas voir les considérables
conditions de cette réussite collective, à commencer par retrouver un
sens commun partagé et ambitieux ?
L'auteur lui-même laisse au lecteur
son entier libre-arbitre, en proposant
sur son blog (www.aliafutura.com)
une bibliothèque des «  épilogues
moins favorables...»
http://www.aliafutura.com
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