La revue RH&M - N°66 - Juillet 2017 - 9

LE GRAND ENTRETIEN
grosso modo jusqu'en 2003. Récemment, nous avons connu deux évolutions majeures.
En premier lieu, la prise de conscience que le digital transforme
profondément l'activité. C'est ce
que nous observons déjà autour de
nous avec Airbnb, l'ubérisation, les
online travel agents (comme Expedia, booking.com) qui ont pris un
poids considérable sur l'activité
hôtelière. Ainsi qu'une autre dimension très importante : celle prise par
Trip Advisor, où le client est le média
principal et le prescripteur de son
acte d'achat.
Deuxième évolution qui provient
d'un véritable « déclic » que j'ai
eu lors d'une discussion avec Guo
Guangchang, le président de Fosun
au cours de laquelle il m'a confié
que le digital mobile tendait à être
le facteur majeur de transformation.
A un moment où nous étions plutôt
centrés sur les ordinateurs (deskstop), j'ai alors réalisé qu'il fallait que
nous nous transformions rapidement
dans ce sens pour ne pas subir cette
évolution.
Nous avons travaillé avec deux
cabinets spécialisés dans l'organisation et le digital, et nous leur avons
demandé un diagnostic de notre
existant d'alors et une proposition
sur le modèle d'organisation à mettre
en place. Dans un monde digital où
il s'agit d'aller vite, d'être réactif et
proactif, nous devions sortir des
méthodes classiques et être innovants. Nous avons décidé de mettre
en œuvre la méthode agile « test
and learn », de regrouper les fonctions touchant ces sujets (marketing,
digital et systèmes d'information) et
avons placé le Comité de Direction
Générale (codir) au cœur de notre
système de management.
Comment et en quoi le CoDir
a été remis en question dans
une stratégie de digitalisation
de l'entreprise ? Et quel a
été son rôle, globalement ou
individuellement, dans le
déploiement de cette stratégie ?

" Dans un monde digital où il s'agit
d'aller vite, d'être réactif et proactif,
nous devions sortir des méthodes
classiques et être innovants. "
Le Club Med a vécu deux transformations fondamentales. Une première,
que j'ai initiée avec le codir de l'époque, a été la montée en gamme. Une
transformation extrêmement lourde,
parfois douloureuse (avec la fermeture de soixante-cinq resorts ne pouvant être montés en gamme) et un
investissement très important puisque nous avons investi plus d'un milliard et demi d'euros sur la période
pour refondre notre parc de resorts.
Un immense travail a été accompli et
les premiers résultats ont été engrangés en termes de résultat, d'amélioration de la prestation et d'image.
Au moment de la crise financière
de 2008 avec ses répercussions sur
notre activité (et notamment sur nos
marchés « matures »), j'ai réalisé
qu'il fallait franchir une deuxième
étape. L'enjeu était majeur : celle de
l'internationalisation du Club Med
afin de ne pas être dépendant des
seuls marchés français et européens
mais au contraire répartir les risques en ayant des clientèles venant
de différentes parties du monde. J'ai
aussi pensé, avec le conseil d'administration, qu'il était opportun que
Club Med ait un actionnariat solide
et de long terme. Nous avons lancé
une OPA amicale avec nos deux principaux actionnaires de l'époque, Axa
Private Equity et Fosun. Ralentie par
l'inadaptation de la réglementation
boursière française, par des fonds
spéculatifs puis par une bataille avec
un investisseur financier, cette OPA
a été la plus longue de la place de
Paris. Et a finalement conduit Fosun
à devenir seul le leader de ce projet.

Le plus remarquable dans cette
bataille qui a été une véritable
épreuve, a été la solidarité du Codir,
de la direction générale et des business units. À deux reprises, la quasi-totalité des membres des codir et
des chefs de villages ont publiquement pris position pour soutenir
ce projet alors que la bataille était
homérique, incertaine et comprenait
de nombreux risques.
Est-ce que votre Codir a
été modifié (constitution,
fonctionnement, innovation,
répartition géographique
dans le monde) ? Sur quel(s)
critère(s), valeur(s) les
membres du CoDir sont-ils
choisis ?
Je n'ai pas eu à le modifier par rapport à son attitude et à son comportement qui ont été irréprochables.
Le message que j'ai entendu venait
de l'extérieur et il a résonné à l'intérieur : le besoin de changement. Une
entreprise, c'est un corps vivant. Elle
doit constamment se réinventer, se
renouveler, et pour cela, soit on
change les dirigeants, soit les dirigeants se changent eux-mêmes pour
mettre en œuvre les projets de changement. Dès la fin de l'OPA, nous
avons ainsi lancé notre projet d'entreprise « GO for chanGE ». Dans ce
cadre-là, il fallait aussi que le codir
évolue. Cela s'est fait notamment à
travers la création d'une nouvelle
fonction, global Marketing Digital
and Technology (gMDT), le regroupement de deux fonctions existantes.
La première est celle du marketing

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