ParaMag - n°336 - Mai 2015 - 28

AVENTURE

Raphaël devait aller à la rencontre de Xavier
et Mario juste après le posé, à chaud.
Sylvain raconte : "Les deux premières
grosses sensations furent la claque que
l'on prend en quittant l'Iliouchine et le froid
ressenti. La température d'impact en sortie
était de -110 degrés. Cette équation tient
compte de la température ambiante associée au refroidissement engendré par la vitesse de sortie. Ce fut ensuite un spectacle
hallucinant et une atmosphère quasi cosmique dans un vaste ciel bleu profond,
dans une lumière rasante, froide et feutrée
à la fois.

Nous étions au-dessus du néant, d'une
vaste plaque blanche sans référence
visuelle qui s'étalait au-delà d'un horizon à
360 degrés. En chute, la température
oscillait entre -80 et -60 degrés.
La vive sensation de froid ressentie en
sortie avait disparu, mais j'étais certainement anesthésié par l'adrénaline
et le spectacle fascinant qui m'entourait.
J'ai fait plusieurs tours sur moi-même à
360 degrés afin de m'imprégner de cette
vision unique que le temps de chute allait
bientôt m'enlever. J'avais une cinquantaine
de secondes pour "halluciner". Engoncés
dans nos vêtements, la tête et le visage
bien protégés, il m'était impossible de savoir où en était mon passager dans le vécu
de ce moment intense en chute. Puis ce
fut le moment de l'ouverture, plus haut
qu'un saut tandem normal afin que Mario
et moi ayons la certitude de pouvoir nous
rapprocher."

Sous voile
et posés au pôle

Après l'ouverture, les deux pilotes tandem
contrôlèrent si tout allait bien pour leur
passager. Xavier avait parfaitement su
gérer le problème avec sa prothèse
en parvenant à la remettre en place.
Voile ouverte, la température était
de -40 degrés.
Pour Mario et Sylvain, la priorité était
maintenant la sécurité. Hors de question
que quelqu'un se fasse mal au posé,
car il n'y avait rien au sol pour
les premiers secours.

Mai15:336
paramag.fr

Les deux pilotes prirent en compte les
premiers paramètres pour se poser
correctement, c'est-à-dire la direction
et la force du vent. Tout en bas, les parachutes des trois palettes de matériel étaient
couchées sur le sol et leur indiquaient
déjà la direction du vent. Celui-ci soufflait
assez bien pour un posé confort, soit 8 à
10 mètres/seconde. S'il avait été plus fort,
le posé et la suite auraient été plus
difficiles. Il n'y avait aucune référence
visuelle pour que Mario et Sylvain
analysent réellement leur hauteur
et l'aspect de la zone de posé.
Une très fine robe de brume était à fleur
de glace et cela rendait l'analyse
visuelle d'autant plus difficile pour les
pilotes qui devaient donc se fier principalement à leur altimètre.

Pour s'engager dans l'approche finale
et pour le posé, la consigne était de ne pas
regarder seulement l'axe d'atterrissage présumé, mais également sur les côtés afin
d'avoir une meilleure analyse de l'aspect
du sol, et de déceler les dômes formés par
la neige ayant recouvert les blocs de glace.
La lumière rasante montrait ainsi de façon
plus évidente les ombres de ces obstacles
naturels et arrondis se confondant avec le
sol blanc. Ces obstacles ne pouvaient pas
être balisés en amont par l'équipe des
Russes sur place depuis quatre jours.
En effet, l'épaisse glace de l'Arctique est
vivante, elle bouge constamment et sa surface peut se modifier en quelques heures.
Pour Mario, Sylvain et leurs passagers,
l'atterrissage s'est effectué en douceur
grâce à la présence d'un vent modéré
bien installé. Les deux tandems se posèrent côte à côte. "Nous avons pu partager
immédiatement nos émotions, raconte
Sylvain. Malgré l'équipement qui cachait
nos visages sans pouvoir montrer nos
expressions radieuses, nous avons partagé

Photo ci-dessus
Sous voile, 40 degrés en dessous de zéro,
ça pique aux yeux ! Mario se dégage le visage
quelques instants pour la photo.
Photo Mario Gervasi - Les pôles de l'espoir
Photo ci-dessous
Le camp de base était constitué de trois tentes
pour un minimum de confort,
avec un indispensable poêle à pétrole dans
chacune, pour la survie de tous.
Photo Raphaël Gues - Les pôles de l'espoir

ce moment dans l'euphorie, en sautant
et criant notre joie, nous prenant dans les
bras, tellement heureux d'avoir fait ensemble ce saut extrême sur le toit du globe."

Camp de base

Avant d'être récupérée, l'équipe devait
séjourner deux jours au camp de base,
ce qui donnait aux Russes le temps de
préparer une piste d'atterrissage avec les
chenillettes afin que l'Antonov prévu puisse
procéder à la récupération de l'équipe.

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