Repères - N°43 / Octobre 2019 - Le magazine de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 15

DOSSIER
© Caroline Simonucci/Médiathèque IRSN

de forme chimique de l'iode interviennent ?
Les recherches sont nécessaires pour comprendre l'impact des rejets radioactifs sur
l'homme et l'environnement.

La canopée ralentit l'iode
Autre volet du programme de recherche sur
la dispersion des radionucléides dans l'environnement2 : les forêts. Frédéric Coppin, spécialiste des milieux terrestres à l'Institut, travaille avec l'Agence nationale pour la gestion
des déchets radioactifs (Andra), qui étudie
900 km² de nature dans la Meuse et la HauteMarne, aux abords de son projet de stockage
profond. Les sites forestiers du réseau Renecofor3 et les données collectées depuis 1992
sont mis à la disposition de l'équipe par
l'Office national des forêts (ONF).
Des centaines de mesures ont été réalisées
pour mieux comprendre des transferts
d'iode entre l'arbre et l'environnement. En
l'absence d'iode radioactif, les experts ont
mesuré l'iode stable, dont le comportement à
long terme est similaire. Ces travaux comprennent l'analyse des arbres, des sols et des
eaux de pluie, facteur exogène d'apport
d'iode important, surtout près des côtes.
L'équipe a ensuite projeté ses résultats dans
des modèles qui restituent le fonctionnement
des hêtres, espèce choisie comme témoin.
« L'iode n'est pas essentiel à la vie des végétaux, mais ces derniers peuvent le véhiculer,
dissous dans l'eau, explique Frédéric Coppin. Pour les arbres, l'iode présent dans le
sol est principalement accumulé dans les
racines. Cela signifie que celui trouvé sur
les feuilles vient de l'atmosphère, essentiellement sous la forme de dépôts secs. » La
canopée4 joue un rôle de ralentisseur mais
l'iode finit par rejoindre le sol, lessivé par la
pluie, ou lors de la chute des feuilles. « Les
retours à l'atmosphère seraient ensuite très
faibles », précise le spécialiste.
Le sol forestier jouerait donc le rôle
d'éponge. L'équipe de Frédéric Coppin s'intéresse maintenant à la caractérisation de la
matière organique que l'on peut y trouver.
Liée à l'iode, elle peut accroître sa solubilité
et le rendre plus facilement mobilisable par
les plantes ou par ruissellement des eaux
superficielles ou, au contraire, le stabiliser. n
1. S ortie hors de l'eau.
2. P rogramme Amélioration des modèles de prévision

de la dispersion et d'évaluation de l'impact des
radionucléides au sein de l'environnement (Amorad),
lancé en 2013.
3. R éseau national de suivi à long terme des écosystèmes
forestiers
4. É tage supérieur de la forêt, celui des feuilles.

Une fosse de sol est dégagée pour étudier les
transferts des radionucléides dans les écosystèmes
terrestres.

AILLEURS

Des réseaux de surveillance

anvier 2017 : une présence anormale
d'iode 131 sous la forme d'aérosols
est détectée dans l'atmosphère
par plusieurs stations européennes de
surveillance. Ces bases communiquent
entre elles dans le cadre d'un réseau
informel, le « Ring of Five1 ». À partir
des données échangées, l'IRSN fait
« tourner » ses modèles pour reconstituer
le parcours des masses d'air et évaluer le
terme source. Ses experts remontent
jusqu'à une usine radiopharmaceutique
proche de Moscou (Russie). Celle-ci
n'a pas dépassé ses autorisations
de rejet : un dense couvercle nuageux
a empêché les polluants de se disperser
en altitude et des conditions
anticycloniques les ont rabattus sur
l'ouest de l'Europe.
« Ces conditions s'observent fréquemment
en janvier, février ou mars, explique Olivier
Masson, chercheur en environnement.
Des événements similaires s'étaient déjà
produits et se sont reproduits depuis. »
En situation normale d'exploitation,
les usines qui produisent les traitements
radioactifs contre les cancers ont des
autorisations de rejets très supérieures
à celles des réacteurs de production

d'électricité. Ces rejets ne sont pas
pour autant dangereux pour la santé.
Géré par l'IRSN, l'Observatoire permanent
de la radioactivité de l'atmosphère
(Opera) surveille les niveaux des
radionucléides dans l'air ambiant, à l'aide
d'une quarantaine de stations de
prélèvement fonctionnant 7 jours sur 7.
Entre 2015 et aujourd'hui, elles
ont été équipées de turbines plus
puissantes. L'IRSN s'est également
doté de détecteurs plus sensibles.
Le résultat de ces améliorations s'est
traduit par une augmentation de
sensibilité d'un facteur 10 pour les
aérosols. Un nouveau filtre à charbon
vient d'être testé et les rendra bientôt
35 fois plus sensibles aux formes
gazeuses.
Des réseaux de prélèvement dans les
milieux marins, terrestres et en eau douce
complètent ce dispositif d'observation.
1. Créé en 1983 par des experts de cinq États du nord
de l'Europe, le réseau réunit aujourd'hui 25 pays.

Pour en savoir plus :
www.irsn.fr/iode-2017

Page 15 - Repères N° 43 - octobre 2019

http://www.irsn.fr/iode-2017

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