Repères - N°43 / Octobre 2019 - Le magazine de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 13

DOSSIER
sur les accidents graves5. Il sert à simuler les scénarios d'accident, pour la plupart des types de réacteurs,
jusqu'au calcul du terme source, par grands types
d'espèces.
« La modélisation de la catastrophe de Fukushima a
donné des résultats cohérents avec les rejets enregistrés dans les premiers jours, précise Frédéric Cousin,
responsable des évaluations de terme source avec ce
logiciel. En revanche, elle n'a pas rendu compte des
rejets chroniques qui ont suivi, probablement dus à des
phénomènes de remobilisation des dépôts dans l'enceinte et le circuit de refroidissement. C'est l'un de nos
axes d'amélioration. » Du fait de sa complexité, Astec
met plusieurs jours pour livrer son verdict. Pour
les situations de crise, il est simplifié pour livrer des
résultats très rapidement (voir reportage page 16).

WEBMAGAZINE

INFOGRAPHIE
Comprendre le
fonctionnement
d'un filtre à sable
www.irsn.fr/R22

L'influence de la lumière du soleil

Une fois expulsé hors de l'enceinte, comment l'iode
se comporte-t-il ? Outre les estimations du terme
source dérivées d'Astec, les codes de crise intègrent
des modèles météorologiques pour prévoir où et
quand il va se déposer, en fonction des conditions de
vent ou de précipitation.

Benoît Marcillaud, technicien,
devant des caissons contenant
des filtres à aérosols associés
à des pièges à iode.

Améliorer les filtres à sable

es filtres à sable des réacteurs français n'ont pas de propriété particulière de rétention de
l'iode organique. Il serait possible d'augmenter leur rendement de filtration en y en ajoutant
des pièges à iode constitués de matériaux poreux. » Chercheuse à l'IRSN, Céline MonsanglantLouvet est responsable de PERSÉE1, un banc d'essais qui reproduit les conditions de
température, de pression et d'humidité caractéristiques du fonctionnement normal ou
accidentel d'installations nucléaires. L'accident de Fukushima a rappelé l'importance
des systèmes d'épuration des effluents gazeux. Après l'évaluation de dispositifs équipant
la ligne de dépressurisation de l'enceinte de confinement des réacteurs en cas d'accident
grave, les recherches se poursuivent sur les pièges à iode au charbon actif des réseaux de
ventilation des installations nucléaires. Elles ont confirmé l'impact de l'humidité de l'air sur
leur efficacité de piégeage de l'iode organique, considéré comme la forme chimique la plus
pénétrante. (Voir l'infographie sur le webmagazine : www.irsn.fr/R22.)
1. Plateforme expérimentale de recherches sur l'épuration des effluents radioactifs.

Les mesures effectuées par les réseaux de surveillance
des radionucléides dans l'air ont permis d'établir
la distribution de l'iode entre les formes gazeuses
- moléculaires et organiques - et les aérosols. Ses
transformations physico-chimiques dans l'atmosphère restent toutefois mal connues. Pour produire
par exemple les cartes de dépôt qui vont déterminer les décisions de restriction de consommation
des denrées agricoles, les codes font « comme si » les
espèces demeuraient sous une forme immuable, une
fois sorties de l'enceinte.
« Nous savons que la lumière du soleil stimule la modification de la spéciation, notamment de l'iode moléculaire. À partir d'une certaine distance - importante
- du point d'émission, le rapport entre l'iode gazeux et
l'iode sous forme d'aérosols se stabilise entre 3/5e et 4/5e
en faveur des espèces gazeuses, résume Olivier Masson, chercheur en environnement à l'IRSN. Or c'est
à proximité du point d'émission, là où l'iode est le plus
concentré, que nous avons besoin de comprendre sa
répartition entre les trois espèces principales et les transformations qui s'opèrent. » S'il est davantage présent
sous forme d'aérosols, la dose reçue en cas d'inhalation est réduite, car cette forme pénètre moins facilement dans les poumons.

Des filtres plus sensibles
Pour la surveillance de l'environnement, un brevet a
été déposé pour un nouveau modèle de piège à charbon pour l'iode gazeux organique, le plus difficile à
retenir, donc à détecter. Ce filtre est monté sur un dispositif à grand débit pour y faire passer 100 m³ d'air
par heure, contre 3 à 5 sur les stations actuelles.
Les premiers tests ont été réalisés à proximité de
l'usine de La Hague (Manche) pour suivre la concentration d'un autre isotope, l'iode 129. « Ses niveaux
sont très bas, sans danger pour la santé, explique Olivier
Masson. En travaillant sur ce type de rejets - autorisés
et connus - avec des dispositifs placés à des distances
variables de la source - par exemple 2, 5, 10 et 50 kilomètres -, nous devrions comprendre les changements
entre espèces selon les conditions extérieures. » Les phénomènes quantifiés pourraient alors être transposés
aux situations de crise et intégrés aux codes de calcul.
Autour de l'iode, l'étau continue à se resserrer... n

Dossier du prochain numéro :

Contamination par l'iode
et protection des populations
À la suite d'une exposition à l'iode radioactif,
la dose à la thyroïde varie selon la forme chimique,
le mode de contamination et le métabolisme
des personnes concernées.
Pour optimiser leur protection, les experts santé
conduisent de nombreux programmes pour
améliorer sa mesure, préventive et rétrospective.

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