Expertises des Systèmes d'information - Mars 2022 - N°477 - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - 83

EDITOR IAL
LA COURSE AU MÉTAVERS
En révélant en octobre dernier son projet de métavers, Facebook devenu
Meta a mis en lumière mais a aussi accéléré les grandes manœuvres
autour de la création de ces mondes virtuels en 3D, où les utilisateurs
peuvent interagir entre eux et modifier leur environnement. Si l'on pouvait
se demander si ce monde immersif était un concept marketing ou une
extrapolation dans le futur des pratiques déjà à l'œuvre dans le web, la
course contre la montre aux dépôts de brevets et de marques constitue
aujourd'hui un indicateur d'une réalité en cours de s'imposer.
Les dépôts de brevets à l'US Patent Office en matière de métavers ou de
réalité virtuelle se multiplient, et spécialement à l'initiative de Facebook.
Bien sûr, le réseau social n'a pas inventé le métavers ; des jeux comme
Roblox ou Fortnite en sont déjà. Il mise toutefois sur la création d'un monde
immersif, pour donner à l'entreprise un nouveau souffle, L'utilisateur, via
son double parfait, se verra ainsi proposer des publicités personnalisées
en réalité augmentée. Pour gagner son pari, il investit massivement. Et
les brevets font partie de cette stratégie. En 2019, Facebook a déposé de
très nombreux brevets dont la plupart portent sur des outils d'analyse et
de reproduction des expressions humaines : des mouvements des pupilles
aux postures du corps en passant par les froncements de sourcils ou du
nez. Ainsi plusieurs technologies utilisent les données biométriques des
utilisateurs afin de leur permettre de voir ou de sentir de manière réaliste
ce que leur avatar perçoit. Selon une analyse du New York Times, les
brevets indiquent également comment Meta compte tirer profit de son
monde virtuel, avec une publicité hyper-ciblée et un contenu sponsorisé.
Meta est loin d'être le seul à déposer des brevets. Apple qui a fait plusieurs
demandes de brevets vient de voir accorder par l'US Patent Office un
nouveau titre qui porte sur des techniques permettant d'améliorer
l'expérience d'un utilisateur entrant ou sortant d'un environnement
de réalité virtuelle. De même à la fin du mois de décembre, la demande
de brevet de Disney relative à un « simulateur de réalité virtuelle » a été
acceptée. Elle porte sur la simulation d'un monde numérique augmenté de
ses parcs à thème.
Côté utilisateur, le métavers suscite de nombreux dépôts de marques.
Ainsi aux Etats-Unis, McDonald's a procédé à dix demandes de dépôt
portant notamment sur « l'exploitation d'un restaurant virtuel proposant
des produits réels et virtuels » et sur « l'exploitation d'un restaurant virtuel
en ligne proposant la livraison à domicile ». D'autres grandes entreprises
comme Adidas, Nike, Walmart, Carrefour Balenciaga, Gucci ou Gap ont
également commencé à établir une présence dans le métavers avec leurs
propres marques déposées.
Le métavers suscite aussi des transactions et des achats. Ainsi après
Carrefour, c'est au tour d'Axa d'annoncer l'acquisition d'une parcelle
de « terrain » dans The Sandbox, un jeu vidéo de type bac à sable. Quid
du statut juridique de cet achat d'espace ? Comme internet à ses débuts,
le métavers suscite de nombreux questionnements juridiques. Qu'en
est-il de l'interopérabilité entre univers différents et concurrents, de la
responsabilité de l'opérateur de l'univers virtuel, du droit du travail, de la
localisation, des agressions physiques, de la propriété des biens virtuels,
de la protection des données personnelles et de la vie privée, et de toutes
celles auxquelles nous ne sommes pas encore confrontées ?
L'UE, championne de la régulation, ne s'est pas encore emparée du sujet.
Mais Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne,
lors d'un événement en ligne organisé par des journaux allemands,
a expliqué que la Commission avait besoin de mieux comprendre ce
nouveau monde numérique avant de pouvoir décider de la façon de le
réguler. « Nous commençons à analyser quel sera le rôle d'un organisme
de régulation, quel est le rôle de notre législation », s'est-elle contentée de
déclarer. Peut-être un jour un Metavers Act ?
EXPERTISES MARS 2022
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Expertises des Systèmes d'information - Mars 2022 - N°477 - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia

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