Expertises des Systèmes d'information - Juillet/Août 2021 - N°470 - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - 262

INTER VIEW
Et par rapport au brevet ?
On peut tout à fait déposer des brevets et faire de
l'open source. Une question importante est de
savoir si l'on peut distribuer un logiciel sous une
licence open source et déposer un brevet. Rien
ne l'interdit. En revanche, si quelqu'un utilise
de bonne foi le logiciel que vous avez distribué
sous open source, vous ne pouvez pas l'attaquer
avec votre brevet parce qu'il a le droit de le faire
tant qu'il respecte la licence. Toutefois, le brevet
peut être utile pour vous protéger contre des
personnes qui réécriraient le code, par exemple,
pour échapper à la licence open source. Si le logiciel
réécrit a les mêmes fonctionnalités et que ces
fonctionnalités sont protégées par le brevet, alors
vous pouvez l'attaquer sur cette base. On peut
citer le cas de Microsoft qui est actuellement l'un
des plus gros contributeurs dans le domaine de
l'open source et qui dépose beaucoup de brevets.
On peut avoir certains projets dédiés au brevet et
d'autres à l'open source, ce n'est pas incompatible.
Pour revenir à l'IA, qu'en est-il des créations
qu'elle génère ? Quid de leur brevetabilité ?
Prenons un exemple : je veux créer une chaise
très légère et très résistante à partir d'un modèle
génératif qui génère une chaise qui remplit
ces critères. Je peux éventuellement chercher
à protéger les caractéristiques de la chaise par
brevet. Si, de façon générale, mon modèle génère
un objet ou un mécanisme particulier, ce résultat
de l'IA peut éventuellement être
protégeable par un brevet.
Pourtant il n'y a pas de caractère
inventif ?
Si, il peut être inventif à partir
du moment où cela résout un
problème technique. Si, par
exemple, le mécanisme généré par le modèle
d'IA permet d'obtenir une plus grande résistance
mécanique ou thermique, ce mécanisme
particulier remplit un effet technique.
La décision de l'OEB publiée le 27 janvier 2020
qui a rappelé que l'inventeur doit être une
personne.
Tous les pays ont dit la même chose...
Tout à fait, les Etats-Unis ont également
rendu une décision dans ce sens...
Les Etats-Unis, le Royaume-Uni... de façon
uniforme dans le monde. Un inventeur est un
humain. Point.
Et cela ne risque pas de changer malgré
l'évolution ?
Encore une fois, c'est de l'incompréhension sur
le fonctionnement d'une IA. Pour quelqu'un
qui utilise l'IA et qui sait comment cela fonctionne,
il n'y a pas vraiment de débat. Tout le
monde sait que pour l'instant il y a des humains
derrière. Ce sont des humains qui fabriquent
les modèles, qui définissent quels sont les types
d'algorithmes utilisés, comment on l'entraîne, à
partir de quelles données... Donc c'est l'humain
derrière qui sera l'inventeur du résultat.
« Avoir une approche holistique
de l'ensemble des points de droit
quand l'on traite de l'IA. »
Quelles autres questions se posent ?
Sur l'affaire Dabus, la question que je me pose
personnellement est quel modèle d'IA a permis
de réaliser ces inventions, par exemple ? A ce jour,
je ne connais aucun modèle génératif capable
de générer le contenu des deux demandes de
brevets qui ont été déposées. Il y a un aspect technique
assez étrange
dans cette affaire, c'est
clairement extrêmement
douteux. Cette
démonstration est
restée très générique :
elle dit que c'est une
intelligence artificielle
Il ne faut pas produire un effort inventif ?
Il faut comparer mon invention avec ce qui
existe dans l'art antérieur : il faut établir la
liste des différences et regarder ce que ces
différences apportent. Si elles répondent à un
problème technique (une meilleure résistance
à la chaleur par exemple), alors c'est brevetable
sauf si un autre document apporte déjà la même
solution que moi pour répondre à ce même
problème technique.
Donc
cela
ne
crée
pas
de
problème
particulier ?
L'une des questions qui s'est posée est celle de la
jurisprudence Dabus : qui est l'inventeur ?
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connexioniste, ce qui ne précise pas grand-chose
(par exemple ce sont les réseaux de neurones). Mais
ce n'est pas la question qui a été posée dans cette
affaire. La question était simplement de savoir
si une IA peut être inventeur, même si je n'aime
pas beaucoup parler d'une intelligence artificielle,
cela ne veut pas dire grand-chose. L'intelligence
artificielle est un domaine de la science au même
titre que les mathématiques ou la physique par
exemple. Il n'y a pas de notion de personnification
de l'intelligence artificielle, ce n'est pas une
entité à part. C'est un ensemble d'algorithmes, de
techniques pour mimer le comportement ou le
résultat qu'aurait obtenu un humain...
Un brevet coûte tant pour le dépôt que pour
sa défense. Est-il toujours nécessaire de
déposer un brevet stratégiquement ?
C'est le seul outil dont on dispose pour protéger
les fonctionnalités du logiciel.
EXPERTISES JUILLET 2021
Il ne faut pas
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