Expertises des Systèmes d'information - Juin 2020 - N°458 - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - 250

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PROSPECTIVE

Les legatech, du capitole
à la roche tarpéienne
Six ans après la percée des premières legaltech,
celles-ci ne semblent pas réaliser leur ambition de
conquête du marché du droit. Il faut probablement
repenser leur modèle d'affaires et leurs objectifs.

L

'année 2014 est à marquer
d'une
pierre
blanche
puisqu'elle a vu débarquer
en France des dizaines de
startups parties à la conquête du
marché juridique. L'expansion de
ces nouvelles arrivées a suscité
de vives réactions de la part de la
profession d'avocat qui y a tout de
suite vu une tentative d'ubérisation
du droit. Ainsi, les legaltech ont été
considérées tour à tour comme
des braconniers puis comme des
entreprises à fort potentiel. Six ans
plus tard, qu'en est-il des ambitions
de ces jeunes entrepreneurs tout
droit sortis des écoles de commerce
et qui ont voulu révolutionner par
la technologie un marché déjà
régulé ?

Une percée indéniable
sur le marché du droit
Avec l'émergence des multiples
opportunités offertes par les
innovations digitales, le paysage
juridique est en pleine mutation.
Néanmoins, en France tout particulièrement, les aspirations des jeunes
pousses se heurtent à un marché du
droit encore rigide. Certes, le pays
compte parmi les leaders du secteur.
En effet, si les figures de proue
mondiales se nomment Rocket
Lawyer et LegalZoom, l'Hexagone
dispose d'un vivier de gazelles qui
peut lui donner quelques raisons
de croire au développement de
la filière, en particulier dans le
domaine de la standardisation

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des services juridiques. L'aventure
de Captain contrat, pionnier de
l'automatisation des contrats en
ligne est le symbole de ce dont sont
capables les legaltech françaises
dans ce domaine. Dans une tout
autre sphère, la legaltech Doctrine
s'est lancé le défi de proposer un
moteur de recherche juridique
destiné aux avocats et aux juristes.
Après avoir levé 2  millions d'euros
en 2016 puis 10  millions en 2018,
la société est aujourd'hui considérée comme le « Google du droit ».
Comme
Captain
contrat
et
Doctrine, de nombreuses legaltech
tentent de se faire une place sur
le marché du droit digital grand
public encore naissant et espèrent
faire adopter leurs prestations.
Ainsi, selon les données de l'observatoire permanent de la legaltech,
la France ne compterait pas moins
de 230  legaltech. Avec des noms
qui fleurent bon la langue de
Shakespeare, Call A Lawyer, Meet
laW, We Justice ou encore Yousign
sont les témoins du dynamisme
de la scène française en matière de
start-up du droit.
Pourtant, on aurait pu se dire que le
combat n'était pas gagné d'avance.
Après tout, durant des centaines
d'années, la profession d'avocat a
dans sa majorité vécu selon l'idée
qu'elle était la seule détentrice
du savoir juridique. Ainsi, avec
l'arrivée de nouveaux acteurs
entendant bien bousculer la donne,
les avocats ont rapidement décidé
EXPERTISES Juin 2020

de ne pas rester les bras croisés et
ont multiplié les actions en justice
à l'encontre de ces start-ups. Il faut
dire que la profession d'avocat a un
train de retard dans le domaine du
digital et que ces nouveaux entrants
ont privilégié le développement de
leurs modèles d'affaires en optant
pour la stratégie de l'océan bleu1
qui consiste à proposer une offre
tellement différenciée vis-à-vis
de celle des concurrents qu'elle
instaure un nouveau marché
encore vierge par opposition à
l'océan rouge résultant de l'affrontement avec les acteurs historiques.
En effet, les legaltech arrivent sur
le marché du droit par le biais du
digital là où les avocats sont peu
présents  : saisine en ligne des
tribunaux, financement de procès,
automatisation des documents
administratifs, big data judiciaire.
Dans ce contexte, il n'est pas
étonnant que les avocats se soient
cassé les dents en voulant faire
condamner
juridiquement
les
nouveaux venus.
Les levées de fonds ou création
d'une nouvelle prestation par une
legaltech sont toujours synonymes
d'une euphorie qui se concrétise
par la médiatisation de leur
performance. Toutefois, ce coup
de projecteur qui propulse les
jeunes pousses sur le devant de
la scène cache le plus souvent de
grandes difficultés économiques
ou stratégiques pour ces dernières.
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