Expertises des Systèmes d'information - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - Novembre 2018 - n°440 - 375
Doctrine
Base de données
Contrefaçon des droits
d'Oracle : responsabilité
de l'intégrateur
L'installation de bases de données « Entreprise »
sans licences adaptées constitue une faute de
l'intégrateur à l'origine d'une contrefaçon des droits
d'Oracle, selon un arrêt de la cour d'appel de Paris
L
es licences de logiciels / bases
de données Oracle ont donné
lieu par le passé à des décisions
remarquées en matière de
responsabilités croisées du client (au
titre de ses déploiements) et de l'éditeur
(dans le cadre de la réalisation d'audits
de conformité)1.
Dans cette affaire, la société Valtech
spécialisée dans le marketing digital
et utilisatrice d'un logiciel de de
gestion HFM édité par la société
Oracle, a souhaité migrer vers une
nouvelle version de ce logiciel. Ce
logiciel intègre l'utilisation de bases de
données Oracle qui existent en deux
versions (Standard / Entreprise).
Un audit de conformité diligenté par
Oracle fin 2014 a révélé (i) que la
version « Entreprise» avait en réalité été téléchargée et installée par
Smarthys le 15 avril 2013 (en lieu et
place de la version « Standard» et alors
que Valtech était titulaire de 35 licences
Standard), et que (ii) 515 licences étaient
manquantes compte-tenu de l'architecture informatique de ce client. Après
avoir d'abord envisagé, sur les conseils
de Smarthys, de modifier l'architecture
de son système d'information pour se
mettre en conformité sur la base de ses
35 licences Standard et sans recours à
l'achat de licences Entreprise, Valtech
a finalement préféré régulariser directement la situation auprès d'Oracle,
via la désinstallation des bases de
données Entreprise et la commande de
515 licences Standard, pour un montant
total de 147.060,47 € HT. Valtech a ensuite
assigné Smarthys devant le tribunal de
commerce de Paris en remboursement
des sommes ainsi payées à Oracle.
Valtech, qui possédait jusque-là
une version Standard et 35 licences
associées, a sollicité à cette fin la société
Smarthys (ESN partenaire de la société
Oracle certifiée « Gold Partner») qui
lui a fait une proposition commerciale
le 28 février 2013. La migration a été
réalisée par Smarthys le 15 avril 2013
sur la base d'un contrat de prestations
du 11 mars 2013, matérialisé par
la proposition précitée, un bon de
commande et les conditions générales
de services de Smarthys.
Par jugement du 14 décembre 2016
assorti de l'exécution provisoire3, les
juges consulaires ont débouté Valtech
de toutes ses demandes. Ils ont considéré que l'installation litigieuse
constituait une non-conformité avec
les dispositions du contrat de prestations du 11 mars 2013 (dont seule une
version non signée avait été produite
par Valtech), mais qu'»elle n'empêchait
aucunement le fonctionnement normal
du progiciel HFM» utilisé en production par Valtech sans difficulté pendant
L'arrêt rendu le 28 septembre 2018 par
la cour d'appel de Paris2 apporte une
pierre à cet édifice jurisprudentiel
en se focalisant, cette fois-ci, sur la
responsabilité d'un troisième acteur,
l'intégrateur.
EXPERTISES NOVEMBRE 2018
18 mois. Sur la base notamment d'un
précédent téléchargement par Valtech
en 2011 de licences Entreprise en lieu
et place de licences Standard, et d'un
article des conditions générales de
services de Smarthys prévoyant que
l'utilisation en production des résultats
des services fournis par cette dernière
emportait acceptation desdits services
et reconnaissance de leur délivrance
conforme, le Tribunal a estimé que
Valtech était réputée avoir accepté les
prestations litigieuses, bien que non
conformes. Il a ajouté que Smarthys
n'avait pas non plus manqué à son obligation d'information et de conseil en
proposant une modification de l'architecture informatique de Valtech pour
éviter l'achat de licences Entreprise
finalement refusée par cette dernière.
Sur appel de Valtech, le jugement est
infirmé en toutes ses dispositions.
S'agissant de l'obligation de délivrance
conforme de Smarthys, la cour considère que le tribunal a mis inexactement à la charge de Valtech une
obligation de vérification des caractéristiques des licences installées par
Smarthys, au motif d'un précédent
incident de téléchargement du même
type en 2011, « insuffisant à conférer à cette société une expertise en
matière de licences et à lui imposer
une telle obligation dans le cadre du
bon de commande de février 2013».
Elle relève au contraire que le contrat
prévoyait bien l'installation de logiciels
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