Expertises des Systèmes d'information - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - Mai 2018 - n°435 - 159

Focus
« Tous les métiers de la Cnil craquent
comme au sein d'un habit un peu
étroit », a déclaré la présidente de la
Cnil Isabelle Falque-Pierrotin, lors de
la présentation du rapport d'activité 2017 et des enjeux pour 2018. Si les
présidents successifs de cette institution quadragénaire se sont toujours
plaints de la faiblesse de ses moyens,
ce constat n'a jamais été aussi criant.
Son activité explose dans cette période
charnière de l'histoire de la protection
des données.
La Cnil est en train de vivre un changement d'échelle au niveau de sa
charge de travail, sans que le budget
n'évolue en conséquence. Depuis 2000,
il n'a cessé de croître passant près de
5 millions d'euros au début du siècle,
à 7,3 millions en 2005, 11 millions en
2008, 14,4 millions en 2010, 17,5 millions
en 2014, 18,3 en 2015, 18,8 en 2016. En
2017, le budget a légèrement décru
pour s'établir à 17 millions d'euros,
avec une baisse de 2 millions d'euros
pour les frais de fonctionnement. Le
10 octobre 2016, la Commission avait
déménagé pour le bâtiment Fontenoy
- anciennement l'un des deux anciens
Hôtels de la Marine et siège du ministère de la Marine marchande - destiné
à héberger des autorités administratives indépendantes (Cada, défenseur des droits, etc.) et des services du
Premier ministre, et ainsi rationaliser
les dépenses publiques.
En 2017, le budget de la Cnil en
personnel est cependant resté quasiment constant par rapport à celui
de 2016 alors qu'il a fallu produire
un effort considérable pour assurer la transition vers l'application du
RGPD et accompagner les organisations pour ce changement de leurs
pratiques. C'est toute la Cnil qui a été
mobilisée (et qui l'est toujours) pour
aider les responsables de traitement
à s'adapter au nouveau règlement ou
à se mettre enfin en conformité avec
la loi, comme de nombreuses sociétés qui n'avaient jamais effectué de
déclaration ou étaient ignorantes de
leurs obligations.
A personnel constant (198 emplois), un
service dédié aux outils de conformité a été créé, le système d'information
a été repensé et une organisation

Données personnelles
RGPD :
la Cnil en surchauffe
Tous les indicateurs de la Cnil pour 2017 montrent
une explosion de son activité pour un budget qui
n'évolue pas. Une situation difficilement tenable.
a été mise en place pour traiter les
cas transfrontières, etc. Pour aider les
entreprises dans leur mise en conformité, une méthode en six étapes a
été conçue, un modèle de registre a
été constitué, des foires aux questions
(FAQ) ont été mises en ligne, une quinzaine de lignes directrices ont été rédigées dans le cadre du G29, un logiciel
PIA a été conçu pour faciliter la réalisation des analyses d'impact. Mais
depuis 2012, la Cnil anticipant le changement avait déjà commencé à développer des outils de conformité (labels,
études d'impact, packs de conformité).
La Cnil va par ailleurs devoir accompagner les futurs DPO (Data Protection
Officer ou le délégué à la protection
des données). A l'heure actuelle, 5 107
correspondants Informatique et libertés (Cil) ont été désignés dans 18 802
organismes. La Cnil estime que le
nombre de DPO pourrait dépasser
80 000 : une autre dimension pour une
équipe interne de sept personnes.
Le discours anxiogène et le business
de la peur générés par le compte
à rebours RGPD ont en outre fait
exploser le nombre de consultations de « besoin d'aide » au premier
trimestre 2018, avec une augmentation de 64 % par rapport à l'année dernière.
La Cnil est en surrégime mais le
RGPD n'explique cependant pas tout.
Le public est de plus en plus sensibilisé
à la problématique des données
personnelles car notre société
change, se digitalise et aussi parce
que les technologies de l'information
sont omniprésentes et impactent
considérablement notre vie.

EXPERTISES MAI 2018

Les cyberattaques et les fuites de
données mais aussi les scandales de
la NSA ou de Facebook ont joué un
rôle pédagogique considérable. A tel
point que le sujet fait désormais la Une
des journaux ou des journaux télévisés. Cela se traduit par une importante montée en charge de l'activité
de la Cnil en général. Son site a eu
1,8 millions de visites supplémentaires
en 2017 (soit 4,4 millions de visites avec
une augmentation de 59% par rapport
à 2016), et le standard a reçu 155 000
appels téléphonique cette même
année (+ 7%). La Commission a par
ailleurs enregistré 8 360 plaintes en
2017, ce qui représente une augmentation de 44 % par rapport à 2016. 27 %
concernent l'e-réputation, incluant les
demandes de déréférencement, et
25 % de plaintes portent sur le marketing et le commerce en ligne. Les
objets connectés représentent une
tendance émergente en matière de
réclamations. Quant aux contrôles, il y
en a eu 341 en 2017 contre 218 en 2008.
En période de réduction du déficit
de l'Etat, la situation financière de la
Cnil ne devrait pas fondamentalement changer. Bien qu'elle soit une
autorité administrative indépendante,
son budget représente une ligne
dans celui du ministère de la Justice.
Comme son prédécesseur Alex Türk,
Isabelle Falque-Pierrotin devra user
de son entregent au niveau des décideurs publics pour convaincre de
l'urgence d'une augmentation de ses
ressources. Ou bien recourir à l'intelligence artificielle.
Sylvie ROZENFELD

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