Expertises des Systèmes d'information - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - Janvier 2018 - n°431 - 35

Doctrine

Responsabilité
Condamnation d'Alibaba en
tant qu'éditeur de contenus
Pour le TGI de Paris, la hiérarchisation des offres
proposées en fonction de l'intérêt de la plateforme
Alibaba et non de celui des vendeurs professionnels
permet d'écarter l'idée de neutralité de son rôle à
l'égard du contenu publié sur la version française
du site.

P

ar une ordonnance de référé
du 21 novembre 2017, le tribunal
de grande instance de Paris
a condamné la plateforme
Alibaba pour contrefaçon de marques
et concurrence déloyale en sa qualité
d'éditeur de contenus. Si la plateforme
B2B Alibaba1 est régulièrement accusée
de promouvoir la vente de contrefaçons2,
c'est la première fois qu'elle est
condamnée par la justice française en
tant qu'éditeur de contenus.
La plateforme Alibaba accessible en
version française à l'adresse french.
alibaba.com offre un service d'intermédiation permettant aux acheteurs
professionnels d'entrer en contact
avec des vendeurs professionnels.
A ce titre, elle propose des abonnements dits « Premium » aux grandes
entreprises internationales permettant
d'accéder à des fonctionnalités supplémentaires telles que la mise en avant
des offres, une boutique spécialisée et
l'hébergement d'annonces promotionnelles, activités dont elle tire une part
importante de sa rémunération3.
L'ordonnance de référé est l'occasion de
rappeler le cadre légal et les enjeux des
qualifications d'hébergeur et d'éditeur
de contenus avant d'analyser le sens et
la portée de la décision rendue par le
TGI de Paris.

Dans cette procédure, la société
française Lafuma Mobilier licenciée de
la société Lafuma SA, qui fabrique et
commercialise notamment le fauteuil
Relax sous la marque Lafuma, a fait
constater, par acte d'huissier de justice,
la vente de copies de ses fauteuils sous
la marque Lafuma, par les sociétés du
groupe Alibaba (les sociétés Alibaba)
sur la version française de la plateforme
Alibaba.
Après plusieurs mises en demeure
adressées à la société Alibaba France
restées sans réponse, Lafuma Mobilier l'a
assignée en référé, le 28 septembre 2017,
devant le TGI de Paris, en sa qualité
d'éditeur de contenus, afin qu'elle cesse
la vente des produits litigieux.
Lafuma Mobilier a également agi à
l'encontre d'autres sociétés du groupe
Alibaba, à savoir les sociétés Alibaba
Group Holding Limited, Alibaba.com
Hong Kong Limited et Alibaba Group
Services Limited, tandis que la société
Alibaba Singapour est intervenue
volontairement à l'instance.
Pour tenter de justifier son inaction, la
Plateforme Alibaba prétendait agir en
qualité d'hébergeur et non d'éditeur
de contenus. En effet, la responsabilité des acteurs de l'économie numérique répond à un régime spécifique
issu de la directive dite « Commerce
électronique » du 8 juin 20004 et transposée en droit français par la loi

EXPERTISES JANVIER 2018

pour la confiance dans l'économie
numérique5 (la « LCEN ») du 21 juin 2004.
La LCEN distingue les intermédiaires
techniques fournisseurs d'accès à internet et hébergeurs de contenus qui bénéficient d'un régime de responsabilité
allégée des éditeurs de contenus dont la
responsabilité peut être engagée dans
les conditions de droit commun, mais
également en cas de violation de la loi
Informatique et libertés6, de la loi du
29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
ou encore, en cas d'extraction frauduleuse à partir d'une base de données
protégée par l'article L342-1 du code de
la propriété intellectuelle7. L'apparition
quasi-constante de nouveaux acteurs de
l'économie numérique place la question
des critères permettant de distinguer les
hébergeurs des éditeurs de contenus au
centre des débats.

Rappel du cadre légal et
enjeux de la qualification
d'hébergeur ou d'éditeur de
contenus
Cadre légal fixé par la LCEN
Régime de responsabilité
allégée des hébergeurs
Par définition, les hébergeurs assurent
le stockage de signaux, d'écrits,
d'images, de sons ou de messages

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http://www.alibaba.com
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