Expertises des Systèmes d'information - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - Novembre 2016 - n°418 - 372

tenteraient vainement de rester authentiques et pleins de sens pour entraîner l'action dans des contextes et
des situations qui les dépassent plus
souvent qu'ils ne les maîtrisent, les
plaçant en position héroïque, sinon
d'échec. Certains forgent l'illusion
qui fait croire qu'ils appartiennent à
la catégorie des gens « normaux »12,
d'apparence plus confortable, alors
qu'en fait, comme beaucoup, ils
rêvent d'être considérés comme des
personnes « exceptionnelles ».

LES AFFECTIONS T YPIQUES
ET LEURS SYMPTÔMES
DANS L'ENTREPRISE
A la solitude des décisions qui amène
les dirigeants à s'entourer de leurs très
proches collaborateurs, sinon d'un
coach ou d'un gourou qui servent à
produire l'effet de miroir et réduisent le
narcissisme endémique, s'ajoute l'insatisfaction perpétuelle qui les empêche
souvent de tirer profit du succès. En fait,
ils voguent déjà vers l'avenir, poussés
par l'angoisse et le désir de puissance,
avec une barre souvent placée très
haute, en utilisant l'occupation comme
mécanisme de défense, au risque de
dissiper leurs désirs. Mais ceci n'est
que le début pour les conquérants sûrs
de leur succès. Il leur faudra oublier les
échecs, et parfois éliminer les témoins
de ces derniers, mais aussi payer les
dettes morales envers ceux qui les
auront aidés dans l'ascension, sans
oublier ceux qu'ils ont déjà sacrifiés. En
fin de compte, n'est-ce pas trop demander que d'exiger autant, sans de lourdes
conséquences ?
Au regard de la médecine, les névroses
sont des affections fonctionnelles. Elles
sont caractérisées par des troubles
subjectifs, marqués par de l'hyperémotivité ou de l'angoisse, et sont associées à la lutte pour maintenir une
certaine adaptation à la réalité. Elles
sont différenciées par types : phobies,
dépressions, hystéries, etc. En revanche,
les psychoses sont organiques. Elles
se manifestent par des troubles de la
perception et du jugement et sont associées à une désintégration profonde
de la personnalité, selon diverses
formes : schizophrénies, paranoïas, etc.
Cette typologie, plus ou moins nuancée, peut ainsi se retrouver au regard
de l'entreprise13. Le terme « dirigeant » est

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à prendre au sens le plus large, pour
s'appliquer aux directeurs fonctionnels
et derechef, à tous les responsables.
En lien avec les diverses formes
de « névroses » engendrées dans l'entreprise, une organisation typiquement
phobique est basée sur une structure
rigide où la responsabilité est associée
au pouvoir et à la soumission au dirigeant. Le risque relève de l'impossibilité de vision globale et à la faiblesse
de la créativité. La sécurité est abordée de façon limitée à l'un ou l'autre
domaine, avant tout dans un but de
contrôle, rendant ainsi les mesures incohérentes. A son tour, une organisation
d'apparence dépressive repose sur une
structure hiérarchique manquant de
souplesse où la responsabilité est associée à une passivité bureaucratique,
avec une référence au passé.
Le risque est lié à la lenteur des circuits
de décision et à la difficulté à saisir des
opportunités favorables. La sécurité est
prise en compte trop tardivement ou au
travers de solutions plus ou moins obsolètes ou inadaptées à la situation. Enfin,
une organisation à caractère hystérique est floue, fondée sur une structure
hyper-centralisée où la responsabilité
est associée à l'idéalisation du dirigeant qui seul donne le ton. Le risque
est lié à des analyses superficielles et à
des actions inconsidérées. La prise de
risque est souvent trop importante au
regard de la capacité de l'entreprise. La
sécurité sera abordée par la nouveauté,
en grande part technique, puis rejetée
comme inutile au moindre incident.
Concernant les « psychoses » qui sont
générées dans l'entreprise, une organisation d'apparence schizophrénique est
relativement hermétique entre services,
basée sur le féodalisme. Il s'ensuit des
intrigues pour le pouvoir et des conflits.
Le risque se rapporte avant tout à la
lutte des chefs qui relèguent leurs fonctions au second rang. La sécurité risque
d'être accaparée ou rejetée par l'un
ou l'autre des clans, en dehors de tout
fondement, et notamment de toute politique de sécurité interne. Par ailleurs,
une organisation à tendance paranoïaque relève d'un pouvoir méfiant
avec des circuits de contrôle redondants. La responsabilité est associée à
une obligation de pensée unique et à
une défiance générale.

EXPERTISES NOVEMBRE 2016

Le risque est lié à une ambiance de
travail déplorable et à l'absence de
créativité. La sécurité imposée par le
niveau décisionnel se révélera excessive et sera contournée au niveau
opérationnel.
Pourquoi s'étonner, dans de telles conditions, que l'entreprise soit souffrante
et refuse obstinément les propositions
sécuritaires qui lui sont faites quand
elles traitent de dimensions organisationnelles et surtout humaines, préférant structurer son oubli par la négation
et le confort apparent du refuge dans
le débordement quotidien. C'est ainsi
qu'elle forge son aliénation avec les
déficits qui pourraient la conduire à sa
perte.

LES DÉFICITS CHRONIQUES
DANS L'ENTREPRISE
Alors que les spécialistes s'accordent
pour dire que la sécurité dépend plus
des personnes que de la technologie, les
méthodes d'analyse des risques informatiques se réfèrent peu aux caractéristiques sociales. Ces dernières y sont
alors abordées en termes de parades
organisationnelles ou de qualité des
facteurs socio-économiques. A cet
égard, l'analyse est trop superficielle
pour être en mesure de débouter des
risques dont certains pourraient s'avérer graves, aussi le facteur social est
souvent surévalué. Un tel résultat est
certes rassurant pour les dirigeants et
pour les auditeurs puisqu'il n'y a pas
de remise en cause délicate, mais il ne
garantit pas pour autant l'atteinte d'un
niveau d'assurance requis pour la sécurité. De plus, si la plus grande part des
pertes informatiques est causée par la
malveillance, très majoritaire en interne,
et que les fautes et erreurs humaines
peuvent entraîner des défaillances
catastrophiques, il serait donc approprié
de s'attaquer aux causes profondes de
l'insécurité, notamment au travers des
caractéristiques internes.
L. Kappelman et al. (2016) fournissent les
résultats d'une étude d'envergure sur
la diversité et la dynamique des conditions requises au succès, vus à divers
niveaux de responsabilité : direction,
cadres et personnels informatiques. Il
est montré que le talent et les compétences informatiques sont de moins

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