SIGMAG - N°34 - Octobre 2022 - 14

PRATIQUE
L'IA AU SERVICE DU FISC
APRÈS UN AN DE TESTS, LE PROJET FONCIER INNOVANT MENÉ PAR LA DGFIP, CAPGEMINI ET GOOGLE ENTRE EN PRODUCTION.
IL PROMET D'IMPRESSIONNANTES RECETTES FISCALES EN RÉTABLISSANT LES VÉRITÉS FONCIÈRES.
A
u sein de la DGFiP, près de
4.500 agents, répartis sur
l 'ensemble du territoire,
travaillent sur les thématiques
foncières. Parmi eux, plus de 900
agents géomètres du cadastre ont
pour mission de mettre à jour les
valeurs locatives des bâtiments pour
la mise à jour de la base des impôts
locaux (taxe foncière, maison
secondaire, CFE, etc.). À cette
mission fiscale s'ajoutent l'arpentage
et les levés de bâtiments sur
le terrain pour mettre à jour la
topographie du cadastre. Depuis
quelques années, le champ d'activités
de l'administration fiscale se
réoriente, notamment dans le
domaine du cadastre. L'objectif est
de fiabiliser les bases d'imposition
et mettre à jour le plan cadastral à
partir des prises de vues aériennes.
« Foncier innovant » s'impose ainsi
comme un projet d'ampleur pour la
DGFiP. D'abord, il va permettre au
fisc de rattraper le retard pris en
termes de dématérialisation sur
d'autres administrations. Surtout,
Foncier innovant promet de beaux
résultats en termes de recettes, à
l'heure où il faut redorer les finances
de l'État. Ainsi, la DGFiP vient de
dévoiler les scores obtenus après
un an d'essai dans la détection
de piscines non déclarées ou mal
déclarées. « Nous avons testé le
dispositif sur neuf départements
tests du Sud-Est et de l'Ouest de
la France : Alpes-Maritimes, Var,
Bouches-du-Rhône, Ardèche,
Rhône, Haute-Savoie, Morbihan,
Maine-et-Loire et Vendée. Sur ces
secteurs, 11% des bassins, soit
20.356 piscines, ont été relevés
comme non conformes. Cela
va permettre aux collectivités
locales de récupérer près de 10
millions d'euros de taxes, une
régularisation qui figurera sur
le prochain avis d'imposition de
la taxe foncière 2022 », confie
François Rollo, Adjoint à la cheffe
du bureau du cadastre (GF3A) qui
pilote ce projet au sein du service
de la Gestion Fiscale. La mise en
SIGMAG
production courant septembre
du dispositif sur l 'ensemble du
territoire devrait donc aboutir,
en novembre 2022, sur d'autres
recettes impressionnantes. La taxe
foncière 2023 devrait rapporter
au bas mot 40 millions d'euros de
recettes fiscales supplémentaires !
De quoi rentabil iser ce projet
évalué à 24 millions d'euros. Et ce
n'est qu'un début, puisque le projet
aura bientôt dans le collimateur
les constructions existantes, mais
sans figurer ou incorrectement au
cadastre... « À ce niveau, le pilote est
plus complexe à mettre en œuvre,
prévient François Rollo, car il s'agit
de détecter des bâtiments selon leur
nature, de les réévaluer en fonction
de la qualification actuelle, d'en
établir avec précision les contours
avant de les reporter sur les plans
cadastraux ».
INTELLIGENCE DE LA DONNÉE
P o ur met t re en œu v re ce
Foncier innovant, la DGFiP a
fait appel à Capgemini en tant
qu'assistant à maîtrise d'ouvrage
et maîtrise d'œuvre. Google a
fourni l ' inf ras t ruc ture Cloud
pour développer les modèles
d'intelligence artificielle capables de
traiter une très grande volumétrie
de données et tout particulièrement
les orthophotographies de l'IGN.
« C'est un projet très particulier, car il
vise d'un côté à une transformation
d'un processus métier. De l'autre,
il appor te un nouveau service
aux contribuables et une équité
fiscale entre citoyens par la juste
imposition des biens », confie David
Talabardon, Directeur des services
basés sur la géolocalisation chez
Capgemini. Avec les équipes de
la délégation à la transformation
numérique de la DGFiP, son équipe
est chargée du projet, même si
elle mobilise, de manière agile,
les compétences d'autres centres
d'expertises de Capgemini. « Malgré
un accent géographique for t,
cette dimension géo ne pèse que
20% dans ce projet qui embrasse
Cloud, BI, Big Data, DevOps, ETL »,
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Le principe est
« simple » : mettre
en corrélation les
bases de données
détenues par
l'administration
fiscale avec une
orthophoto. Ici une
piscine apparait
clairement à
l'image à droite,
alors qu'elle ne
figure pas au
cadastre, à gauche.
reconnait David Talabardon. Du
reste, avec une montée en charge
progressive, c'est une quarantaine
de personnes qui travaillent depuis
2020 sur Foncier innovant.
De man i ère conc rète, avant
un agent ba l aya i t à l 'œi l nu
l'orthophoto : un vrai travail de
fourmi ! Les outils mis en œuvre
dans le cadre de Foncier innovant
jouent un rôle d'accélérateur. Les
images aériennes publiques de
l'IGN (et seulement elles) font l'objet
d'un traitement dans un Cloud
sécurisé fourni par Google, mais
seulement accessible par les agents
de la DGFiP. « Les orthophotos de
l'IGN, considérées comme fiables
par l'État français, sont croisées
avec les données du fisc et, en
cas de discordance, un algorithme
propose un nouveau contour
cadastral, détaille François Rollo.
Chaque anomalie signalée reste
méthodiquement examinée par
un agent. Ce processus normalisé
aboutit à une démarche menée
auprès du contribuable, afin qu'il
en régularise sa situation. Ensuite,
on bascule dans la régularisation
d'office ».
Bien évidemment, le doute reste
permis et la phase d'échange
avec le contribuable lui permet
de contester et d' inf irmer les
informations de l'administration
fiscale. Par exemple, les premiers
tests avaient engendré certaines
erreurs en identifiant des bâches
d'hivernage ou des bassins hors
sol, non imposables, comme des
piscines. Mais le principe de l'IA est
d'apprendre. L'algorithme gagne
donc peu à peu en précision et le
foncier en vérité.
Xavier Fodor

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