SIGMAG - N°31 - Décembre 2021 - 24

DOSSIER
compris cet enjeu. Membre de
l'association des Shifters Nantais,
émanation locale de la branche
nationale, Jérémie Poupon est
responsable du bureau d'études
électricité et fluides au sein du
groupe Briand, leader en France
entre autres de la construction de
parkings en silos (voir encadré).
Ingénieur en génie électrique, il
a la lourde charge d'anticiper les
besoins en énergie électrique dans
la construction des infrastructures
dont il a la charge. Pour lui, c'est clair,
les réseaux de seconde couronne
un peu éloignés des grands centresvilles
ne sont pas préparés aux
nouveaux usages et notamment
à ceux de la mobilité électrique.
« Dès qu'on s'éloigne des grands
centres urbains pour aller vers des
zones un peu plus désertiques,
nous rencontrons régulièrement
des problématiques de réseaux,
alors que ce sont justement sur ces
zones que viennent s'implanter les
grandes plates-formes logistiques
qui génèrent des emplois, préciset-il.
Dès lors que l'on dépasse 4
ou 5 mégawatts, Enedis éprouve
de réelles difficultés à répondre
à la demande ». Problème : ces
ent repr ises conver t issent de
plus en plus leur parc automobile
à l'élec t r ique, une tendance
r en f o r cée par l 'ar r i vée des
premiers camions débarrassés de
motorisation thermique. Dans le
même temps, les salariés font de
plus en plus le choix de s'équiper
© François Fèvre / Enedis/ Enedis
© Sophie Brandstrom / Enedis
PETITS ARRANGEMENTS AVEC LES WATTS
Comment recharger 460 véhicules utilitaires électriques en
même temps pour assurer les activités de logistique d'une
plate-forme de livraison, le tout sans surcharge du réseau ?
C'est l'équation à laquelle a dû répondre le Groupe Briand, un
constructeur industriel vendéen spécialiste des superstructures
métalliques aériennes qui a également développé une branche
énergie au travers de son bureau d'études électricité et fluides.
Dans le cadre de la mobilité électrique, elle est notamment
chargée du déploiement de bornes de recharge pour les
véhicules, notamment dans le secteur des entrepôts logistiques
assurant de la livraison du dernier kilomètre. C'est justement
dans ce segment d'activité qu'une enseigne internationale de
distribution lui a fourni un cahier
des charges un peu particulier :
construire un entrepôt avec la
possibilité de charger la nuit au
même moment 460 véhicules
utilitaires électriques, afin qu'ils
soient tous opérationnels pour
les premières tournées du
matin. Problème : le cumul
de toutes les puissances de
bornes électriques atteint le
chif fre faramineux de près
de 9 mégawat t s ! En plus
de devoir gérer des contraintes dues à la classification ICPE
des bâtiments en raison des fortes puissances électriques
installées, l'entreprise Briand a donc dû sortir sa calculatrice
pour trouver des solutions. Elle a donc joué sur le coefficient de
foisonnement, en séquençant la nuit en tronçons de 3 heures,
équivalant à des phases de recharge nécessaire pour une charge
rapide. Grâce à de la borne de recharge à gestion intelligente
capable de communiquer avec les véhicules, et en jouant sur le
foisonnement et les durées de charge, elle a ainsi calculé qu'il
était possible de faire descendre la puissance nécessaire à 2 ou 3
mégawatts, soit un tiers de la puissance amenée originellement.
« Lorsque nous lançons ce genre de projet, la grosse inconnue
est de savoir si le réseau à proximité va pouvoir accueillir
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les puissances électriques demandées, explique Jérémie
Poupon. Si la construction d'un ouvrage se fait en campagne
où il n'existe qu'un transformateur Enedis déployé pour toute
la ZAC, le projet est soit impossible, soit il demande un budget
de renforcement de réseau qui peut peser lourd sur le budget
d'un maître d'ouvrage ». Cette thématique de l'éloignement des
réseaux n'est pas nouvelle, car historiquement, le déploiement
de puissances assez profondément dans les terres était rare,
hormis dans le cas de la construction d'une grosse laiterie
ou d'une cimenterie. « Un bâtiment logistique ne consomme
pas plus de 250 kW, ce qui est très faible pour le réseau,
poursuit Jérémie Poupon. Le problème aujourd'hui est que
ce même réseau n'est pas
dimensionné pour accueillir des
dizaines voire des centaines
de s t at i ons de re charge
en un même li eu ». Une
solution consiste cependant
à pallier les déficiences du
réseau en compensant avec
de la production d'énergie
renouvelable locale. Sur le
centre commercial Leclerc de
Saint-Nazaire, Briand a ainsi
installé 400 kW de panneaux
solaires servant exclusivement à alimenter des bornes de
recharge de véhicules électriques. Car le client avait un
impératif : ne pas augmenter la puissance installée de 1,2
Mégawatt. Résultat : les 400 kW d'énergie solaire sont mis à
disposition gratuitement des clients, mais la puissance est
bridée. En hiver, si le système ne produit que 100 kW, la différence
n'est pas fournie par le réseau. Une façon pour le géant de
l'agroalimentaire de ne pas augmenter son abonnement vis-àvis
d'Enedis, tout en apportant un service aux consommateurs.
Lequel service reste toutefois minime : dix bornes de recharge
représentent 220 Kw. Il est donc possible de recharger une
vingtaine de véhicules. Soit une infime quantité par rapport à
un parking de quelque 1.000 places de stationnement !
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