La revue RH&M - N°91 - Octobre 2023 - 45

Performance sociale
CONSEILS EN DROIT SOCIAL
Enregistrer les conversations
avec son employeur : une nouvelle lubie
" La Cour de cassation a jugé récemment
qu'un salarié pouvait enregistrer un
employeur à son insu lors de l'entretien
préalable au licenciement. "
NICOLAS
MANCRET
Avocat Associé,
JEANTET - AVOCATS
U
ne banale affaire portée
devant la Cour d'appel
de Montpellier illustrait
un salarié vendeur sous
contrat saisonnier à
durée déterminée à temps partiel qui
avait d'abord fait l'objet d'un avertissement
pour différents manquements
dont celui consistant à enregistrer les
conversations dans le cadre du travail.
Le cas peut prêter à sourire, puisque
le salarié portait toute la journée un
appareil d'enregistrement attaché
à sa chemise et que cette posture,
était selon les témoignages, de nature
à mettre mal à l'aise la clientèle
qui n'en comprenait pas les raisons.
Apparemment, les raisons ayant
conduit le salarié à porter en permanence
un micro, étaient selon les
déclarations de l'intéressé, destinées
à intimider ses employeurs afin qu'ils
ne lui donnent plus d'ordres.
Ce comportement ainsi que d'autres
manquements ayant émaillé la relation
de travail, l'entreprise a mis fin
au contrat de travail saisonnier. Le
Conseil de prud'hommes puis la Cour
d'appel de Montpellier ont jugé que
les faits reprochés au salarié sont établis
et constituent une violation des
obligations résultant du contrat de
travail d'une importance telle qu'elle
rend impossible le maintien du salarié
dans l'entreprise et que c'est à
juste titre que l'employeur a rompu le
contrat de travail de façon anticipée
pour faute grave.
C'est sur le fondement de l'exécution
déloyale et l'obligation d'exécuter de
bonne foi le contrat de travail (article
L 1221-1 du Code du travail) que cette
décision est motivée (CA Montpellier
1-2-2023 n° 20/01796). Cette décision
est salutaire et témoigne qu'un
salarié ne doit pas faire preuve d'incivilité
ou de défiance vis-à-vis de son
employeur.
On relèvera que dans d'autres domaines,
l'employeur est moins
chanceux puisque la Chambre criminelle
de la Cour de cassation a jugé
récemment qu'un salarié pouvait enregistrer
un employeur à son insu lors de
l'entretien préalable au licenciement
Cass. crim. 12-4-2023 n°22-83.581
F-D puisque ce comportement ne caractérisait
pas le délit d'atteinte à la
vie privée prévu par l'article 226-1 du
Code pénal.
Quant à la question de savoir sur le
terrain prud'homal si l'enregistrement
des propos échangés au cours de l'entretien
préalable au licenciement, à
l'insu de l'employeur, devrait être
écarté des débats judiciaire, le sujet
n'est pas encore tranché bien que la
Cour de cassation admet la recevabilité
de l'illicéité d'un moyen de preuve si
le moyen est indispensable à l'exercice
du droit à la preuve et que l'atteinte
à la vie personnelle est strictement
proportionnée au but poursuivi, (Cass.
soc. 8-3-2023 no 21-20.798 FS-D, 2117.802
FS-B et 21-20.848 FS-B : RJS
5/23 n°235).
Une clarification apportée dans le Code
du travail serait la bienvenue et permettrait
d'éviter des comportements
inappropriés ainsi que l'apparition de
jurisprudences décevantes.
LA REVUE RH&M N°91 | OCTOBRE 2023 | P.45
La revue RH&M - N°91 - Octobre 2023

Table des matières de la publication La revue RH&M - N°91 - Octobre 2023
