La revue RH&M - N°90 - Juillet 2023 - 52

FOCUS
RAISON D'ÊTRE
Claire VACHEZ
Purpose Transformation Leader
BALTHAZAR
LA RAISON D'ÊTRE,
LES MOTS DU DIALOGUE
S
i la Raison d'être est l'expression de la singularité
et de l'utilité de l'entreprise, l'enjeu est surtout d'en
faire un levier pour un dialogue stratégique ouvert.
Cela passe par la réinvention de la gouvernance
d'entreprise et par l'apprentissage d'une culture
de la coopération, au service de la pérennité de l'entreprise.
La mode était à la raison d'être, elle est désormais au « raison
d'être bashing ». Selon ses détracteurs, qui semblent toujours
plus nombreux, la raison d'être n'a peut-être pas tous les défauts,
mais elle en a beaucoup. « Elle n'est pas assez concrète »,
« ce sont d'ACTES dont nous avons besoin », « avec ses mots valises,
elle sonne creux », « elle n'est pas suivie d'engagements »,
etc. Bref, la raison d'être, c'est beaucoup de (beaux) mots pour
pas grand-chose. Cependant, force est de constater qu'à minima,
les mots de la raison d'être font beaucoup parler, et ils font
parler beaucoup de monde !
Et c'est là l'une des réussites de la raison d'être : faire entrer
les personnes « concernées » par l'entreprise dans un dialogue,
tantôt apaisé, tantôt moins, empreint parfois de dogmatisme,
mais un dialogue néanmoins.
Le temps de la définition de la raison d'être est une phase riche
en débats. Beaucoup choisissent d'impliquer les salariés,
puisqu'ils vivent et font l'expérience de l'entreprise au quotidien.
Certains consultent également les parties prenantes externes,
premier pas vers un dialogue approfondi avec les acteurs clés
de l'écosystème.
Après cela, le questionnement stratégique que nourrit la raison
d'être pousse à entretenir une discussion ouverte sur les enjeux
et les impacts de l'entreprise. Au-delà de l'enjeu d'acceptabilité,
il s'agit de trouver collectivement des solutions aux problèmes
complexes posés, mais surtout, d'assurer la pérennité de l'entreprise.
En
tant qu'organisme vivant, elle fait partie d'un écosystème
qu'elle doit nourrir pour que celui-ci la protège à son tour. Elle ne
sera prospère durablement parce qu'elle sera utile à l'ensemble
de ses parties prenantes. Seules celles qui intègrent pleinement
les enjeux sociétaux dans leurs modèles économiques, atteindront
une performance durable.
P.52 | JUILLET 2023 | N°90 LA REVUE RH&M
OUVRIR LA GOUVERNANCE POUR PRENDRE
EN COMPTE LA COMPLEXITÉ
La démarche « +1 » expérimentée par Veolia est à cet égard particulièrement
inspirante : il s'agit d'un dispositif de concertation
mobilisant 50 parties prenantes issues d'horizons différents,
(salariés, clients, actionnaires, société, planète), pouvant être
activé lors d'un projet opérationnel local ou lors de la définition
du nouveau projet stratégique.
Entretenir ce dialogue dans le temps et à un niveau stratégique
nécessite une gouvernance ouverte et connectée au processus
de prise de décision : les entreprises peuvent ainsi choisir de
mettre en place des comités de parties prenantes ad hoc (comité
de mission pour les sociétés à mission) ou de faire évoluer
leur gouvernance existante. Si la loi Pacte a renforcé la présence
des représentants des salariés au conseil d'administration, l'ouverture
vers l'externe demeure encore trop souvent limitée (aux
clients, salariés et fournisseurs) et éloignée des arbitrages stratégiques.
Cette
difficulté à ouvrir plus largement la gouvernance tient à
l'attachement à un certain rapport de force et à la crainte de voir
s'assoir à la table de discussion des acteurs que l'on a moins
l'habitude d'impliquer mais reflétant la pluralité des enjeux et impacts
de l'entreprise (ONGs, association de consommateurs,...).
Cependant, refuser le dialogue ne clôturera pas le débat. Ce
dernier se fera ailleurs, avec le risque de voir apparaître une polarisation
des intérêts et la confrontation de visions simplistes ou
caricaturales ne prenant pas en compte la complexité des sujets.
DÉVELOPPER LA CULTURE DE LA COOPÉRATION
Enfin, pour tenir un dialogue de qualité, il ne s'agira pas d'additionner
des points de vue différents mais de développer une
culture de la coopération reposant sur des compétences particulières
(écoute, intelligence relationnelle,...) permettant
d'accepter la contradiction, de dépasser les divergences pour
trouver des chemins d'équilibre et de compréhension.
Rubrique dirigée par Jean-Noël FELLI,
Président, BALTHAZAR
jn.felli@balthazar.org
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