La revue RH&M - N°90 - Juillet 2023 - 40

Performance sociale
DROIT SOCIAL
Le dirigeant, l'entreprise
et l'opinion publique, le triton
ou « l'accord du diable »
Le triton se situe en effet, sans rentrer
dans des considérations musicologiques
trop techniques, entre deux
intervalles harmoniques auxquelles
notre cerveau est habitué.
Au XVIIIème
siècle, Johann Fux, un comJEAN-MARC
ALBIOL
Avocat
Associé
Ogletree Deakins,
cabinet dédié
au droit social
positeur et théoricien de la musique, le
qualifia de : « diabolus in musica » (le
Diable dans la musique) dans son traité
d'harmonie « Gradus Ad Parnassum »,
avant qu'il ne devienne, après un long
cheminement, dans le Jazz et les morceaux
de John Coltrane en particulier,
puis du rock un des thèmes disharmoniques
conférant à ces styles musicaux,
leur énergie, leur frénésie et leur folie.
Les rapports entre les consommateurs,
les entreprises et leurs dirigeants sont
passionnés. Confrontés à l'immédiateté
des jugements publics, quelles sont
les marges de manœuvre des dirigeants
d'entreprise face aux bouleversements
du monde économique, à un environnement
toujours plus exigeant et une
opinion publique prête à sacrifier ce
qu'elle a hier adoré ?
1 | L'ACCORD DU DIABLE
En termes musicaux, le triton ou « l'intervalle
du diable », représente l'intervalle
de trois tons entre deux notes
(comme Do et Fa#). La particularité
du triton, identifiée depuis le moyen
âge, et, de ce fait banni de chants liturgiques,
est qu'il a une sonorité particulièrement
difficile créant une grande
tension à l'oreille.
2 | LE CHEF D'ENTREPRISE,
L'ENTREPRISE ET L'OPINION
PUBLIQUE, UNE RELATION
AMBIVALENTE
Alors, me direz-vous, quel rapport
entre le triton, et la musique qui se
joue entre les dirigeants d'entreprises,
les sociétés qu'ils dirigent et l'opinion
publique ?
Sans doute, le même rapport disharmonieux,
trépidant et passionné entre
des consommateurs toujours plus soumis
aux produits et les services qu'ils
achètent et qui sont conçus pour leur
plaire et les jugements que portent ces
mêmes consommateurs sur les entreprises
et leurs dirigeants ; puisqu'ils
sont prêts à condamner le moindre
écart, puisqu'ils considèrent sans
doute que, consommateurs serviles,
ils sont aussi les maîtres du destin
des entreprises et de leurs dirigeants
comme les supporters « ultras » sont
à la fois les spectateurs mais les plus
virulents détracteurs de leur club et de
ses joueurs lorsqu'ils font une prestation
décevante.
Ceci est évidemment favorisé par
l'émergence toujours plus active des
plateformes de discussion et d'auto-publication
qui se sont substituées
aux médias traditionnels d'expression
et ont l'avantage de prétendre s'auto-juger
en ralliant à leur manifestation
d'opinion le plus grand nombre
et en favorisant l'instant (le « Like »)
qui remplace l'analyse et la critique de
fond.
Si, bien entendu, le jeu de communications
entre les trois acteurs de cette
singulière musique est la plupart du
temps aligné lorsque l'entreprise se
développe et connaît le succès (soutien
massif sur les réseaux sociaux et
chef d'entreprise vénéré comme des
héros des temps modernes), il n'en est
plus de même lorsque le dirigeant et sa
société soient bafouent des valeurs qui
sont érigées en dogmes ou connaissent
des difficultés.
2.1 | LE TEMPS DU SUCCÈS
Les chefs d'entreprise,
des leaders inspirants
Elon Musk, propriétaire de Telsa, Twitter
et Space est apparu dans pas moins
de 8 films ou séries, des Simpson à
Iron Man. D'autres chefs d'entreprises
comme Mark Zuckerberg et Steve Jobs
aux Etats-Unis, Jean-Baptiste Rudelle,
fondateur de Critéo en France contents
leur parcours, qui reprend les thèmes
classique de l'épopée, d'un parcours
P.40 | JUILLET 2023 | N°90 LA REVUE RH&M
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