La revue RH&M - N°90 - Juillet 2023 - 11

LE GRAND ENTRETIEN
et au cœur ». C'est fondamental dans
une entreprise où la culture d'entreprise
est très forte et les collaborateurs
aussi engagés. D'ailleurs, Jean-Claude
ne parle pas de ressources humaines
mais de relations humaines. Les collaborateurs
ne sont pas des « facteurs
de » succès mais des « acteurs de » ce
succès. Cette sémantique vous donne
sa vision du métier.
Enfin - et c'est important quand on
connaît L'Oréal - Jean-Claude est
un iconoclaste. Ce n'est pas un DRH
« classique ». Sa capacité à penser
en dehors des cadres imposés le distingue.
Et dans un marché qui bouge
aussi vite que le nôtre, il faut avoir
cette capacité d'imagination, de créativité
permanente et le fait que JeanClaude
ne soit pas là où on l'attend est
une garantie de cette capacité à nous
réinventer.
Comment fonctionnez-vous
ensemble ?
Nicolas HIERONIMUS | Son bureau
est juste à côté du mien... je frappe à
sa porte et je viens discuter avec lui.
On se voit tous les jours. Et quand on
ne se voit pas, on se parle. Donc on
fonctionne avec une totale transparence,
beaucoup de proximité et des
contacts très, très fréquents. Je pense
que, chez L'Oréal, Jean-Claude est
parmi les personnes à qui je parle le
plus souvent. On échange beaucoup
et assez vite nos positions se rapprochent.
Nous avons toutefois un
point de désaccord irréconciliable :
je n'ai jamais réussi à faire de lui un
supporter du PSG et lui, à faire de moi
un supporter de l'OM.
Quels sont les principes
fondamentaux sur lesquels
repose le leadership de L'Oréal
dans un monde qui bouge ?
Nicolas HIERONIMUS | Depuis la
création de L'Oréal, nos fondamentaux
n'ont pas varié. J'en dénombre
cinq, à commencer par notre choix
stratégique d'être un « pure player »
de la beauté. Un second pilier est notre
foi inaltérable dans la recherche et l'innovation
dans une entreprise, qui, je le
rappelle, a été fondée par un chimiste.
La beauté est un marché d'offre. Il faut
donc être capable de stimuler l'appétit
des consommateurs en permanence
par de nouveaux produits, donc des
innovations, donc une recherche puissante.
Le groupe consacre un milliard
d'euros par an à sa Recherche et Innovation,
soit plus de 3% de son chiffre
d'affaires.
Notre portefeuille de marques que
nous n'avons de cesse de développer
et d'optimiser est évidemment un
autre élément de notre leadership.
Nous avons 39 marques internationales
parmi lesquelles L'Oréal Paris,
Lancôme, Garnier ou La Roche-Posay...
Toutes très complémentaires
pour répondre à tous les besoins des
consommateurs.
Notre organisation multipolaire est un
autre principe fondamental de notre
modèle et nous l'avons renforcée
parce que c'est un atout majeur dans
le monde plus fragmenté et instable
dans lequel nous entrons. L'Oréal est
donc une entreprise centralisée au
niveau stratégique, mais très décentralisée
au niveau opérationnel, avec
un fort esprit entrepreneurial. Cela
permet à chaque partie du monde
d'opérer de façon quasi autonome et
de s'adapter à des réalités de marché
différentes.
J'ajouterais, pour terminer, notre agilité
et notre capacité à nous transformer,
qui est au cœur de notre culture.
Toute la magie de L'Oréal est de savoir,
en dépit de notre taille, embrasser les
changements et les transformations,
naturellement et rapidement. Et
les RH jouent un rôle fondamental,
pour protéger cette culture et choisir
les talents qui vont accompagner les
transformations
J'ai lu dans un article que
vous avez évoqué trois
transformations majeures qui
allaient changer votre vision
pour les prochaines années, et
notamment la transformation
culturelle...
Nicolas HIERONIMUS | Oui, nous
avons déjà mis sur les rails notre
transformation durable et notre transformation
digitale et technologique.
La transformation culturelle est tout
aussi centrale. Nous vivons dans un
monde où la diversité doit plus que
jamais être mise en avant, promue et
développée car elle reflète la nature du
monde actuel. L'Oréal est le quatrième
investisseur publicitaire mondial et
joue donc un rôle dans l'image de la
beauté, ou plutôt des beautés, que
l'on véhicule. Cette diversité doit aussi
s'exprimer dans l'entreprise, dans le
management et dans la diversité des
talents.
Oui, vous avez d'ailleurs précisé
avec conviction « que l'on entre
dans une nouvelle ère du sens
et des valeurs ». Pouvez-vous
développer ?
Nicolas HIERONIMUS | Nous vivons
dans un monde où un certain nombre
de valeurs comme la liberté, l'équité,
le respect de l'autre ou la diversité,
sont battues en brèche. Ces valeurs
sont au cœur de notre entreprise, de
notre éthique et on doit être capable
d'utiliser notre succès, notre taille,
pour les promouvoir en interne et en
externe, c'est très important.
Ensuite, je crois qu'il faut plus que
jamais donner du sens à ce que l'on
fait. Les jeunes générations travaillent
dans une entreprise, bien sûr, parce
qu'elle les rémunère bien, parce que
les bureaux sont sympas, même s'ils
y viennent un peu moins qu'avant.
Mais ils ont de plus en plus envie de
travailler pour des entreprises qui
ont des valeurs, qui donnent un sens
à leur activité quotidienne. Le fait,
par exemple, d'avoir exprimé et diffusé
notre raison d'être « Create the
beauty that moves the world » -créer
la beauté qui fait avancer le mondea
été très important pour eux et très
bien reçu.
Je sais que L'Oréal est très
attaché à la féminisation
en général. Et à propos de
la féminisation du CODIR, où
en êtes-vous ?
Nicolas HIERONIMUS | Nous
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