La revue RH&M - N°87 - Octobre 2022 - 49

CHRONIQUE du futur
Nature X.0 - Quand l'océan nous rappelle
le sens de la prospective
La dégradation de l'océan appelle un
état d'urgence, incompatible avec la
lenteur inhérente aux négociations
internationales. Les bonnes intentions
fleurissent pourtant, mais masquent
souvent des intérêts mercantiles, qui
priment sur ceux de la nature, ou un
manque de réflexion systémique inquiétant.
La
conférence des Nations Unies
sur les Océans, qui s'est tenue
fin juin à Lisbonne, a été saluée
comme un franc succès. Elle a
conduit à une déclaration politique
par laquelle plus de 150
Etats signataires reconnaissent
la gravité de la dégradation actuelle
des océans, entrainant une
diminution de la biodiversité, une
acidification et une désoxygénation
accrues et la perte de fonctions
systémiques (filtration des eaux,
stockage carbone, protection des
littoraux, etc.). En conséquence ils
s'engagent à intensifier les actions
innovantes, prendre des mesures
contre la pollution marine, étendre
les zones marines protégées et renforcer
l'économie bleue...
Le diable se niche toujours
dans les détails
En matière de pollution plastique,
la réussite réside dans la " résolution
historique de forger un accord
d'ici 2024 " sur un instrument juridique
contraignant pour limiter
cette pollution... instrument, si ce
délai était tenu, qui n'entrerait en
application qu'une dizaine d'années
plus tard, malgré l'urgence
de la situation : d'ici 2030, la production
mondiale de déchets en
plastique pourrait augmenter de
41% et la quantité accumulée dans
l'océan pourrait doubler (WWF,
2016).
En matière d'aires marines protégées
(AMP), dont la superficie
s'étend, le degré de protection
forte nécessaire à la restauration
de la biodiversité demeure largement
insuffisant : ainsi les AMP
couvrent 60% de la surface de la
Méditerranée mais seulement 0,1%
de celle-ci est sous protection.
Quant à l' " économie bleue " , conçue
comme une industrialisation des
activités maritimes (du tourisme
aux transports), cette nouvelle
étape de la Blue Acceleration recouvre
des réalités qui sont loin
d'être soutenables, comme l'exploitation
minière des fonds marins de
la haute mer qui devrait commencer
en juillet 2023, au bénéfice
des pays qui en ont les moyens
technologiques et financiers et en
l'absence d'un code minier réglementant
cette exploitation.
Et la prospective dans
tout cela ?
La prospective se déploie dans
deux directions souvent complémentaires
: l'exploration du futur
et la construction de l'avenir.
Toutefois, lorsque les temps sont
aussi incertains que l'époque présente,
l'analyse des signaux faibles
peut vite tourner à la pure spéculation,
tandis que les scénarios de
l'inacceptable, bien trop réalistes,
peuvent figer les décideurs dans
un état de déni ou d'abattement.
Que reste-t-il alors ? La construction
de l'avenir sur un principe de
réalité. C'est la voie de la prospective
opérationnelle qui manque
tant au monde de l'océan.
Diagnostiquer le réel et, sans relâche,
montrer aux décideurs
(comme aux plus jeunes citoyens)
les perspectives structurelles
qui en découlent pour les alerter
objectivement. Simultanément,
explorer les alternatives émergentes
pour montrer l'avenir en
train de se faire, ici et là, maintenant.
FABIENNE
GOUX BAUDIMENT
Docteur en sciences sociales, prospectiviste ;
Président de proGective SA, Paris ; associé de Yonders, Genève.
Contact :
https://www.linkedin.com/in/fabienne-goux-baudiment
www.progective.com - www.yonders.world
Enfin, mobiliser sur cet avenir
possible, meilleur : montrer les
voies et moyens pour que chacun
puisse en être partie prenante,
comme champion, bâtisseur,
assembleur, rassembleur, catalyseur...
moteur de ces formidables
énergies qui ont permis à l'humanité
de construire le monde dans
lequel nous vivons.
LA REVUE RH&M N°87 | OCTOBRE 2022 | P.49
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