La revue RH&M - N°85 - Avril 2022 - 18

ANALYSES
La grande et
la petite démission
PHILIPPE
CAHEN
Conférencier
prospectiviste
Auteur de « Méthode
& Pratiques de
la prospective par
les signaux faibles »
Édition Kawa
La Grande Démission s'est révélée
aux Etats-Unis lorsqu'en août
2021 4,3 millions de personnes
ont démissionné de leur poste. En
France, le phénomène a été semblable
à la même époque : départ
anticipé en retraite, retour en formation,
abandon des métiers de
services mal payés (CHR), changement
de vie ou de voie professionnelle.
Aujourd'hui,
en février/mars
2022, il en est tout autre tout
au moins en France. Le taux de
chômage est au plus bas depuis
10 ans - en fait au niveau de la
moyenne européenne -, et pour
les jeunes au plus bas depuis 40
ans ! Tout est « presque » pour
le mieux dans le meilleur des
mondes !
Nous sommes entrés dans un temps de petite démission
pour des raisons de meilleur salaire pour l'essentiel,
sachant que la pression est forte car la pyramide des âges
est favorable aux salariés. Les babyboomers sont nés de
1946 à 1976. Ils ont donc de 76 à 46 ans. La moitié est déjà
en retraite quand ceux qui entrent sur le marché du travail
sont 100.000 de moins chaque année ce qui contribue
à faire baisser le chômage et donc tendre l'emploi.
Et puis, il y a une petite démission pour motif de qualité
de vie. D'une part, les métropoles sont chères et polluées,
les jeunes couples avec enfants les quittent pour des villes
petites ou moyennes, plus proches de la nature. D'autre
part, l'évolution positive du télétravail favorise le travail
à distance, quelle que soit la distance.
Ces « petites démissions », si elles apportent des réponses
aux salariés présentent des risques pour les entreprises.
L'entreprise est en effet un élément de stabilité de la vie
des salariés. En effaçant les frontières entre le monde du
travail et le monde privé, les règles du jeu ont disparu et
donc avec elles, le refuge de l'entreprise. La santé mentale
des salariés est un vrai sujet.
Deux questions pour le futur
Le futur - sans tenir compte de la crise ukrainienne qui
vient de débuter à la rédaction de l'article - va connaitre
deux limites essentielles.
La première limite est liée à la crise climatique, la hausse
des carburants, la taxation du carbone y compris pour
la consommation individuelle. Dans ce contexte, la vie
« pavillonnaire » va coûter cher pour le chauffage et
les déplacements automobiles. La vie urbaine en petits
immeubles sera recherchée. Les migrations des années
2020/2022 vont se faire en sens inverse.
La deuxième limite est dans les compétences et la disponibilité.
Plus nous avançons dans un monde technologisé,
plus le niveau des compétences s'élève. Sur ce plan, il
n'est pas certain que les formations en France répondent
aux attentes. Ceux qui les ont verront leurs rémunérations
s'élever. Quant aux entreprises, elles pourront toujours,
comme aujourd'hui, créer une unité dans un pays
ayant les compétences. Dans les emplois peu qualifiés,
l'emploi dépendra de la disponibilité du futur salarié. On
retrouve la nécessité de créer une authentique culture
d'entreprise et un intérêt d'appartenance, voire un plan
de carrière dans l'entreprise ou avec des entreprises partenaires.
Si
la Grande Démission a étonné par son ampleur, la
Petite Démission devient endémique. A l'entreprise de
travailler à la stabilisation des équipes.
Je repars en plongée...
P.18 | AVRIL 2022 | N°85 LA REVUE RH&M
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