La revue RH&M - N°85 - Avril 2022 - 15

ANALYSES
Et enfin, cette augmentation est-elle le
signe d'un big quit à la française ?
David BEAUREPAIRE : Je dirais
qu'il faut un peu temporiser ce phénomène-là.
La DARES vient de publier les
chiffres du troisième trimestre 2021, qui
correspondent à ce que nous avions en
2019. En revanche, il y a peu de chances
qu'au quatrième trimestre, le phénomène
se soit limité. Il est donc probable
qu'effectivement 2021 soit une année
record en termes de démission. Comment
cela s'explique ?
Tout d'abord, un marché de l'emploi
extrêmement dynamique sur beaucoup
de secteurs et partout en France. Sur nos
plateformes, plus de 3,7 millions d'offres
l'année dernière et, depuis le début de
l'année, on est à plus de 500 000 offres
par mois...
Ensuite, ce sont évidemment les conséquences
de la crise sanitaire, avec des
envies d'ailleurs géographiques, des
envies d'ailleurs en termes d'entreprise,
en termes d'emploi et de quête de sens.
Donc tout un tas de phénomènes qui se
cumulent et qui créent ces envies dans
un contexte qui est porteur à changer
d'emploi. On parle des secteurs qui ont
des emplois très contraints, comme la
restauration avec des horaires décalés
ou le tourisme. Ces secteurs ont particulièrement
souffert pendant la crise
sanitaire et se retrouvent à reproposer
des emplois avec ces mêmes contraintes.
Mais plus grand monde ne veut subir ces
contraintes avec la rémunération proposée
et les personnes vont se diriger vers
d'autres secteurs d'activités.
Là, c'est un phénomène qui est effectivement
mondial. En France, on n'est
pas au niveau de ce qu'on observe aux
Etats-Unis. Mais hormis des phénomènes
géopolitiques qui pourraient
stopper totalement la situation, on est
sur quelque chose qui a vocation à perdurer
pendant quelque temps.
Delphine LANCEL : Merci David. Ma
deuxième question est pour Patrick
PLEIN. Comment expliquer les difficultés
actuelles des entreprises, à recruter
dans l'Hexagone et à l'extérieur de
l'Hexagone ? Doit-on mettre l'accent sur
la rétention et comment lutter contre
l'envie de départ des salariés ?
Patrick PLEIN : Je confirme que nous
rencontrons ces difficultés au sein de
l'Hexagone et en dehors, puisque c'est
un phénomène que nous constatons
mondialement. Etant sur un périmètre
international, je l'ai constaté bien sûr
aux Etats-Unis, mais également au
Brésil où j'étais il y a quelques jours.
En interrogeant les patrons là-bas sur
leurs enjeux RH, leur réponse est très
claire : il s'agit d'attirer, de recruter et
de fidéliser leurs collaborateurs. C'est la
même chose au Canada, ou encore sur
le continent africain par exemple. On est
sur un phénomène mondial.
Dans ce contexte, la fidélisation des
collaborateurs devient un point clé.
Les choses vont aller visiblement en
s'aggravant si on en croit les études et
les projections à horizon 2030. C'est-àdire
que l'on s'oriente vers une pénurie
accrue de talents sur le marché. Ce n'est
pas quelque chose de nouveau pour la
fonction RH mais néanmoins, la période
est en transformation. L'environnement
n'étant plus le même, c'est quelque
chose qu'il faut complètement revisiter.
Les leviers pour retenir ou fidéliser les
collaborateurs ne sont pas sorciers. Il n'y
a rien de révolutionnaire. Ça commence
par la qualité de l'intégration des collaborateurs.
Puis c'est la qualité de vie
au travail du collaborateur en termes
de conditions d'emploi, conditions de
travail, conditions de ses relations professionnelles,
de la qualité managériale
qu'il y a au sein de l'entreprise, de l'esprit
et la culture que véhicule l'entreprise, de
l'autonomie que l'on laisse aux salariés.
Et enfin, c'est aussi la qualité du développement
du collaborateur : que lui
offre-t-on comme aventures professionnelles
en termes de missions, de jobs,
de formation, d'accompagnement ? Ce
sont tous ces ingrédients-là, une fois
encore, qui ne sont pas révolutionnaires,
mais qu'il faut revisiter pour permettre
de garder les collaborateurs au sein de
l'Entreprise.
Delphine LANCEL : Merci Patrick.
Maintenant, quelques questions pour
Côme DE GIRVAL. Vous vous occupez
d'accompagner les entreprises sur toutes
les problématiques juridiques liées à la
gestion des ressources humaines en
France et à l'international.
Quel levier juridique existe-t-il pour
retenir les salariés en poste et embaucher
ceux qui démissionnent ?
Côme DE GIRVAL : Il n'existe peut-être
pas de solution miracle, mais quelques
instruments peuvent être mobilisés.
Les premiers sont ceux qui influent sur
la rémunération. Les sociétés doivent
orienter la rémunération sur l'ancienneté
et la fidélité. À titre d'exemple,
elles peuvent mettre en place des mécanismes
pour que la rémunération évolue
en fonction de l'ancienneté ou instaurer
des primes de fidélité qui se déclenchent
au bout de quelques mois, voire de
quelques années. Il existe encore la
possibilité de mettre en place des bonus
à long terme (sur 3 ans par exemple),
qui peuvent inciter les salariés à rester
jusqu'au terme de la période convenue.
Pour recruter, certains de nos clients
envisagent également l'adoption de
welcome bonus. Nous conseillons, toutefois,
de conditionner le versement de
ces bonus à une certaine ancienneté : la
fin de la période d'essai ou même une
année complète de travail.
Les seconds types d'instruments sont
ceux qui influent sur les conditions de
travail des salariés et notamment sur le
lieu et la durée du travail.
Concernant le lieu de travail, une partie
des salariés se révèle attentif à ce que le
télétravail soit possible. Pour ce faire, les
sociétés ont tout intérêt à conclure un
accord collectif ou adopter une charte
relative au télétravail. Cet accord ou
cette charte permettra également d'encadrer
les conditions du télétravail et
ainsi d'en limiter les potentiels effets
négatifs sur l'organisation de l'entreprise.
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REVUE RH&M N°85 | AVRIL 2022 | P.15
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