La revue RH&M - N°77 - Avril 2020 - 15

feuille de route visant à reconnecter les femmes et les hommes à la
nature. Puis, on a créé un groupe de
millennials, en France et aux EtatsUnis pour confronter les générations.
Ensuite, les 150 top executives du
Groupe, toutes marques confondues,
tous métiers confondus ont travaillé
sur les différents thèmes qui en ressortaient. Chaque métier et chaque
marque du groupe a donc intégré
l'ensemble des travaux réalisés dans
ses plans stratégiques. Avec le service juridique, nous avons formalisé
la raison d'être dans les statuts. On
a inscrit cinq objectifs génériques.
Aujourd'hui, nous sommes dans le
processus de définition des sous-objectifs à horizon 2030. Le comité de
mission qui est prévu par la loi PACTE
et qui travaille sous l'égide du Conseil
d'Administration, va ensuite affiner de
façon répétée les objectifs.
L'inscrire dans les statuts,
n'est-ce pas un frein parce que
c'est irréversible alors qu'il y
a déjà la dimension du bien
commun dans les gênes de votre
groupe ?
Le meilleur moyen de déterminer sa
raison d'être, c'est de l'inscrire dans
le marbre. Spécifier sa raison d'être
c'est aussi faire des choix pour mieux
concentrer nos efforts sur les sujets
dans lesquels nous nous engageons.
Envisagez-vous de piloter
l'atteinte des 5 objectifs ?
Oui. D'ailleurs, la loi PACTE nous
l'impose. La première dimension,
c'est l'objet social élargi. Désormais,
l'article 1 des statuts traite de la performance économique et des sujets
environnementaux et sociétaux. La
deuxième dimension est la capacité
pour les entreprises à déterminer
volontairement leur propre raison
d'être. La troisième dimension, c'est
l'entreprise à mission, qui consiste à
changer les statuts en y intégrant la
raison d'être et les objectifs. Le Comité
de mission doit produire un rapport
chaque année pour mesurer l'état
d'avancement des objectifs. Ils doivent

" Le but finalement, ce n'est plus
tant d'être la meilleure entreprise
du monde mais d'être l'une des meilleures
entreprises pour le monde "

être précis, datés, avec des indicateurs.
Tout ceci doit être certifié par un organisme indépendant chaque année avec
une forme d'opposabilité. C'est-à-dire
que si le Comité à mission estime que
la société se met en contravention
des statuts, il a la possibilité de faire
changer les statuts de l'entreprise. Ça
a donc une valeur réputationnelle,
d'image.
Au-delà des bases légales,
est-ce plus qu'une simple
politique RSE ?
Bien sûr. C'est le but de la loi Pacte.
Le rôle de l'entreprise a profondément
évolué sur ces trente dernières années.
D'abord, on a incité les entreprises à
s'engager dans le mécénat grâce à
des crédits d'impôts. C'était décorrélé
du business model de l'entreprise.
Ensuite, on est passé à la période de
la RSE, qui consiste à réintégrer justement la dimension sociétale dans
l'organisation. Mais il ne s'agit en fait
que de se mettre en conformité réglementaire. Enfin, on arrive aujourd'hui
à l'ère de l'entreprise à mission. Il ne
s'agit plus de réinvestir une partie des
gains de l'entreprise dans des actions
philanthropiques ou de se mettre en
conformité réglementaire mais bel et
bien de conjuguer performance économique et prise en compte du bien
commun, tel que cela est déjà le cas
avec la Società Benefit en Italie ou
la company interest, au UK. Le but
finalement, ce n'est plus tant d'être la
meilleure entreprise du monde mais
d'être l'une des meilleures entreprises
pour le monde. C'est ça le mouvement
qui est en train de se créer. C'est mon
grand espoir pour l'avenir.

Sur la définition elle-même
de la raison d'être, comment
avez-vous fait ?
La première clef d'entrée vient de
nos origines. Nous avons puisé dans
les racines du fondateur, c'est ce qui
rend la raison d'être authentique.
Puisqu'elle doit être utile aux yeux
du public, elle doit répondre à un
défi futur et actuel. Reconnecter les
hommes et les femmes à la nature
répond pleinement à cette exigence
car aujourd'hui on vit dans un monde
de plus en plus urbanisé et cerné par
la technologie. Enfin, dans un monde
en mutation profonde, il est essentiel
de déterminer quels sont les fondamentaux qui ne doivent pas varier
dans le temps. La raison d'être d'une
entreprise doit reposer sur un socle
solide et invariable, même si l'entreprise évolue.
Certains disent que ça devient
un atout concurrentiel. Il
y a donc une dimension
économique ?
Nous y avons inscrit la dimension économique. Notre raison d'être repose
sur trois fondamentaux qui ne varieront pas dans le temps et qui sont les
mêmes depuis 60 ans : création de
richesses, innovation frugale et écologie humaniste parce que c'est ce
que nous pratiquons depuis 60 ans.
Mais le premier d'entre eux, c'est
la création de richesses. Une entreprise à mission est une entreprise qui
conjugue performance économique et
prise en compte du bien commun. Ne
pas initier cette démarche, c'est ne pas
répondre aux attentes du consommateur. Donc, se condamner. 

LA REVUE RH&M N°77 | AVRIL 2020 | P.15
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