La revue RH&M - N°77 - Avril 2020 - 10

LE GRAND ENTRETIEN

officiers pendant quelques années en
mobilité extérieure, pour les récupérer
meilleurs après. En fait, il y a un gros
travail d'accompagnement et toute une
construction de parcours de quelqu'un
qui commence comme Lieutenant et
qui finira Général. Je pense qu'il y a
une vraie individualisation de la gestion, et je ne suis pas certain qu'on le
voie de cette manière dans le privé.
Armando De OLIVEIRA | Il y a un
deuxième aspect c'est le rôle du chef
chez nous, qui est en permanence responsable de la condition matérielle,
morale et physique de ses personnels.
Le chef est ainsi, collectivement, le
patron de la force armée et, individuellement, celui de chacun des personnels.
Le binôme DGGN/DRH a donc un rôle
particulier dans l'accompagnement
pour garantir une vraie individualisation des parcours.
Pourquoi est-ce qu'on appelle
« Directeur général » le patron
de la gendarmerie ? C'est plutôt
une fonction d'entreprise privée,
finalement.
Armando De OLIVEIRA | Il faut se
souvenir que, jusqu'en 1982, nous
avions un « directeur général de la
gendarmerie et de la justice militaire ».
Lors de la disparition de la justice
militaire, l'appellation de « directeur
général » a été conservée, traduisant la
triple tutelle sur l'exercice des missions
de la gendarmerie : Défense, intérieur
et justice.
Vous avez évoqué la création
d'un COMEX. Comment
fonctionne-t-il ? Qui le compose ?
Christian RODRIGUEZ | Le COMEX
est composé des trois grands directeurs : opérations et emploi, RH et
soutiens et finances. S'y ajoutent le
directeur général adjoint « major
général »), mon directeur de cabinet
et le chef du « service de la transformation », nouvellement créé. L'idée est
de générer davantage de transversalité
dans notre structure pyramidale. A ce

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stade, compte tenu de l'actualité et des
perspectives d'évolution en matière
de sécurité intérieure, nous nous réunissons à intervalles rapprochés. On
échange nos visions et on traite des
sujets stratégiques, sur lesquels j'ai
besoin de me nourrir de la réflexion
des uns et des autres pour prendre une
décision.
Est-ce que la gouvernance
d'entreprise vous inspire ? À
l'inverse, en quoi votre manière
de gérer, de gouverner pourrait
inspirer les entreprises privées ?
Christian RODRIGUEZ | Pour l'essentiel, il faut le reconnaitre, on n'a pas
« la pression du chiffre d'affaires » et
le cadre de la décision publique n'est
pas comparable à celui du privé car
on produit un service d'intérêt général à impact immédiat et massif, avec
tout ce que cela peut comporter. D'une
certaine manière, je crois que l'absence
de pression sur le chiffre d'affaires « ça
libère les initiatives ». Notre moteur
c'est l'expérimentation assortie d'un
« droit à l'erreur » pour ceux qui testent
des choses. C'est dans notre ADN, on a
des gendarmes qui inventent en permanence. Tous les ans, dans le cadre des
« ateliers de la performance », je remets
des prix à des gendarmes qui inventent
des outils informatiques, des réponses
innovantes. Il est donc essentiel pour
moi d'accorder un droit à l'erreur en
contrepartie du devoir d'initiative.
Armando De OLIVEIRA | Autre singularité : notre performance est mesurée
collectivement et l'action personnelle,
prise en compte dans l'individualisation des parcours, constitue la démonstration d'une capacité qui n'influe pas
directement et à court terme sur la
condition, c'est-à-dire la rémunération,
de son auteur.
Vous n'avez pas d'objectif
de chiffre d'affaires...
Sur quoi êtes-vous jugé alors ?
Christian RODRIGUEZ | Nous sommes
dans la production d'actions réga-

liennes au profit de nos concitoyens,
ce qui comporte une dimension opérationnelle, administrative et politique.
Nos actions ont en effet un impact
direct sur le niveau de satisfaction des
Français et s'inscrivent dans la mise
en œuvre des politiques publiques de
sécurité décidées par l'exécutif. Je crois
que c'est pas mal comme « instruments
de mesure ». En pratique, les résultats
que nous obtenons, concernent des
domaines très divers : délinquance,
accidentalité routière, sentiment de
sécurité, capacité d'adaptation aux
attentes de nos concitoyens, capacité
à respecter les limites budgétaires qui
nous sont données.
Armando De OLIVEIRA | Nous
mettons en œuvre le « plan d'action
annuel » décidé par le ministre, mais
les objectifs ne peuvent pas être définis « à la virgule ». Par exemple, quand
les cambriolages augmentent, au lieu
de dire « je veux moins 1 % de cambriolages au niveau national », nous
disons « je veux que vous inversiez la
tendance ». Cela laisse dans la mise en
œuvre, une vraie marge de manœuvre
et d'initiative, à partir du moment où
il y a bien une inversion de tendance.
C'est certainement là une évolution
positive dans les rapports de subordination (on se souvient que les relations de travail en France ne sont pas
considérées comme très bonnes...), qui
contribue, d'après nous, à la performance individuelle et collective ainsi
qu'à la qualité de vie au travail. Il y a
toujours une prise de risque à faire évoluer nos instruments de mesure de la
performance, mais sans prise de risque
il n'y a pas d'évolution.
Christian RODRIGUEZ | Je pense
qu'un bon facteur de performance
c'est aussi la façon dont les gendarmes
se sentent dans leur travail au quotidien parce qu'ils doivent être capables
d'une grande réactivité, d'une grande
capacité d'adaptation et d'initiative.
Tout cela conditionne la satisfaction
de la population.

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