La revue RH&M - N°67 - Octobre 2017 - 48

RECHERCHES ACADÉMIQUES

LA TRANSPARENCE AU TRAVAIL
PERÇUE PAR LES JEUNES

ans une étude récente,
nous avons cherché à
mieux comprendre
la représentation de
l'entreprise qu'ont les
jeunes de moins de 30
ans travaillant dans
des grands groupes
avec en particulier un intérêt
spécifique pour le rôle des technologies numériques dans leur
quotidien de travail 1.

Pour une majorité de jeunes interviewés, le numérique facilite la collaboration, permet de développer
des relations plus plates et transversales, de documenter une réponse,
de faire du reporting plus facilement ou encore de gérer de manière
plus agile un projet. Pour autant, le
numérique rime aussi avec contrôle
rendant les « actions plus visibles ».
Mais en grande majorité, les
jeunes interviewés font confiance
à leur entreprise, même si certains
avouaient ne s'être jamais posé la
question. Est-ce là une marque de
l'âge spécifique à la Génération Y ?
Ou est-ce plutôt le trait caractéris-

tique d'un collaborateur d'un grand
groupe qui s'en remet à la diligence
de son entreprise ? Toujours est-il
que la question des données personnelles ne se pose pas en entreprise,
les jeunes interviewés ayant le sentiment que cela n'est pas trop personnel. Beaucoup affirment qu'ils
essayent de ne pas confondre leur
vie professionnelle et leur vie privée
et nombreux sont ceux qui ont deux
ordinateurs et deux téléphones portables.
Il n'en demeure pas moins que
la transparence est importante à
leurs yeux et qu'elle constitue une
tendance de fond vers laquelle les
entreprises tendent de manière
générale. La transparence devient
une nécessité voire une obligation
et « répond à une volonté politique
dans notre organisation ». Dans les
arguments évoqués par les jeunes
cadres, la transparence relève de
deux registres : c'est d'abord une
nécessité, une règle de base portée
par la culture Internet, pour faire
circuler l'information ; c'est aussi
une pratique, une spirale vertueuse

CARINE DARTIGUEPEYROU
Prospectiviste, maître de conférence invitée à Télécom École de Management au
sein de laquelle elle porte le projet d'une nouvelle chaire de recherche Éthique, Sens
et Innovation. Son dernier ouvrage aborde les grandes tendances mondiales et
leurs impacts pour la France : Le futur est déjà là (Éditions Le Bord de l'eau, mai
2017). Elle est présidente du Comité scientifique du Cercle de prospective RH.

P.48 | OCTOBRE 2017 | N°67 LA REVUE RH&M

qui permet de créer un climat de
confiance dans l'organisation pour
faciliter la coopération. Comme
disait très justement un jeune,
« plus on est transparent, plus on se
sent en confiance. C'est un facteur
de motivation. »
Cette étude nous a interpellé car
les jeunes ont conscience que l'information partagée est créatrice de
sens et un élément motivationnel
capital dans l'organisation. Dans ce
cas, la transparence ne se pratique
pas au détriment de la confidentialité, elle ne s'y oppose pas. Le
manque de transparence peut créer
de la frustration, du doute et au
final du manque de confiance. On
voit bien là qu'il existe une relation
entre la transparence, le contrôle et
la confiance. La confiance nécessiterait alors d'articuler transparence
et contrôle sans verrous pour le premier et sans excès pour le second.
Hypothèses et mise en
perspective au-delà du trait
générationnel
La question du contrôle touche
de près le sujet de la transparence communicationnelle. Pour
François Dupuy 2, la recherche de
contrôle des organisations par les
processus et les règles est illusoire.
Seule la confiance permet de créer
des dynamiques vertueuses et efficaces. Ce n'est pas qu'il remet en
cause l'existence de processus et de
règles, mais plutôt le fait qu'elles
ne peuvent dominer les relations
de travail.

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