La revue RH&M - N°67 - Octobre 2017 - 40

Performance sociale
droit social

L'irrésistible intérêt
du principe de neutralité

L

e règlement intérieur
peut contenir des dispositions inscrivant le
principe de neutralité
et restreignant la manifestation des convictions des
salariés si ces restrictions sont
justifiées par l'exercice d'autres
libertés et droits fondamentaux
de l'entreprise et si elles sont
proportionnées au but recherché. » - Art.L.1321-2-1 du CT issu
de la loi du 8 août 2016 sur le travail.
On prédisait une naissance difficile à ce
principe de neutralité, à tout le moins
un risque de renvoi rapide aux oubliettes si la CJUE (Cour de Justice de
l'Union Européenne) ne l'avait pas en
quelque sorte adoubé par une position
favorable très claire.
En effet, les deux arrêts de la CJUE
du 14 mars 2017 sur le voile islamique
ont admis qu'une règle interne d'entreprise puisse interdire le port visible de
tout signe politique, philosophique ou
religieux sans être constitutive d'une
discrimination directe, et donc sans
faire courir le risque de nullité de la
disposition ou de sanction pénale pour
avoir cherché à l'appliquer. Dès lors, les
bases d'une décision de l'employeur
étaient posées, cette dernière dût-elle,
pour être opposable, être codifiée dans
un règlement intérieur. Mais on entre
ainsi directement dans un nouvel espace qui déplace, pour l'entreprise, le
débat sur la laïcité vers un débat sur
la neutralité en entreprise. Cela rénove
passablement la problématique.
De la laïcité à la neutralité
Comme le lecteur le sait, le principe de
laïcité était un outil bien mal conformé
pour le secteur privé où il n'a jamais eu

P.40 | OCTOBRE 2017 | N°67 LA REVUE RH&M

vocation à être appliqué, comme le rappelle le Guide pratique du fait religieux
dans les entreprises privées édité par le
ministère du Travail.

ALAIN
SAURET
Avocat spécialiste
du droit de travail
de la sécurité
sociale et de la
protection sociale
Président du
Conseil scientifique
de Fidere Avocats

Le Conseil constitutionnel a explicité
le principe de laïcité : « le principe de
laïcité figure au nombre des droits et
libertés que la Constitution garantit,
qu'il en résulte la neutralité de l'Etat.
Ainsi, pour l'Etat et pour les entreprises
privées gérant un service public, la neutralité est la conséquence existentielle
de la laïcité. Mais le raisonnement était
jusqu'alors que l'entreprise ne pouvait
invoquer à son profit le principe de laïcité. On le comprend aussitôt quand
on se réfère à la définition du Conseil
constitutionnel. L'entreprise privée se
doit de respecter, continue le ministère
dans son guide pratique, la liberté de
ses salariés ainsi que de ses clients.
Dès lors, le droit pour un individu de
manifester ses convictions demeure.
Alors quadrature du cercle ? Oui si la
démarche consistait à chercher une
solution par une extension de l'application à l'entreprise privée du principe
de laïcité.
La neutralité en entreprise
Ainsi, la neutralité pour l'Etat et ses
agents n'est que la conséquence - positive et active - du principe de laïcité
reconnu par la Constitution qui assure le respect de toutes les croyances,
la neutralité étant entendue comme
l'absence de manifestation des convictions... notamment religieuses, du
fait de l'Etat et de ses agents, vers les
autres. Autrement dit, c'est l'attitude
de l'Etat et de ses agents qui se trouve
surveillée dans cette approche.
Bien au contraire, le principe de neutralité créé par la loi Travail, même s'il
intervient sous le même vocable n'est
Table des matières de la publication La revue RH&M - N°67 - Octobre 2017
