La revue RH&M - N°67 - Octobre 2017 - 10

LE GRAND ENTRETIEN
tat d'échec : l'échec du dialogue social
normal avec les organisations syndicales tel qu'il devrait fonctionner dans
l'entreprise. L'organisation d'un référendum peut cliver une entreprise,
faire naître des tensions internes fortes. Il peut être utile en cas d'échec
de la négociation et si l'employeur
est intimement convaincu que son
projet est bon pour les salariés, mais
il doit rester exceptionnel. En aucun
cas, il n'a vocation à devenir un mode
de régulation normale des relations
sociales.
Ne craignez-vous pas une
fronde des magistrats face à
une relative limitation de leur
autonomie (par exemple par le
plafonnement des indemnités
de licenciement ou dans le
contrôle des accords collectifs) ?
Absolument pas. Dans beaucoup
d'autres Etats de droit, comme
l'Allemagne et le Danemark par
exemple, il existe un référendum
impératif, et les magistrats le
respectent et l'appliquent. Je ne vois
pas pourquoi il en irait autrement en
France.
Ne pensez-vous pas qu'au-delà
de la réforme du droit du travail,
serait urgemment nécessaire
une réforme du coût du travail ?
Le coût du travail était trop élevé en
France, mais il a significativement
diminué au cours des dernières
années, notamment avec la mise en
place du CICE. Depuis 2014, la baisse
française conjuguée à la hausse allemande a conduit par exemple à ce

que les taux horaires se rejoignent
dans les deux pays, au moins dans
l'industrie. La conversion du CICE
en allègement de charges pérenne au
1er janvier 2019 permettra d'accroître
la baisse du coût du travail au niveau
des bas salaires, et de booster ainsi
l'emploi des personnes peu qualifiées.
Sur les autres niveaux de salaire, le
débat se poursuit entre les partisans
d'une nouvelle baisse, qui font remarquer à juste titre qu'avec les charges
sociales, le salaire superbrut de trois
ingénieurs français équivaut à celui
de quatre ingénieurs allemands, et
ceux qui leur font remarquer que les
baisses à ces niveaux ont tendance
à être mangées rapidement par des
hausses de salaire dans les entreprises...
Ne faut-il pas faire émerger un
droit de la relation de travail
non subordonné (travail
indépendant) ?
C'est un des grands chantiers des
mois et des années à venir. Mise en
évidence par les plateformes numériques, la question se pose dans l'ensemble des pays de l'OCDE et elle est
redoutable : comment sécuriser cette
nouvelle relation de travail qui crée
manifestement de la richesse pour la
collectivité, ce dont témoigne incontestablement le comportement des
consommateurs, tout en apportant
une protection sociale à ces travailleurs d'un nouveau type ? Il nous
faudra être inventifs, là aussi, mais le
jeu en vaut la chandelle, car il y a à
la clé du travail et de la richesse pour
la Nation.

P.10 | OCTOBRE 2017 | N°67 LA REVUE RH&M

Dans la mesure où ces
ordonnances remettent en
question le Code du Travail :
- Est-ce que cela va simplifier ou
compliquer la mission du DRH ?
- Quel message vous auriez à
leur transmettre sachant qu'ils
sont vos ambassadeurs dans les
entreprises ?
Avec les ordonnances, les DRH auront
un rôle encore plus stratégique dans
l'entreprise. Ils apportaient déjà une
valeur fondamentale par l'anticipation
des compétences clés, par la gestion
des talents, par la mise en place de dispositifs motivant les salariés. Désormais, c'est aussi, et peut-être surtout
dans la relation sociale qu'ils devront
innover : entre un DRH qui continuera
d'appliquer le code du travail tel qu'il
est aujourd'hui, avec ses contraintes et
ses lenteurs, et un DRH qui aura négocié une norme sociale plus souple,
plus réactive et en même temps plus
motivante pour les salariés, un conseil
exécutif verra vite la différence ! Par
sa capacité à proposer et à négocier
régulièrement le contrat social de
l'entreprise, qui embarque aussi bien
la question des salaires ou du temps
de travail que de la formation professionnelle ou des procédures de consultation et d'association des salariés à la
décision, le DRH deviendra, en France
du moins, le dirigeant décisif capable
de faire la différence pour la compétitivité de l'entreprise et l'engagement
des salariés.
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