ParaMag - N°402 - Décembre 2020 - 10

ADIEU
SOUL FLYER
Vincent Reffet..., Vince..., Babylon..., Soul Flyer..., ...Jetman.
Cruauté du destin, c'est après le mot «Jetman» que s'est écrit
le point final de sa vie terrestre, à l'âge de 36 ans.
À travers cette tragédie, son image aux multiples facettes
parachutistes a transcendé ce maudit mardi 17 novembre
2020, décuplée par la force des médias «grand public» et des
réseaux sociaux. La communauté parachutiste manifestait son
deuil, chacun à sa façon. Photos, vidéos de ses exploits, hommages et commentaires ont commencé à illuminer les écrans,
suite au départ de Vince.
Tout en évoluant le long de son fantastique parcours, Vincent
Reffet a su rester lui-même : «Vince», un personnage infiniment sympathique, profondément attachant et toujours ouvert
aux autres. Ce sentiment généreux persiste en regardant
inlassablement toutes ces photos, ces interviews, replongés
que nous sommes dans les interminables galeries des réseaux
sociaux. Son visage d'ange, que le temps ne pourra pas plisser,
sera à jamais éternel.
Ces sourires, son sourire, ces regards, son regard, nous transpercent agréablement. Ces images, son image, nous procurent
une impression de bonheur, alors que nous sommes tous profondément tristes. Le vrai bonheur était dans chaque victoire,
chaque aventure, chaque exploit. Il brillait dans les yeux de
Vince, comme un trésor trouvé avec Fred, son inséparable ami.
Et puis, par la force de leurs puissants sponsors et des médias,
ces trésors ils les partageaient avec le monde entier.
Oui, c'était leur job, mais ils l'ont toujours fait avec un enthousiasme débordant, une générosité infinie, avec une sincère
humilité, et toujours un profond respect pour leurs pairs, sans
jamais la moindre pointe d'orgueil ou de supériorité.
Ce bonheur, Vince et Fred l'exprimaient avec leurs mots :
«Chant-mé !» (...lorsqu'ils sont champions du monde),
«Truc de ouf» (...lorsqu'ils s'élancent d'une montagne,
puis remontent en plein vol dans le Pilatus).
De revivre ces souvenirs aujourd'hui nous transcende,
mais nous procure aussi un sentiment paradoxal parce que la
tristesse et la douleur se sont immiscées.
Le style «Fred et Vince» nous a régalés. Souvenez-vous,
en octobre 2012, sur le plateau de l'émission Le Grand Journal,
les Soul Flyers étaient invités aux côtés de Patrick Baudry
et de Michel Chevalet, pour revenir et commenter l'incroyable
record de Félix Baumgartner. Souvenez-vous de ce grand
moment, qui a marqué la communauté parachutiste,
lorsque les journalistes Michel Denisot et Daphné Bürki ont
demandé aux Soul Flyers : «À quoi ça sert tous ces exploits ?»
et que Fred a répondu, tout simplement «Ça sert à kiffer !».

Décembre20:402
paramag.fr

Souvenez-vous, en janvier 2018, comme ce fut savoureux
de regarder Fred et Vince passer à la télévision américaine !
Dans le fameux «talk show» TBS Team Coco, tout en
commentant les images de leurs fabuleux exploits,
les Soul Flyers répondaient aux questions de Conan O'Brien,
présentateur au style si particulier. Un exercice périlleux,
en mode bilingue pour Fred et Vince, où il fallait à la fois suivre
les pointes d'humour et les questions pertinentes de Conan
O'Brien. Un moment d'anthologie lorsque, à la question

«Est-ce que tout ceci est légal ?» Vince lui a tout simplement
répondu : " C'est pas légal, c'est pas illégal, ... Oublions cette
question ! " , laissant le présentateur ...sans voix !
Le commun des mortels sait que flirter sans cesse avec les
limites peut avoir aussi un prix à payer. «Noooon, pas Vince,
pas lui !» c'est ce que nous sommes beaucoup à penser à
l'annonce de son décès. Pour l'heure, au moment où ces lignes
sont en train de s'écrire, il demeure un point d'interrogation
avant le point final de l'accident en Jetman qui a emporté
Vincent Reffet. Une enquête est en cours. Alors, que ce qui
concerne Jetman reste, pour l'heure, chez Jetman.
Ne perdons pas de vue la perfection de la carrière parachutiste
de Vincent «Vince» Reffet. Un sans faute absolu qu'il a mené
de pair avec son co-équipier Fred Fugen. Ensemble, ils ont
commencé par maîtriser à la perfection le geste sportif au sein
de l'équipe de France «Babylon», montant à de multiples reprises sur les plus hautes marches des podiums internationaux
de freefly. Co-équipiers permanents sur trois cycles de l'équipe
de France : 2004 au Brésil, 2006 en Allemagne, et 2008 à
Maubeuge, ils sont devenus triples champions du monde.
À l'issue de cette brillante carrière sportive, Fred et Vince ont
rejoint Loïc Jean-Albert au sein de l'entité Soul Flyers. Grâce
aux sponsors, c'est une immense carrière professionnelle
qui s'est ouverte à eux deux, car c'est en duo que les Soul
Flyers ont continué. Disposant de moyens à la hauteur de leur
talent, ils ont frôlé, dépassé et repoussé sans cesse les limites,
réalisant d'incroyables exploits. À deux, ils étaient comme invincibles. Tant de fois ils sont passés ensemble dans «la faille»,
cette fameuse «faille entre le rêve et la réalité» évoquée par
Patrick de Gayardon. Et jamais, au grand jamais, ils n'ont failli.
Leur parcours parachutiste commun s'est inscrit dans cette
perfection absolue. À tel point que certains médias «grand
public» l'expriment ouvertement, à l'instar de l'Équipe : «Une
légende», «une inspiration», «un super-héros moderne», «un
grand monsieur qui a fait rêver la planète» et de 20minutes.fr
qui, le 19/11/2020 a publié un article intitulé «Vince Reffet,
l'homme volant n'était pas une tête brûlée».
Leurs talents, leur sens de l'innovation, leurs inspirations semblaient sans limite, comme le montrent ces innombrables photos et vidéos qui ont continué de fuser sur Internet, durant les
quelques jours ayant suivi l'accident. À la télévision, certaines
émissions de sport ont diffusé des hommages émouvants, par
exemple «Tout le sport» le mardi 17 novembre, ou Stade 2 le
dimanche 22 novembre, avec un magnifique reportage signé
Christian Choupin, sur France 3.
La veille, le samedi 21 novembre, la famille de Vince, son
épouse Agnès et Fred ont lancé, sur les réseaux sociaux, une
invitation à : «...Tout ceux qui ont fait partie de sa vie, qui ont
été touchés par sa vie à se rejoindre en pensée, avec ses amis
et sa famille, où qu'ils soient dans le monde, à 14h heure française, 17h heure de Dubaï et 8h heure de la côte est des ÉtatsUnis.../...pour simplement un moment où nous aimerions tous
nous savoir connectés les uns aux autres.» C'était le moment
où, à Dubaï, Vincent Reffet fut incinéré.
Au moment où ces lignes sont en train de s'écrire, c'est encore
pour beaucoup le temps des adieux, en continuant de regarder
toutes ces images incroyables et fantastiques, et drôles aussi,
pour certaines. Le moment de réaliser que le grand malheur
qui vient de se produire révèle aussi l'immense bonheur qui
a rempli toute la vie de Vince Reffet, bonheur qu'il n'a eu de
cesse de partager.
Bravo Vince. Et merci, on en a pris plein les yeux ! n
Texte par Bruno et Patrick Passe

https://www.youtube.com/watch?v=YfnIVxJKDB8 https://teamcoco.com/video/vince-reffet-fred-fugen-jumped-from-a-mountain-into-a-flying-airplane http://www.paramag.fr

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