ParaMag - N°398 - Juillet 2020 - 48

RÉFLEXION

DE LA LIBERTÉ
À LA SERVITUDE
VOLONTAIRE
Par Yves-Marie Guillaud

«Le saut en parachute, un moment de liberté rare»,
a écrit le médecin et homme politique Pierre Morange
après un saut en tandem. Si le parachutisme, c'est la
liberté - du moins les parachutistes le croient-ils - c'est
une liberté très surveillée par une réglementation
pléthorique de nature jacobine et pyramidale.
Jacobine, car totalement centralisée, et pyramidale,
car tout est décidé à la pointe de la pyramide fédérale
dont les pratiquants constituent une base sans voix ni
voix, et les écoles et clubs un échelon intermédiaire
aphone, mais avec voix pour voter.

La crise sanitaire a révélé «notre
incroyable docilité, une résignation à
fendre l'âme» a déclaré Bernard-Henri
Levy (BHL) dans Le Point, faisant référence à «une servitude volontaire, façon
La Boétie». Il fait ainsi référence à Étienne
de La Boétie, auteur du «Discours de la
servitude volontaire» en 1576, réquisitoire
contre l'absolutisme posant la question
de la légitimité de toute autorité sur une
population et essayant d'analyser les
raisons de la soumission de cette dernière
dans un rapport autorité-servitude.
Il démontre que la servitude, en apparence forcée, est en réalité volontaire :
un petit nombre ne peut dominer durablement une société sans la collaboration
active ou résignée d'une partie de ses
membres.
À l'AG de la FFP du 14 mars dernier,
l'échelon intermédiaire dont il est question
ci-dessus a approuvé l'élite dirigeante
sans barguigner avec une quasi parfaite
unanimité. On pense à nouveau aux propos de BHL pour qui la pandémie «nous
a ramenés à l'âge de la garderie et du jardin d'enfants», rejoint par l'avocat Patrice
Spinosi pour qui «l'État s'est comporté
comme un surveillant de cour d'école,
distribuant les bons points et les punitions». Dans le parachutisme, la dernière
distribution de bons points a eu lieu le 14
mars dernier. À quand la prochaine ?

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La crise a secoué la bureaucratisation de
la société française, a révélé l'ampleur du
désastre et a rappelé subséquemment
que les libertés sont consubstantielles à
l'idéal démocratique. «Il faut casser les
pyramides, décentraliser les décisions,
débureaucratriser la société, dynamiter

le mammouth, supprimer des structures
aussi superfétatoires que tentaculaires.
C'est le système tout entier qu'il faut
remettre en question», a écrit le
chroniqueur Franz-Olivier Giesbert (FOG),
dans un éditorial du Point début juin
dernier.
Dans les présentes colonnes, on s'inquiétait
déjà il y a 11 ans, en mars 2009
(Réflexion Grenelle), de cette prégnance
d'une relation autorité-servitude, de
l'étouffant assoupissement généralisé,
du glissement d'un contrat social vers un
contrat nounou : donne-moi tes libertés et
je te garantis en échange une absence de
responsabilité si tu respectes toutes mes
réglementations sans rien dire.
Il était écrit : «Certes, on a eu durant les
quatre années passées la Commission
Prospective chargée de réfléchir à l'avenir
du parachutisme à moyen terme. Qui a
eu connaissance de ses études, de ses
analyses et de ses conclusions? N'a-t-elle
servi qu'à la rédaction du programme
d'une des listes candidates au Bureau
Directeur ? Confidentielle, elle n'a pas
apporté la bonne réponse au sentiment
de confiscation de la parole. Peut-être
même a-t-elle contribué involontairement
à la masquer.»
«Le mot est à la mode: il faut un
«Grenelle du parachutisme». Pas un
énième CTN confidentiel où les mêmes
se retrouvent entre eux et où l'on n'expose
plus que la langue de bois. Non!
De vrais États Généraux du parachutisme.
Un grand rassemblement où tous ceux
qui veulent s'exprimer puissent le faire,
qu'ils soient pratiquants, moniteurs,

Photo Yann Coajou - www.gamin-out.com

paras-pros, bénévoles, professionnels,
associatifs, indépendants, commerciaux...
Sortir la parole de la salle de réunion
close, hermétique, sans fenêtre ni
ouverture, du siège de la FFP. Redonner
la parole. La remettre dans le champ
public. Écouter et entendre.
Expliquer et rendre compte. Vite!»
Vite ? Onze ans et deux président(e)s plus
tard, on n'en sait pas plus sur les conclusions et propositions de la Commission
Prospective mais la FFP a organisé le 30
novembre 2019 une journée de réflexion
sur l'avenir du parachutisme. On n'en
connait pas non plus les conclusions
et propositions. Daniel Grand, qui y a
participé, a écrit sur le site Facebook du
Groupe des abonnés à ParaMag :
«L'ensemble du parachutisme sportif
n'était pas convié à débattre de son
avenir. Chacun est reparti avec ses
problèmes. Et pour les plus généreux
avec ceux des autres». ParaMag, dans
un article de janvier 2020, a rappelé
quelques-unes des nombreuses propositions concrètes régulièrement publiées
dans ses colonnes.
On ne peut s'empêcher de faire référence
au GTR (Groupement de Travaux et de
Recherches), rassemblement informel
de tous ceux qui voulaient réformer le
parachutisme à la fin des années 70
et dont le souvenir a été rappelé ici le
mois dernier. Faut-il créer un GTR 2.0,
un GTR constitué d'un réseau d'échange
d'idées, de projets, de réalisations futures
propres à faire entrer le parachutisme
dans une troisième ère, l'ère 2.0, après
l'ère militaire et l'ère technocratique ?
La nouvelle équipe dirigeante qui sera

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