ParaMag - N°390 - Novembre 2019 - 52

PÉDAGOGIE

il multiplie les interactions visuelles
avec les élèves pour sonder leur niveau
de vigilance, leur concentration, leur état
émotionnel, mais aussi et surtout pour
maintenir et soutenir le lien (le transfert)
avec lui. Ce soutien favorise l'investissement de l'élève dans son saut et dans la
bonne réalisation des techniques exposées lors du briefing.
Avec certains élèves, la communication
est plus difficile parce qu'ils ne sont pas
accessibles. Ils ne sont pas en confiance
et parfois n'aiment pas l'autorité. Ils ont
besoin de s'assurer que le moniteur
maîtrise parfaitement son sujet, et de
comprendre que l'on agit pour leur bien.
«Le plus important est de rendre les
élèves autonomes dans leurs réflexions.
Je leur apporte les bases théoriques. En
réfléchissant, ils produisent le reste»,
nous dit Ahmed Sféri.
Il est évidemment bien plus pédagogique
d'expliquer à un élève comment et pourquoi une technique fonctionne plutôt que
de lui dire quoi faire. La compréhension
est une clé qui accélère la progression.
Cette accélération a pourtant ses limites.
Ahmed Sféri constate une évolution des
mentalités chez les sautants en quête de
progression. Depuis quelques années,
un certain nombre d'élèves cherchent
une progression très rapide et caressent
des objectifs très ambitieux. Ils ne mesurent pourtant pas la quantité de travail
nécessaire pour arriver à leurs fins. «Ils
veulent aller trop vite, brûlent les étapes
et sont obligés de revoir leurs objectifs à
la baisse» nous dit Ahmed Sferi.
Voilà qui nous renvoie au marqueur
hiérarchique qu'est le diplôme. Le brevet
semble être devenu pour certains un objectif final, alors que c'est à partir de son
acquisition que tout commence. À l'instar
de la ceinture noire en arts martiaux
et sports de combat, l'acquisition d'un
brevet n'est qu'un point de départ. Cette
comparaison n'est pas un hasard. Dans
l'esprit commun, la ceinture noire est une
qualification qui tend à faire penser que
celui qui la porte n'a plus rien à

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«L'acquisition
d'un brevet
n'est qu'un
point de
départ.»

une voie de progression efficace.
C'est pourquoi la qualité de progression
d'un sautant ne s'apprécie qu'avec le
rapport entre le niveau technique et le
nombre de sauts effectués pour y arriver.

apprendre, car il est devenu un expert.
Alors que ce n'est pas ça. Celui qui porte
une ceinture noire maîtrise l'ensemble
des techniques de son art, mais il a
encore beaucoup à découvrir et à apprendre. De manière un peu différente, le
passage des brevets est la validation du
minimum requis pour pratiquer certaines
techniques en groupe.

Le durcissement des diplômes d'État
en termes de pédagogie et d'exigences
techniques est un bon signe. La qualité
des futures générations de parachutistes
en dépend.

Il n'est pas un secret que parfois, certains
brevets fédéraux sont accordés de
manière complaisante. Par copinage, ou
parce qu'après de très nombreuses tentatives, le moniteur lassé, finit par accorder
le brevet à l'élève alors que les prérequis minimums ne sont pas totalement
maîtrisés.
Lorsqu'un brevet technique est accordé
avec trop de largesse, cela renvoie à
l'élève une fausse image de lui-même, le
leurrant sur ses capacités. Après l'acquisition d'un brevet, beaucoup d'élèves deviennent moins rigoureux et ont tendance
à relâcher leur vigilance jusqu'à ce qu'une
situation dangereuse ne les rappelle à
l'ordre.
Voilà une spécificité du parachutisme :
une fois le brevet en poche, le sautant
n'est plus dans l'obligation de pratiquer
sous le regard d'un instructeur. Il est
ainsi libre de pratiquer sans jamais être
observé, si ce n'est par ses pairs. Certains
pratiquants se perdent dans des sauts
dits «fun», qui, s'ils font clairement partie
du plaisir du parachutisme, ne sont pas

Sans aucun doute la complaisance doit
être la moins tolérée lorsqu'il s'agit
d'attribuer des brevets d'initiateurs.
La responsabilité est trop grande.
Tant en termes de sécurité que de qualité.
Un enseignant moyennement compétent
fera des élèves moyens qui deviendront à
leur tour des enseignants moyens.

Conclusion

La vitesse de progression d'un élève
dépend de ses moyens financiers, de sa
volonté, de sa confiance en lui, mais surtout de son enseignant. Sans ce dernier,
l'élève est condamné à perdre son temps
et son argent, à tâtonner. Seul, il finira par
y arriver. Mais à quel prix ? Et en combien
de temps ?
La qualité d'un enseignement dépend
intrinsèquement de la relation entre
l'instructeur et son élève. La responsabilité est immense pour celui qui se destine
à enseigner. Emprunter cette voie pour
combler un manque de confiance en soi
ou pour gonfler son égo est la chronique
d'un échec annoncé pour ses futurs
élèves. On ne devient instructeur que
pour instruire, pour transmettre sa passion et non pour obtenir de la reconnaissance de l'autre.
Il n'y a pas plus d'enseignant ultime
que d'élève parfait, mais l'un possède le
savoir et l'expérience, l'autre pas.
Et si l'enseignant accompagne, soutient,
cadre et guide, en aucun cas il n'influence, ne maitrise ou ne contraint.
Il met à sa disposition son savoir et son

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