ParaMag - N°358 - Mars 2017 - 31

J'ai obtenu une permission spéciale de
l'USPA, la fédération américaine, pour
ouvrir mon parachute en dessous de
l'altitude réglementaire en saut d'avion.
Cela me permettait de continuer à chuter
jusqu'à seulement 300 mètres au-dessus
du filet.

Si tu avais eu complètement le choix,
à quelle altitude aurais-tu sauté ?
Je pense que j'aurais choisi de sauter à
3000 mètres. C'était suffisant pour faire
ce que j'avais à faire, sans avoir à
attendre durant une longue chute libre
de plus de deux minutes.

J'utilisais un parachute classique,
un sac-harnais Infinity de marque
Velocity et de modèle standard,
mais équipé d'un système MARD
(système mécanique de déploiement
assisté du parachute de secours) au cas
où j'aurais eu à résoudre rapidement un
incident d'ouverture. Ma voile principale
était une voile de BASE jump, de type
Squirrel IBEX 205. Pour mon entraînement, j'ai effectué 341 ouvertures
basses avec ce matériel, et je n'ai eu
aucun problème.

Pourquoi ne pas avoir emporté un parachute ? Tu aurais très bien pu emmener
un parachute, en "roue de secours",
comme l'avait fait Gary Connery ?
J'ai fait tellement de sauts d'entraînement en ouvrant à proximité du filet
que j'étais certain à 100% de l'atteindre.
Je n'avais absolument aucun doute làdessus. La seule chose que je ne
pouvais pas simuler, et pour laquelle
je ne pouvais pas m'entraîner en
conditions réelles, c'était l'impact
à vitesse terminale dans le filet.

Dans ces circonstances, j'ai donc eu tout
le loisir de me familiariser avec le
système de guidage. Qui plus est,
à cette hauteur et à seulement quelques
secondes de l'impact, le système m'indiquait avec précision mon point de chute
théorique. Durant la phase finale
d'entrainement qui a précédé la cascade,
j'ai réussi à m'aligner exactement sur le
centre du filet durant 82 sauts consécutifs. Ma précision était telle que j'étais
certain à 100% de tomber dans
le Fly Trap.

Arrivé à ce stade, le parachute sur mon
dos ne présentait plus une garantie,
c'était plutôt un risque : celui de me
briser le dos à l'impact, en cas de
mauvaise réception dans le filet.
Nous en avons longuement discuté avec
mon épouse, qui est une parachutiste
confirmée totalisant plus de 2000 sauts.
Logiquement, en éliminant le parachute,
nous éliminions le dernier risque...
Le choix de ne pas emmener de parachute
fut fait initialement et dans ces conditions. Mais 24 heures avant la cascade,
alors que j'avais l'autorisation de la FAA*,
le SAG** a voulu m'obliger à emporter
un parachute de secours. Tout était
remis en question et la décision d'aller à
l'encontre de cet important syndicat était
difficile à prendre. Avant le saut, mon
épouse Monica elle-même m'a conseillé
de ne pas emporter le parachute avec
moi ! C'était devenu surréaliste...

Il restait un autre point essentiel :
la manœuvre de retournement.
J'ai fait des sessions en soufflerie pour
m'entraîner à faire une transition
absolument verticale, sans déraper.
Je me suis fait aider par les acrobates du
célèbre Cirque du Soleil pour apprendre
à me recevoir correctement dans un filet.
Le corps doit être parfaitement à l'horizontale, durant un impact à 190 km/h,
une inclinaison tête en bas est à éviter
impérativement. Pour m'y entrainer,
j'ai fait des sauts de grue, directement
dans le filet.
Puis il a fallu adapter la manœuvre de
retournement par rapport à une
transition parachutiste classique.

Quel sentiment, quelles sensations a-ton lorsque l'on quitte un avion sans
parachute et sans "plan B" ?
Bien sûr, j'étais concentré à 100% sur
ce que j'avais à faire et j'étais aussi
confiant à 100%. Mais il y a eu ce doute
avec le parachute, qui persista durant
le début de la montée en altitude :
j'étais confronté à un choix crucial,

31
*FAA : Federal Aviation Administration,
agence gouvernementale en charge de l'aviation
civile aux États-Unis.
**SAG : Screen Actors Guild, syndicat des acteurs
du cinéma et de la télévision aux États-Unis.

Mars17:358
paramag.fr

25.000 pieds (7620 m),
pourquoi as-tu sauté si haut ?
C'est ce qui avait été annoncé aux
sponsors dès le début du projet,

INTERVIEW

il s'agissait de fournir du sensationnel,
une hauteur hors normes. Et cela ne
m'enchantait pas au début, car l'emport
d'oxygène était une contrainte
supplémentaire, tandis que le gain
d'altitude n'apportait rien dans la
faisabilité de la cascade, au contraire.
Mais l'affaire avait été conclue comme
cela dès le départ et nous ne pouvions
rien en changer.

>

Comment t'es-tu entraîné pour cette
cascade ?
J'ai fait plus de 300 sauts d'entraînement
pour caler tous les aspects techniques
de la cascade. Évidemment, le plus important était d'obtenir la certitude que
j'atteindrais ma cible le moment venu.
Et je devais aussi effectuer une manœuvre de retournement parfaite pour ne
pas me blesser dans le filet.
http://www.paramag.fr
ParaMag - N°358 - Mars 2017

Table des matières de la publication ParaMag - N°358 - Mars 2017
