ParaMag - n°357 - Février 2017 - 38

DOSSIER

première expérience de la chute et du
vol avec tout ce que cela comporte
d'émotions diverses, variées et contradictoires. Il y a un avant...et un après.
(N.D.L.R. : Voir aussi le récit "Jump or
not to jump, that is the question" dans
cette édition.)
Certains parachutistes ne passent pas
par le baptême. Ils entrent directement
en formation. Ceux-ci sont en général
déjà sensibilisés, pour ne pas dire initiés
par un groupe d'amis ou de parents
pratiquants. Ils restent minoritaires.
Les motivations inconscientes sont par
nature difficiles à appréhender, à comprendre, parce qu'elles nous échappent
en grande partie. Elles sont pourtant au
travail en permanence dans notre esprit,
en particulier pour ce qui concerne notre
rapport à la mort.

Le refoulement
Depuis que nous avons compris et intégré le caractère irréversible de la vie,
nous refoulons sans cesse dans notre
inconscient l'idée que nous allons mourir. Et c'est très bien comme ça ! À quoi
ressemblerait notre existence si nous
vivions chaque jour comme un pas de
plus vers le trépas ! Le refoulement fait
partie de ce que l'on appelle, en psychanalyse, les mécanismes de défense.

Malheureusement, cette idée ne reste
pas cachée bien longtemps, car les
décès s'annoncent aux vivants avec une
fréquence et une «distance» relative.
C'est précisément de cette «distance»
que dépend le surgissement plus ou
moins brutal et ponctuel de l'idée de
notre propre mort.
Lorsque vous apprenez par les informations télévisées la mort de dix personnes
dans un accident d'autocar dans un pays
lointain, vous trouvez cela dramatique,
mais vous reprenez rapidement le cours
de votre pensée. Lorsque vous apprenez
le décès du père de votre voisin, vous
êtes peut-être triste pour lui et pensez à
votre père, à sa mort possible ou déjà
passée.
Lorsque vous perdez le dernier de vos
parents et que vous êtes l'ainé de la
fratrie, vous vous dites que vous êtes le
prochain dans l'ordre naturel de la vie,
en espérant que cela soit le plus tard
possible. Mais lorsque vous apprenez
qu'un parachutiste est mort et que vous
êtes vous-même parachutiste,

Ces derniers sont des processus mentaux qui s'actionnent indépendamment
de notre volonté. Ils interviennent de manière automatique pour protéger notre
psychisme d'une surcharge de tension.
Ils ont donc une fonction de protection.
Pour comprendre à minima ce que peut
être l'inconscient, on peut imaginer
l'esprit comme un théâtre dont la scène
serait «le conscient» et les coulisses
«l'inconscient». Ce qui se déroule sur la
scène s'est d'abord construit en coulisse.
Nous traversons donc la vie en mettant
soigneusement «de côté», ou devrais-je
dire «bien au fond» de notre inconscient,
la perspective de notre mort future. Le
refoulement est une nécessité pour le
petit enfant qui découvre rapidement
que la vie est un compte à rebours dont
la durée est incertaine. Cette découverte
macabre sera rapidement refoulée.

"Grâce à sa pensée, l'humain a pu se construire
des branchies et des ailes artificielles...
et vivre ses rêves."

Février17:357
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Sur la base aérienne 200 d'Apt-Saint-Christol,
Fred Fugen est prêt pour un vol Jetman,
durant le tournage du film Alpha Jetman,
en octobre 2016.
Photo André Bernet - Airborne Films - Jetman Dubaï

vous vous dites que ça aurait pu être
vous ! Et si vous étiez lié d'affection avec
la personne décédée, s'ajoute à votre
angoisse un profond malheur.
Si vous voyez où je veux en venir, c'est
que vous avez compris que plus on
s'identifie à la victime décédée, plus l'angoisse liée à l'idée de notre propre mort
est importante. C'est cette identification à
l'autre (décédé) qui vient remettre à jour
le choix de la pratique de notre sport.

Des ailes
artificielles
Les parachutistes, les plongeurs sousmarins ainsi que les pratiquants d'autres
sports dits «extrêmes» cultivent un
paradoxe : ils disent ne pas vouloir
mourir, mais se mettent en danger
constamment.
Il est évident que sauter d'un avion en
plein vol et faire tenir sa vie en suspens
à quelques mètres de corde et de tissu
pour d'autres raisons que celle de sauver

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