ParaMag - n°344 - Janvier 2016 - 53

Niles est arrêté sur place et jeté en prison
sous l'accusation de "troubles à l'ordre
public", en attendant une éventuelle
libération sous caution. Mais il est relâché
rapidement, car il s'avère qu'aucune loi
californienne ne s'applique contre le fait
de sauter d'un pont en parachute.
Une chance pour lui, dont il va abuser
immédiatement.

Échec et mat
à l'Empire State
Building
Le 10 mai, Niles réitère son exploit
à l'Oakland Bay Bridge, l'autre grand pont
de San Francisco. Il saute d'un des piliers
du pont, de 500 pieds de haut,

Pourtant la prison ne calme pas Robert
Niles. On le retrouve le 26 août à New
York, où il saute en parachute du pont
Georges Washington, 225 pieds de haut.
Provocateur, il déclare à la presse que ce
saut n'est qu'un entraînement pour un saut
en parachute plus spectaculaire, du plus
haut building du monde, 1 250 pieds de
hauteur. Et qu'il réalisera ce saut avec sa
petite amie Vicky Gray dans les bras !
Le projet a l'air vraiment fou, à moins qu'il
ne se soit lassé de Vicky, et qu'il s'agisse
en fait d'un divorce à l'américaine...
Les journalistes publient l'information.
Sur le moment Niles ne s'en rend pas
compte, mais sa vantardise naturelle va
lui jouer un mauvais tour.
Tout le monde à New York comprend
qu'il s'agit de l'Empire State Building,
l'immeuble de 102 étages qui trône au
milieu de Manhattan. Et Niles y est attendu
de pied ferme. C.L. Brown, le chef de la
sécurité de l'Empire State Building,
met tous ses gardes en alerte, et déclare

laconiquement : "Il ne pourra pas le faire !".
Brown tient parole : chaque employé du
building, les gardes, les policiers en civil,
les liftiers, tous ont dans leur poche la
photo de Robert Niles. À l'entrée des
ascenseurs, le personnel contrôle tout
paquet assez grand pour contenir un
parachute, ne laissant aucune chance
à un complice de Niles d'y introduire
son matériel.
Devant cette mobilisation, Robert Niles
jette l'éponge, quitte son hôtel le 1er
septembre et disparaît de New York.
Mais il n'abandonne pas pour autant
l'idée de sauter un jour de l'Empire
State Building.

HISTORIQUE

Niles est en bonne santé, juste un peu
brûlé par sa glissade le long de la corde.
Après l'avoir repêché dans le courant fort
du Golden Gate, le bateau à moteur des
photographes le dépose sur la côte,
où la police l'attend.

bien au-dessus de la chaussée.
Un joli saut au terme duquel il est à
nouveau arrêté par la police. Cette fois-ci,
le juge ne lui fait pas de cadeau.
Il est condamné à un mois de prison
ferme pour avoir "mis en danger la
circulation routière".

l'impact mais qui s'en remettra, il est le
seul à avoir survécu à une chute du
Golden Gate Bridge depuis sa construction
en 1937. Ce pont mythique comptait déjà
110 suicides connus à cette époque.

L'Aigle brisé
de Frisco
Robert Niles réapparaît début 1950 avec
un nouvel objectif, le pont de Pasadena,
155 pieds de haut. Ce pont autoroutier de
Colorado Street est connu comme le
"Suicide Bridge", à tel point qu'un grillage
fut installé dès 1937 pour dissuader les
tentatives répétées. Niles décide d'y
appâter les journalistes le 14 février,
avec ce qu'il appelle "un saut de la SaintValentin dédié aux amoureux qui se sont
suicidés ici".

OIL
DERRICK BASE JUMP 1963
Récit de Bill NEWELL, publié dans la presse américaine des années 60
"Ce saut a été réalisé par mon copain Ken Barnes en mars 1963, sur l'un des vieux
derricks de pétrole construits en bois et surplombant Taft, en Californie. Il a été le seul
à l'avoir fait deux fois. Ken Barnes, Andy Anderson et Dave Bristow l'avaient d'abord fait
quelques semaines plus tôt.
J'étais présent la seconde fois. Anderson, qui avait la quarantaine passée, ne vint pas cette
fois-là. J'accompagnai Bristow au sommet du derrick de pétrole pour l'assister au départ.
Il utilisait un parachute 26' Conical pour ce second saut parce qu'il pesait presque
200 livres, et qu'il s'était "tapé le cul" la première fois. Le vent soufflait jusqu'à 15 miles
par heure.
Lorsque Dave déploya son parachute, il se gonfla vers le bas et commença à le tirer
par-dessus la rambarde. Je l'attrapai et l'aidai pendant qu'il essayait de libérer la voilure.
J'ai presque failli le lâcher, et après s'être débarrassé du parachute Dave était plutôt
choqué. Il mit en cause l'orientation du parachute vers le bas dans le vent, et l'apex plein
du parachute 26' Conical. Il ne réessaya plus jamais.
Ken était là avec son parachute 24'. Il avait déjà bu quelques bières en bas, et apporté avec
lui deux bouteilles de "Coors" au sommet du derrick. Alors qu'il gonflait son parachute,
il essaya de le faire monter plus haut que lui-même. Mais après deux ou trois essais,
le mieux qu'il réussit à obtenir ne dépassait pas le niveau de sa tête.
Lorsque Ken sauta, il y avait du mou dans les suspentes. Elles se mirent en tension juste
sous la première passerelle, et il remonta les jambes pour éviter qu'elles touchent un câble
d'acier tendu jusqu'au sol.
Ken portait des bottes de cow-boy, et il se tapa les fesses un bon coup par terre à
l'atterrissage. Boîtant fort, il retourna à la voiture se prendre une autre bière.
Cela a été la dernière fois qu'il a jamais essayé. Il avait 24 ans."

Légende photo ci-dessus :
Un des derniers vieux derricks de Taft, en bois, avec ses câbles d'acier que Ken Barnes évita de justesse
lors de son saut depuis la plateforme sommitale, en mars 1963. Ken Barnes déployait la voile
de son parachute dans le vent, la gonflait du mieux qu'il pouvait, et sautait dans le vide. Photo DR.

Janvier16:344
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