ParaMag - n°312 - Mai 2013 - 13

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LE STATUT SOCIAL
DES INDÉPENDANTS

Un parachutiste professionnel a questionné l’URSSAF de Grenoble,
et l’Aviation Civile, sur la légalité sociale de son organisation. Et c’est
tout le parachutisme qui est en ébullition. Pour une fois, sociétés,
associations fiscalisées ou non, parachutistes professionnels,
professionnels du para-chutisme sportif, bénévoles, se rejoignent
dans une commune et soudaine angoisse.
La question porte sur la protection sociale du moniteur ou travailleur
non salarié exerçant en qualité de prestataire externe au sein
d’une structure. Dans le milieu parachutiste il est appelé
«indépendant».
Pour apprécier la position de l’URSSAF de Grenoble, il faut rappeler
qu’aux termes de l’article L.311-2 du Code de la Sécurité Sociale
(CSS) sont affiliées au régime général des assurances sociales
toutes les personnes «salariées ou travaillant à quelque titre ou en
quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels
que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme,
la nature ou la validité de leur contrat».
Peu importe donc la nature du contrat (par exemple un contrat de
prestations de service pour la réalisation de tandems) ou à quel titre
est réalisé le travail (par exemple en tant que parachutiste
professionnel indépendant).
L’URSSAF de Grenoble écrit, dans sa lettre du 20 mars 2013, que
le statut social d’une personne est d’ordre public. Il ne résulte pas
de la volonté des parties, et «seules les conditions de fait dans
lesquelles est exercée l’activité permettent de déterminer sa nature
salariales ou non».
Elle précise encore que le rattachement d’une personne au régime général
s’apprécie selon trois éléments : l’existence d’un lien de subordination,
l’exercice d’un travail dans un cadre organisé et l’absence de risque
économique. Elle en détaille les critères d’appréciation.
Selon l’URSSAF de Grenoble, une entreprise qui réalise des
tandems grâce à des salariés mais qui élargit son équipe avec des
prestataires extérieurs dans le cadre de contrats de prestations de
services doit les affilier au régime général des assurances sociales
(celui des salariés), quel que soit leur statut juridique (par exemple
société commerciale).
Faut-il en conclure que tous les «indépendants» devraient
systématiquement être affiliés au régime général par les structures
au sein desquelles ils exercent ? Ce n’est pas certain, car l’avis de
l’URSSAF de Grenoble ne l’engage qu’envers celui qui l’a interrogée
et que pour le seul cas proposé.

En effet, dans le descriptif de la prestation confiée au prestataire,
l’URSSAF de Grenoble retient que «l’agent d’accueil lui confie des
clients pour lesquels il réalise…». Il s’agit donc bien du cas où le
prestataire traite les clients de la structure et non pas ses propres
clients. Quelle serait l’appréciation de l’URSSAF de Grenoble s’il
traite ses propres clients ? La question n’a pas été posée.

La lettre de l’Aviation Civile du 25 mars 2013 est plus générale. Il y est
rappelé «que le choix du régime social des indépendants pourrait être
effectivement remis en cause par l’URSSAF s’il était établi que les moniteurs
de parachutisme se trouveraient dans une relation de travail subordonnée
à l’égard de l’exploitant (de l’aéronef) ou de toute autre personne».
Tout ceci n’est pas vraiment une découverte pour ceux qui
s’intéressent aux législations applicables au parachutisme et qui
savent bien que le statut «indépendant» ne protège pas d’une
requalification par l’URSSAF. La nouveauté réside seulement dans la
découverte qu’en font certains et qui permettra peut-être enfin des
corrections de dérives connues.
En cas de requalification, la structure risque une réclamation
d’arriérés de cotisations sociales avec intérêts et pénalités et des
sanctions pénales applicables en matière de travail dissimulé. On
peut penser que si le travailleur indépendant est affilié au régime
social des indépendants la faute serait moins grave que s’il n’était
affilié nulle part, mais ce n’est même pas sûr.
En outre, le nouveau salarié, ex-indépendant, pourrait réclamer des
arriérés de salaire pour la totalité du temps pendant lequel il était à la
disposition de l’employeur. La chambre sociale de la Cour de Cassation
est sévère à ce sujet. C’est le cas d’un moniteur passant sa journée à
attendre une fenêtre météo, même s’il l’attend chez lui : il est alors à la
disposition de l’employeur et doit recevoir un salaire pour toute la journée…
Il est clair que l’usage par une structure d’un travailleur indépendant
pour réaliser des tâches destinées à ses «clients» la met dans une
situation dangereuse vis-à-vis de l’URSSAF, du droit du travail et du
droit pénal. Surtout s’il n’a pas de clientèle propre et encore plus s’il
exerce toujours au sein de la même structure, auquel cas il n’y a
même plus à discuter : la requalification est certaine.
La lettre de l’Aviation Civile du 25 mars 2013 évoque un autre sujet.
Elle rappelle que selon un arrêté du 24 juillet 1991, le parachutisme est
une «activité de travail aérien» et non du «transport public». Il s’ensuit
qu’un exploitant d’aéronef largueur ne peut se borner à vendre des titres
de transport, appelées «places avion» par certains.
Sa responsabilité inclut les tâches des moniteurs, même nonsalariés. L’Aviation Civile informe que les projets de textes européens
vont dans le même sens : la responsabilité de l’exploitant s’étend à
tous les personnels impliqués dans le parachutage, salariés ou non.
On voit ainsi que le statut d’indépendant, très répandu dans le milieu
para-pro, et qui s’étend dans le milieu para sportif, n’est pas sans
inconvénients majeurs. Même si la position de l’URSSAF de
Grenoble n’engage pas toutes les URSSAF et même si cette position
n’est pas exempte de possibilités de discussions, le contrat de soustraitance étant une réalité contractuelle fréquente sans remise en
cause du statut social du sous-traitant, il n’en demeure pas moins un
fort risque de requalification.
Pour conserver une maigre chance d’échapper à une requalification,
il est indispensable qu’au moins le moniteur indépendant ait une
substantielle clientèle propre et exerce régulièrement dans des
structures différentes. Il est heureux que d’aucuns prennent enfin
conscience du problème.

C’est comme pour la question de l’alcool (ParaMag n°306 et 307) : tant
qu’il n’y a pas de contrôle ou d’accident, ça fonctionne très bien. Et celui
qui tire la sonnette d’alarme apparaît comme un sinistre et inutile gêneur
à écarter, qui aurait mieux fait de se taire même s’il avait raison. ■

Mai13:312
paramag.fr

Il s’agit du cas où le prestataire extérieur, régulièrement inscrit au
RCS et possédant des parachutes tandems ainsi qu’une clientèle
propre, réalise des sauts tandems pour les clients de la structure.

Par
Yves-Marie
Guillaud

http://www.paramag.fr

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