ParaMag - n°308 - Janvier 2013 - 28

MONDIAL 2012

Eloy Arizona, février 2011, les débuts de notre équipe commencent dans la douleur. Après la défaite du précédent championnat du monde en Russie, nous arrivons, avec de nouvelles voiles de Performance Designs et de nouveaux espoirs. De l’ancienne équipe, il reste Frédéric Bourinet, Vincent Coliac, et moi-même devenu capitaine de l’équipe.
Le signe de la victoire pour l'équipe de France, sur le podium séquence. Photo Willy Boeykens

Janvier13:308 paramag.fr

>
et, comme si une certaine fatalité voulait tester notre mental, les Américains affichent 12 également. C’est chaud, très chaud, la tension est à son paroxysme ! Au sein de l’équipe, chacun gère à sa manière l’énorme pression dans l’attente du 8ème et dernier saut. Ça y est, enfin ! L’appel à 15 minutes, puis 5… Jean-Michel nous insuffle ses dernières paroles et sans doute les plus belles. Nous partons pour LE saut. C’est le meilleur que nous devons donner, nous le savons. Toutes ces années, tout ce travail… tout cela va se jouer sur un seul saut ! Sur la route qui nous mène à l'embarquement, des mains viennent claquer dans les nôtres, les encouragements sont plus vifs que jamais et nous transcendent. Je peux encore les entendre. Nos regards se croisent et nos cœurs battent la chamade. À ce moment précis, je me suis sentie inébranlable. Et si le sort révélait que nous étions moins forts que nos adversaires, nous n’aurions aucun regret à avoir car, pour ces championnats du monde magnifiques, nous avions tout donné ! 2 500 mètres. Dans un «OK» retentissant, nous quittons l’avion, le mors aux dents pour ce dernier combat. Et puis… plus aucune crainte, seulement les points qui s’enchaînent au cours d’un saut cadencé comme le mécanisme d’une horloge parfaitement réglée ! Après quatre cycles de travail et 16 points réalisés, nous sommes surpris par de fortes turbulences. Je jette un coup d’œil furtif à mon altimètre. Nous sommes déjà à 1 200 mètres. Je suis toujours dans l’élan de la hargne et j’ai du mal à accepter que le combat soit maintenant fini. Mon regard enflammé croise celui de Guillaume qui, dans un hochement de tête et le sourire aux lèvres, me dit : «C’est bon !» Je réalise alors que la séquence que nous venons d’enchaîner est une vraie réussite. Nous atterrissons vidés, mais heureux. Nous rentrons à la drop zone pour nous livrer à notre activité «favorite» : l’attente. 16 heures, le jugement de la finale arrive sur le grand écran. Les USA affichent 12 points, pas mal… Après un court délai qui semble pourtant interminable, voici la France. Le saut démarre : 1..2..3… 11 points. Nos visages se déforment et nos yeux scrutent le chrono qui s’apprête à donner le gong. Le 12ème point entre dans les temps sans aucun doute… et le 13ème aussi ! Nous sommes champions du monde ! On l’a fait, sur un saut qui conclut une compétition à en perdre haleine. Instantanément, c’est l’explosion de joie, les cris, les pleurs, l’effervescence générale ! C’était à cette condition unique que je m’autorisais des larmes… j’ai déversé un océan de joie ! Bien au-delà de la fierté d’avoir battu son adversaire, le titre de champion du monde est avant tout un cadeau rare enveloppé dans un bonheur infini, avec un profond sentiment d’accomplissement. Être champion du monde, c’est une superbe leçon de vie, un véritable pacte avec la foi. Merci à mes quatre équipiers, compagnons d’aventure ! Merci à toi Jean-Michel qui nous as tant porté !

Pour remplacer Antoine Matte qui a décidé d’arrêter l’équipe après la Russie, nous avons sélectionné deux candidats, Frédéric Truffaut et Benoit Rotty, fraîchement venus des espoirs. Si leur motivation n’est pas mise en doute, ils ont beaucoup à apprendre. Grégory Chatelain complète l’équipe en chasseur d’image. Dès le début du stage, Fred Bourinet se blesse au posé et quitte définitivement la scène du haut niveau. Il ne pourra d’ailleurs plus ressauter. Nous n’avons pas d’autre choix que de sélectionner nos deux recrues. Le chemin n’en sera que plus long. Une nouvelle équipe, de nouvelles voiles et un objectif, le titre mondial. Autant de défis à relever. Et, moins de deux ans après, nous voici à Dubaï. Toutes les disciplines du parachutisme sportif y sont réunies, et ce championnat du monde s’annonce comme celui de la décennie. C’est la compétition qu’il ne faut pas rater ! Après deux saisons d’entraînement, nous sommes prêts. Nos deux jeunes ont vite appris, les Storm de chez PD font des merveilles. Juste avant le départ de la compétition, une dernière péripétie arrive. Et elle n'est pas des moindres. En effet, je suis obligé de retarder mon départ de trois jours pour assister à la naissance de ma fille. Elle arrive le 24 novembre, juste à temps ! C'est un bon présage pour nous, une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule ! Enfin réunis à Dubaï, on entre tout de suite dans le vif du sujet. Vu mon retard, il n’y aura pas de saut d’entraînement. On commence directement avec les sauts de compétition. C’est un départ sur les chapeaux de roue pour notre équipe. En affichant 21 points à la 1ère manche on met un point d’entrée aux Russes. Nous sommes confiants, peut être un peu trop. On plante un 19 à la 2ème manche, les Russes en font autant. Ces derniers se reprennent à la 3ème manche en lançant leur machine à 21 points. Ils ne sont pas encore battus... Mais notre propre machine est lancée également et nous arrivons à garder notre précieux point d’avance jusqu'à la 8ème manche.

Résultats séquence à 4

(sur 8 manches et 4 équipes) 1. France 2. USA 3. Russie 4. Australie

84 points 83 points 56 points 13 points

Rotation à 4

Champions du monde : Emmanuel Bouchard, Gregory Chatelain (vidéo), Vincent Coliac, Benoît Rotty, Frédéric Truffaut. Texte : Emmanuel Bouchard Depuis 1998 les Russes régnaient sur la rotation, ils étaient les maîtres incontestés de la discipline. Et cette année, à Dubaï, malgré une équipe très forte, leur règne s’est terminé. Le titre de champion du monde de la rotation est revenu à la France !

http://www.paramag.fr

ParaMag - n°308 - Janvier 2013

Table des matières de la publication ParaMag - n°308 - Janvier 2013