ParaMag - n°308 - Janvier 2013 - 23

la mesure où Matt et moi inversons les rôles : je passe derrière la caméra alors que Matt va performer avec Nico. Et puis le dernier libre, dans une compétition extrêmement serrée, peut faire basculer la compétition, à la dernière manche. Nous avons abordé chaque saut de la même façon, avec confiance, concentration, plaisir et combativité. Nous étions aidés en cela par nos entraîneurs, nos kinés, nos pairs. Le soutien énorme venu de France et d’ailleurs par Internet achevait de nous insuffler la force nécessaire. Pendant cinq jours, plus rien n’existait que notre objectif commun, les ondes positives de notre entourage, et l’entité que nous formions tout les trois. C’est une expérience extraordinaire, cette tension permanente, cette dissolution dans l’instant qui dure. Saut après saut, nous nous rapprochions de la victoire. Jamais derrière, une fois à égalité, jamais plus de 0.3 devant les Américains de SoCal Converge. Nous nous sommes battus jusqu’au bout pour décrocher ce titre tant convoité. A l’ouverture de mon parachute, juste après la dernière manche, l’émotion me submerge. Le décor grandiose, mes coéquipiers sous voile autour de moi, le sentiment d’un saut réussi, le poids de cette incroyable aventure, la conscience que les dés sont jetés, tout se mélangeait dans le ciel de Dubaï. Rapidement, les sauts de finale furent jugés en direct sur les écrans géants, et dans l’ordre inverse du classement. L’équipe Babylon (Cathy et Virginie Bouette, Will Penny) remportant sa victoire pour la troisième place face aux Norvégiens apporta la première joie au sein de la délégation française. Puis le saut des Américains commença à défiler, un bon saut : 9.3 points. Il nous fallait donc obtenir 9.2 ou davantage pour remporter la compétition. Rassemblés devant l’écran avec tout le collectif artistique, notre entraîneur et nos amis, nous avons retenu notre souffle. En regardant notre saut, un rush d’adrénaline d’une force qui m’était jusque-là inconnue anesthésie mon corps tout entier. Le temps semble suspendu, les secondes durent des heures. Et puis la note tombe : 9.3. Nous sommes champions du monde ! Dans un mélange de joie explosive et de relâchement, d’euphorie totale et d’incrédulité, j’ai laissé partir mes larmes. Ce rêve si longtemps poursuivi devenait réalité.

Résultats freefly

(sur 7 manches et 22 équipes) 1. France 2 64,7 points 2. USA 1 64,5 points 3. France 1 63,6 points 4. Norvège 1 63,2 points 5. Russie 1 62.0 points

Freestyle

avait pas d’effet de vitesse dans notre saut. La mer se confondant avec le bleu du ciel, il n’y avait pas de défilement de sol, pas de rotations générant de la vitesse, etc. A l’image, le rendu du saut semble un peu fade. Les résultats tombent. 9.2 pour nous alors que Solaris affiche 9.3 en réalisant un très bon saut. D’entrée de jeu, nous savons que la compétition va être très dure. Il ne faut rien lâcher, une manche d’imposé va arriver, il faut la réussir parfaitement. Malgré un bon saut de notre part, l’équipe France2 confirme son excellent départ en reprenant encore 2 dixièmes. Désormais, nous l’avouons sans complexe, un doute s’est installé… Comment faire pour inverser la tendance ? Il va falloir se serrer les coudes et sortir l’excellence, à chaque fois. Après quelques discussions avec Yohann, nous décidons de voler de façon encore plus agressive, avec un cadrage plus serré, des vrilles encore plus rapides… quitte à flirter avec la limite, mais nous n’avions pas le choix ! Dans cet état d’esprit, nous réalisons une 3ème manche quasi-parfaite. Nous inversons la tendance en étant mieux noté que les Solaris : 9.4 contre 9.3. Notre machine ne s’arrêtera plus jusqu’à la fin… Manche 4, encore un dixième de rattrapé. Désormais, seul un dixième au classement général nous sépare. Manche 5, un saut «clé» pour chacune des deux équipes. La pression est énorme. L’équipe qui fera la première erreur perdra ce championnat du monde. Nous en sommes tous bien conscients. Solaris fera une erreur stratégique sur ce saut. En voulant mettre trop d’interséquence en présentation, ils font un saut «hors temps» et sont donc pénalisés en prenant une faute sur leur dernière figure. Ils scorent à 8.1. Notre saut sur cette manche fut l’un des meilleurs de l’année. Fluide, bien calé, bon timing. Nous scorons à 8.8. Au retour de ce saut, nous n’avons pas connaissance de la faute des Solaris. Ils avaient bien caché leur jeu. L’info s’est transmise petit à petit et cela n’a fait que cimenter notre confiance. Maintenant en tête de la compétition avec une avance certaine (mais non pas confortable), il faut désormais être régulier pour gagner. Nous faisons une très bonne 6ème manche. Score : 9.4 contre 9.3. Et encore un dixième d’avance supplémentaire, ce qui nous place à 0.7 devant et avant le dernier saut.

> MONDIAL 2012

Champions du monde : équipe France 1 (Akrostyle) composée de Yohann Aby (performer), Sébastien Chambet (vidéoman). Texte : Sébastien Chambet Avec le titre de champion du monde obtenu en 2010 en Russie, et avec celui de champion d’Europe gagné en Allemagne l’année dernière, notre équipe était attendue à ce championnat du monde. Il nous fallait donc gérer un statut de «favori» alors que la participation était forte à Dubaï et que le niveau des équipes présentes avait considérablement augmenté. Nous arrivions, certes émerveillés par toute la démesure de cette organisation, mais très concentrés sur le travail qu’il fallait accomplir. Notre DTN nous avait dit que ce serait le championnat du monde du siècle, il fallait donc absolument gagner ici cette année. Pas le choix, la deuxième place ne devait pas être pour nous, nous savions que l’équipe de France 2, Solaris, avait relevé son niveau mais nous n’imaginions pas à quel point la bagarre allait être serrée. Un premier saut en championnat du monde est toujours un moment très important pour se placer en tête de la compétition. Il donne le ton de notre chorégraphie et permet aux juges d’avoir tout de suite une idée plus précise du niveau de chaque équipe. C’est pourquoi la tension est vraiment présente sur ce 1er saut. Il faut savoir gérer un stress important tout en sachant voler en étant «relâché». Une erreur ici se paierait cash. Avec mon coéquipier, Yohann Aby, nous connaissions cette situation puisqu’il s’agissait là de notre 4ème compétition internationale. Le 1er saut s’est donc bien déroulé. Nous avions le sentiment d’avoir bien volé. Le timing était bon, et les mouvements étaient correctement réalisés. Mais en voyant le rendu vidéo, nous avons été déçus. En effet, nous sommes sortis de l’avion en 4ème position et nous avons donc été largués en pleine mer, et non au-dessus de la Palm, comme nous l’espérions. Le résultat est qu’il n’y

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