ParaMag - n°308 - Janvier 2013 - 10

LA GOUVERNANCE DES ÉCOLES
Les écoles de parachutisme réalisent toutes un chiffre d’affaires conséquent car à 25 euros le saut en moyenne la barre symbolique des 100.000 euros de CA est passée dès 4.000 sauts, sans compter les prestations pédagogiques. Il faut donc posséder des capacités et des connaissances pour les gérer utilement avec succès. La question de la compétence des dirigeants est un sujet récurrent qui revient périodiquement à l’ordre du jour, notamment chaque fois qu’une école disparaît ou rencontre des difficultés. Entendons-nous bien : les difficultés ne proviennent pas toujours d’erreurs de gestion, mais en revanche les erreurs de gestion entraînent toujours des difficultés. La réponse à cette question a d’abord été simpliste, et certains s’en contentent encore. La FFP a récemment fait évoluer les choses. La réflexion peut cependant être élargie. Il a longtemps été prétendu que le bénévolat serait l’origine et la cause de certaines incompétences de dirigeants. Au modèle du dirigeant bénévole d’association, incompétent par nature, a été opposé le contre-modèle du dirigeant rémunéré de société, compétent par nature. Cette prétention contient une dichotomie. C’est d’une totale stupidité en ce qu’est prise en compte la forme sociale d’une entreprise, association ou société, laquelle n’a bien évidemment aucune incidence sur la compétence des dirigeants. Pas besoin d’être agrégé d’économie pour le comprendre, et il est sidérant qu’il se trouve encore quelques personnes pour proférer une telle ânerie.

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Par Yves-Marie Guillaud

compétences personnelles, en revanche une différence énorme les distingue à raison des modalités de gouvernance de chacun de ces deux types d’entreprises. Jacques Chirac avait dit : «Un chef, c’est fait pour cheffer». Il n’est pas sûr que l’invention du verbe «cheffer» soit volontaire, mais il entraîne une compréhension instantanée du propos. Pour «cheffer» dans une société commerciale il faut un gérant, et c’est tout. Il n’est bien entendu question ici que des formes de sociétés utilisées dans le parachutisme, les formes plus complexes imposant un mode managérial plus complexe. Entièrement responsable de son entreprise, il n’a de compte à rendre qu’à lui-même de sorte que personne ne conteste ses choix et ses décisions. Quelqu’un songe-t-il à mettre en cause les choix managériaux d’OJB à Mimizan ? Quelqu’un songe-t-il à critiquer OJB lui-même ? Quand bien même un illuminé voudrait-il le faire qu’il se trouverait sans doute mis à la porte sans ménagement. En revanche, «cheffer» dans une association est autrement plus compliqué, même à qualité personnelle identique du dirigeant. Soumis à l’obligation de composer et rendre compte sans cesse à un comité directeur, et annuellement à une assemblée générale, il peut être révoqué comme un malpropre à tout moment et sans motif par la majorité simple du comité directeur. Alors il lui faut composer avec toute sorte d’individus parfois élus non pas sur leurs compétences mais par copinage. Il y a immanquablement ceux qui n’y connaissent rien ou ceux qui ne font jamais rien. Nantis d’un pouvoir qui les dépasse, certains critiquent sans proposer, et même parfois certains insultent et méprisent. Cela s’est vu notamment à Gap, Avignon, Lyon… Dans ces conditions, comment espérer attirer des personnalités ayant un profil de chefs d’entreprises compétents pour diriger des écoles associatives ? Ce n’est pas un problème de rémunération, la satisfaction de rendre service pouvant être une forme convenable de rémunération pour ceux qui ont déjà une réussite professionnelle. Le problème est qu’un dirigeant compétent, reconnu dans sa vie professionnelle, et qui engage non seulement sa compétence mais aussi sa responsabilité personnelle, peut être soumis à l’insulte de n’importe qui et viré comme un malpropre sans raison. Comment alors espérer attirer des managers compétents ? Une formule du bon sens populaire dit qu’on a les dirigeants qu’on mérite. Alors à la réflexion, la solution réside peut-être dans le scrutin de liste proposé par la FFP qu’elle a appliqué à elle-même. Au premier abord ce type de scrutin emporte des réticences car une seule politique est alors représentée au comité directeur, celle de la ou des autres listes étant éliminée. En revanche, elle a le mérite de l’efficacité car le chef de la liste élue peut «cheffer» comme le fait OJB, n’ayant de comptes à rendre qu’une fois l’an à l’AG. Au moins y a-t-il une chance d’avoir une cohérence et une continuité, avec une politique qui dépasse le court terme et qui ne soit pas perpétuellement soumise à la versatilité des hommes et parfois même à la bêtise de certains. Dans un de ses dessins Jacques Faizan faisait dire à l’une de ses grosses dames : «Qu’estce qui pourrait bien me débarrasser de la bêtise humaine ?», son chat lui répondait : «À part la fin du monde, je ne vois pas». ■

C’est un peu plus sérieux en ce qu’est prise en compte la motivation des dirigeants, la rémunération étant censée attirer les plus compétents, les incompétents étant voués au travail non rémunéré. C’est néanmoins simpliste, et surtout daté car calqué sur la première théorisation du libéralisme, d’Adam Smith au XVIIIème siècle, ainsi exprimée : «Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme.» (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776). Le couplage cupidité-rémunération-compétence et humanitébénévolat-incompétence est dépassé depuis longtemps par les sciences économiques, la sociologie, et même la philosophie. Que certains (rares) professionnels du parachutisme tour-de-manège, baptisé transport d’un côté ou découverte de l’autre, qui en sont restés là veuillent bien y réfléchir. La compétence des dirigeants n’est donc évidemment pas liée à la forme sociale de l’entreprise ni à la rémunération monétaire procurée par la fonction. Elle dépend des capacités et des connaissances personnelles desdits dirigeants. Partant de ce constat, la FFP a intelligemment créé fin 2011 un cursus de formation des dirigeants. Excellente initiative qui a heureusement été reconduite et qui devrait utilement se renouveler. Elle s’adresse à tous types de dirigeants et pas seulement aux bénévoles. S’il n’y pas à différencier les dirigeants des associations et des sociétés, si la seule distinction qui vaille réside dans leurs

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