ParaMag - n°304 - Septembre 2012 - 46

WINGSUIT BASE
Ce saut permet de travailler le vol de proximité avec le relief et le sol, la survitesse ainsi que l’équilibre en survitesse. Je pense que cette fréquence dans la pratique est un minimum pour ma sécurité.»

Septembre12:304 paramag.fr

>
État d’esprit
desquels ils n’auraient jamais dû sauter. Ils étaient déjà morts avant même de s’élancer. Ils se sont tués à cause d’une nette surestimation de leur niveau, parce qu’ils n’ont pas étudié le terrain, et parce qu’ils n’ont fait aucun saut moins difficile en amont pour comparer leurs performances par rapport à la ligne de vol qu’il pensait pouvoir tracer. 30 à 40 sauts par an, c'est loin d’être suffisant pour se permettre de prendre certains risques. Le vol de proximité est basé sur le visuel ainsi que les sensations, et cela se développe seulement avec la pratique. On sent l’air qui passe dessus, on sent la pression dans les ailes. Au final, ce n’est qu’un ressenti qui demande un entraînement quasi quotidien. Il ne faut donc pas se surestimer, il faut s’entraîner pour bien se connaître soi-même et développer la connaissance du terrain. Et puis il faut se modérer, toujours se modérer. Dans le trio que nous formons avec Jean-Philippe, Mathieu et moi, on se rappelle tout le temps à l’ordre mutuellement et il n’y a aucune compétition entre nous ni avec les autres. Dans le milieu du BASE, je pense qu’il a un certain pourcentage de comportement machiste, trop de défi par rapport à soi, trop d’orgueil. Même si la plupart des BASE jumpers sont des gens sensés et raisonnés, le faible pourcentage de gens qui n’ont pas le bon esprit et la bonne approche entache la réputation du wingsuit BASE. L’orgueil est le poison le plus mortel pour un BASE jumper.
Vincent Descols survole la cime des arbres après un départ du Pic Saint-Michel dans le Vercors. Photos Marine Galves.

«Il n’y a jamais eu autant d’accidents depuis que le BASE est devenu wingsuit BASE, et il y en a de plus en plus. C’est une discipline dévorante où on est facilement tenté d’aller plus loin dans la prise de risque. Mais il faut savoir rester humble, ne pas être persuadé que l’on est techniquement doué et accepter que l’on doit s’entraîner. Je ne le dirai jamais assez, il faut s’entraîner et encore s’entraîner. Mes amis et moi faisons en moyenne 180 sauts par an, c’est énorme, mais c’est aussi nécessaire afin de ne pas se mettre en danger dans des vols engagés. Le wingsuit BASE associé au vol de proximité demande d’y consacrer beaucoup de temps. Si on n’a pas ce temps-là à donner pour une pratique assidue, alors il y a des vols auxquels il ne faut même pas penser. Il vaut mieux faire des spots dont le départ offre au moins 200 mètres de verticalité et apprécier la pureté d’un simple vol haut dans les airs, sans chercher à jouer avec le terrain.

Rester modeste et humble doit être la ligne de conduite du BASE jumper. Par exemple, il ne faut pas hésiter à redescendre quelle que soit la raison pour laquelle on ne sent pas le saut, et même si d’autres on choisi de sauter devant soi. Quand on ne le sent pas, on redescend, et même s’il y a trois heures de marche à refaire. Plusieurs accidents sont arrivés parce que la personne n’avait pas envie de redescendre à pied. Dans notre groupe, si quelqu’un redescend, on ne se moque pas, on respecte. Nous sommes dans un très bon état d’esprit, loin de nous la honte du renoncement, jamais de défi entre nous, ni avec soi-même. À nous trois, nous cumulons plus de 1 500 sauts et on n’a jamais eu d'accident. Nous pratiquons de façon saine. Nous avons tous des métiers, des vies équilibrées. On veut se faire plaisir et non pas se faire peur. Nous sommes conscients que le wingsuit BASE est une discipline à haut risque, et nous ne voulons pas en rajouter. Privilégier le choix des spots et leur étude topographique, apprendre à connaître ses capacités, favoriser l’entraînement et la fréquence des sauts, remettre en question son état d’esprit… zapper un seul de ces points-là, c’est ajouter une cartouche dans le barillet.» n

En 2011, il y a eu près de 25 accidents mortels en wingsuit BASE et on constate que ce fut toujours pour des raisons de mauvais jugement du BASE jumper, jamais pour des raisons matérielles. Une partie des causes de ces accidents était lié au choix de l’endroit. Certains de ces wingsuiters ont sauté d’endroits

http://www.paramag.fr

ParaMag - n°304 - Septembre 2012

Table des matières de la publication ParaMag - n°304 - Septembre 2012