ParaMag - n°304 - Septembre 2012 - 44

Notre édition précédente relatait la belle aventure du trio qui a ouvert le spot mythique de l’Aiguille du Midi : Vincent Descols, Jean-Philippe Gady et Mathieux Leroux. Pour ces trois hommes, ce saut en wingsuit avec un départ engagé fut possible grâce leur expérience étoffée et une sérieuse étude du terrain. Le wingsuit BASE demande aussi une bonne dose de modestie et d’humilité dans cette pratique qui aurait tendance à aviver le contraire. Vincent nous explique comment lui et ses deux amis abordent le wingsuit BASE et le proximity flight sans jamais tendre vers le côté obscur de la chose.

WINGSUIT BASE

être sauté à l'époque. C’est une falaise de 160 mètres environ et ceux qui avaient ouvert ce spot quelques années auparavant s'étaient fait très peur. Ça n'avait pas été sauté depuis et notre objectif fut de ressauter du Pic Saint-Michel sans que nous nous fassions une frayeur. Nous l’avons fait en n’ayant que du plaisir. On ne réalise pas de tels sauts à sec, sans préparation, sans entraînement. Un bon entraînement pour sauter d’un endroit un peu chaud demande des dizaines de sauts d’autres endroits bien moins délicats, avec beaucoup plus de marge. Durant cet entraînement, il faut apprendre à connaître ses capacités, ses performances et les calquer sur le spot plus technique qu’on s’est fixé. Mais il ne faut pas faire cela une fois, il faut le faire des dizaines de fois afin de s’assurer de sa régularité. En wingsuit BASE engagé, il y a deux paramètres qu’il faut bien considérer séparément. Il y a d’abord le départ qui implique un certain enfoncement, et puis il y a la ligne de vol qui commence à partir du moment où la wingsuit offre toute sa portance.»

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Le Vercors, c’est «chez nous» !

«Nous avons commencé le BASE il y a 4 ans environ, explique Vincent, et nous avons chacun plus de 500 sauts de BASE, dont environ 400 en wingsuit. Nous sommes tous trois membres de l’association Paralpinisme fondée par Erich Beaud en 2004. Nous avons entre 25 et 30 ans. Nous sommes tous les trois parachutistes et nous n'avons pas commencé dans le but de faire du BASE. Nous continuons à sauter d'avion à raison de 50 à 100 sauts par an. Mais le BASE est devenu notre grande passion que nous partageons tous les trois ensemble. Nous faisons en moyenne 180 sauts de BASE par an. Cela nous prend énormément de temps, car nous aimons les sauts en montagne ce qui implique beaucoup de déplacements et surtout de la marche à pied. Nous avons tous la moitié de nos sauts dans le Vercors. C'est dans le Vercors que nous nous entraînons énormément pour tous nos projets.»

Pliage soigné avant un vol engagé pour Vincent Descols. Photo Marine Galves

100% de bons départs
«Un bon entraînement consiste à travailler pour pousser très fort au départ vers l’horizon, être stable et à plat afin d’avoir avoir une mise en pression rapide de l’aile pour se mettre à voler le plus tôt possible. Mais il ne faut pas considérer qu’un entraînement porte ses fruits quand on réussit 4 ou 5 fois un bon départ, même si on en rate un seulement. Quand on se donne comme objectif de partir d’endroits un peu chauds, l’entraînement doit donner du 100% sur des dizaines de sauts. Tant que le 100% n’est pas atteint, on reste sur des spots qui offrent une grosse marge de sécurité, sinon on se met en danger. En wingsuit BASE, un départ est considéré bas quand la falaise offre une verticalité de moins de 200 mètres, c'est-à-dire 7 secondes avant l'impact. Si la falaise fait moins de 170 mètres, c'est considéré comme très court et réservé aux experts. Il faut environ une centaine de mètres pour que la wingsuit soit en pression et commence à porter. Le vol commence progressivement. Mais c’est à 130-140 mètres du départ que l’on commence à voler pleinement en profitant de toute la portance de la wingsuit. Ces chiffres sont corrects si le départ est bon, bien entendu. Moins le départ est bon et plus l’enfoncement est important.

En bas de ces falaises, il y a généralement un talus avec une pente variable. Au départ d’une falaise d'environ 170 mètres, le vol commence réellement à 30 ou 40 mètres du sol. Il faut donc accepter cette proximité et faire abstraction du visuel pour se concentrer sur le pilotage de la wingsuit. Pour considérer être en sécurité avec ce genre de départ, il faut être à 100 % à l’entraînement. Pour travailler sur le 100%, on ne passe pas d’un spot qui fait 300 mètres sur un autre qui fait moitié moins sans entrainement progressif. C'est dans cette phase progressive qu'il faut être à 100 %, et faire des départs qui sont tous bons pour se sentir en sécurité. Par conséquent, la sécurité se trouve aussi dans la pratique. Quelqu'un qui saute moins régulièrement aura peutêtre 95 % de réussite sur ses départs, mais le 5 % qui fait la différence peut être à l'origine d'un accident. Le saut de l'aiguille du Midi (relaté dans le précédent ParaMag) était mon 100ème saut en wingsuit BASE de la saison. Je saute vraiment beaucoup, ce qui me permet de développer des sensations. Et sur ces 100 sauts, je n'ai raté aucun départ. Il en est de même pour mes amis et équipiers Jean-Philippe Gady et Mathieu Leroux. À chaque saut, nous ne laissons rien au hasard. Tout est très décomposé. On sait sur quel pied on va pousser. On sait dans quel angle on va donner notre impulsion, c'est-à-dire à l'horizontale pour avoir une mise en pression rapide de la combinaison.»

Préliminaires

«Nous aimons nous fixer des objectifs, avoir des buts à atteindre, préparer des sauts à réaliser. Se fixer des objectifs permet de développer un entraînement pour les réaliser. Nous avons la chance de pratiquer tous les trois ensemble avec la même passion. Notre trio est un élément moteur. C’est également un pilier pour notre sécurité. Nous avons plaisir à étudier ensemble la topographie des spots que nous vous voulons sauter et survoler. Avoir un objectif, l’étudier et s’entraîner pour cela, je pense que cette démarche est déjà un gros atout pour une pratique en sécurité. L'an passé, par exemple, nous avions décidé de faire le plus haut saut du Vercors, il s'agit du Pic Saint-Michel qui est aussi le départ le plus court qui ait pu

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